30 novembre 2024
Réjouissons-nous : coup sur coup, sur des chaînes TV publiques, deux productions de qualité : hier soir, sur Arte, un téléfilm de Gustave Kervern qui nous a ravis de bout en bout, Je ne me laisserai plus faire , joyeux remake de Thelma et Louise, en version non-violente, servi par une distribution de rêve : Yolande Moreau, Laure Calamy (cf Dix pour cent), Anna Mouglalis en ex baba-cool reconvertie en fliquette good cop, et dans le rôle de son compère bad cop, l’extraordinaire Raphaël Quenard, que nous avions découvert dans Yannick. Les dialogues sont savoureux et drôles sans jamais succomber aux effets faciles, le scénario surprend jusqu’au bout, et la chute, parfaitement immorale, est un clin d’œil chaleureux, comme les paysages du Nord où le film a été tourné.
L’autre bonne surprise est la série Ça, c’est Paris, produite pour France 2 par Dominique Besnehard. Six épisodes dont nous avons vu avant-hier les deux premiers. Sur le modèle de Dix pour cent, l’histoire est celle d’un cabaret parisien plus que traditionnel (la série est tournée au Paradis Latin) que ses propriétaires (Alex Lutz et Charlotte de Turckheim) cherchent à sauver de la déroute. De nombreux guests y font une apparition, dont Line Renaud, dans une scène très émouvante, et D. Besnehard campe un maître d’hôtel à bouclettes follement drôle.
Beaucoup moins drôle mais très passionnante, la lecture du Double de Naomi Klein, dont j’aborde les derniers chapitres. La course à l’abîme qu’elle y décrit et qu’elle documente minutieusement a de quoi terrifier, si on croit inéluctable le processus de destruction conduit par les potentats capitalistes. Paradoxalement, on peut y trouver aussi une source d’espoir, si on postule que la cruauté et la perfidie qu’ils exposent désormais au grand jour finiront bien par entraîner des soulèvements qui les perdront...
L’autre bonne surprise est la série Ça, c’est Paris, produite pour France 2 par Dominique Besnehard. Six épisodes dont nous avons vu avant-hier les deux premiers. Sur le modèle de Dix pour cent, l’histoire est celle d’un cabaret parisien plus que traditionnel (la série est tournée au Paradis Latin) que ses propriétaires (Alex Lutz et Charlotte de Turckheim) cherchent à sauver de la déroute. De nombreux guests y font une apparition, dont Line Renaud, dans une scène très émouvante, et D. Besnehard campe un maître d’hôtel à bouclettes follement drôle.
Beaucoup moins drôle mais très passionnante, la lecture du Double de Naomi Klein, dont j’aborde les derniers chapitres. La course à l’abîme qu’elle y décrit et qu’elle documente minutieusement a de quoi terrifier, si on croit inéluctable le processus de destruction conduit par les potentats capitalistes. Paradoxalement, on peut y trouver aussi une source d’espoir, si on postule que la cruauté et la perfidie qu’ils exposent désormais au grand jour finiront bien par entraîner des soulèvements qui les perdront...
27 novembre 2024
Dans le train qui nous ramène à Paris via Genève, résumons les plaisirs de cette nouvelle escapade en quelques moments clés. Le point d’orgue en était, hier soir, le récital de Sabine Deviellhe, accompagnée au piano par Mathieu Pordoy (son compagnon ?), dans des lieder, la plupart en allemand, et en deuxième partie, des oeuvres de compositeurs français (Fauré, Nadia Boulanger). Sa voix, toujours aussi impressionnante de précision et de puissance, se joue des difficultés tout en maîtrisant les nuances. Sur la fin, quelques pièces techniquement redoutables démontraient une fois de plus sa virtuosité dans les registres les plus divers. Seul le choix de l’hymne à l’amour pouvait passer pour une facilité inutile...Magnifiquement installés, tout près des interprètes, au premier rang du balcon de côté, nous retrouvions avec plaisir ce joli petit théâtre où nous avions vu en 2019 Julie Fuchs dans Ciboulette, et l’année précédente, Ariane à Naxos .
Le même jour, nous avons aussi retrouvé notre table favorite au Chalet suisse, auquel sont associés tant de jolis souvenirs, et nous avons parcouru sans relâche et en tous sens les rues, les chemins (et les escaliers !) de cette ville qui nous est plus que familière mais dont nous découvrons chaque fois de nouveaux secrets. Ainsi ce matin, dans une dernière promenade avant le départ, nous gravissons les allées d’un grand parc, sur une colline très escarpée qui domine le lac. La Suisse n’est sans doute pas exempte de défauts, mais elle n’en reste pas moins pour nous une sorte de havre d’harmonie, un remède aux impatiences et aux agacements ...que nous retrouverons très vite à Paris en posant le pied sur le quai !
Le même jour, nous avons aussi retrouvé notre table favorite au Chalet suisse, auquel sont associés tant de jolis souvenirs, et nous avons parcouru sans relâche et en tous sens les rues, les chemins (et les escaliers !) de cette ville qui nous est plus que familière mais dont nous découvrons chaque fois de nouveaux secrets. Ainsi ce matin, dans une dernière promenade avant le départ, nous gravissons les allées d’un grand parc, sur une colline très escarpée qui domine le lac. La Suisse n’est sans doute pas exempte de défauts, mais elle n’en reste pas moins pour nous une sorte de havre d’harmonie, un remède aux impatiences et aux agacements ...que nous retrouverons très vite à Paris en posant le pied sur le quai !
24 novembre 2024
En route pour Lausanne, ou plutôt en train, un train de sénateur qui prend son temps : six heures ! Au départ, alors que dix minutes après l’heure prévue nous étions toujours à quai, on nous apprend que le conducteur a eu un malaise, que son remplaçant ne peut pas rouler à grande vitesse, et que nous emprunterons donc des voies normales. Nouvelle annonce surprise après l’arrêt à Frasne : Tout le monde devra descendre à Vallorbe, car le TGV n’ira pas plus loin, et nous devrons attendre 45 minutes l’arrivée d’un train de remplacement qui nous conduira à Lausanne. Aucune explication pour justifier cette manœuvre, mais nous supposons qu’il s’agit d’une mesure prise par les chemins de fer suisses qui refusent depuis peu les trains allemands et français qui arrivent en retard dans leurs gares (et le retard est désormais la règle plutôt que l’exception), et perturbent leurs propres plannings. Plus que jamais, nous nous fixons pour règle (à appliquer partout sauf en Suisse...) de ne jamais commencer un voyage en train après 15 heures, au risque d’y passer la nuit, et de ne pas prévoir de correspondance.
Vite oublié ces aléas en retrouvant dès notre arrivée le très beau musée d’art contemporain construit tout près de la gare. Nous avions découvert l’an dernier son architecture spectaculaire et son café accueillant. Les collections sont atteintes par la douloureuse maladie du classement thématique, mais une salle faisait heureusement exception au milieu d’un fourre-tout sans intérêt sur le thème de la mer : nous y avons admiré un immense diorama de fonds marins, peuplés de coraux, méduses et autres animaux tous vivement colorés et réalisés en ... tricot et crochet, par des centaines de petites mains allemandes.
Vite oublié ces aléas en retrouvant dès notre arrivée le très beau musée d’art contemporain construit tout près de la gare. Nous avions découvert l’an dernier son architecture spectaculaire et son café accueillant. Les collections sont atteintes par la douloureuse maladie du classement thématique, mais une salle faisait heureusement exception au milieu d’un fourre-tout sans intérêt sur le thème de la mer : nous y avons admiré un immense diorama de fonds marins, peuplés de coraux, méduses et autres animaux tous vivement colorés et réalisés en ... tricot et crochet, par des centaines de petites mains allemandes.
23 novembre 2024
A la maison, hier soir, agréable dîner avec Bruno et Tuan, en villégiature dans un Aibnb pendant la réfection de leur salle de bains. Dans la conversation, Bruno évoque les rapports entre Patrick et Moussa, qu’il juge comme nous un peu étranges, jusqu’à se demander si Moussa est gay, avec les interrogations qui en découlent sur ses motivations. Il ne se résout pas plus que nous, malgré sa proximité encore plus grande, à évoquer cette question avec Patrick. Ce dernier lui a seulement avoué un jour qu’il était important pour lui de s’afficher en couple. Bruno estime que le fond du problème est qu’il n’est toujours attiré sexuellement que par les (très) jeunes garçons.
En matière de cinéma, nos choix sont le plus souvent assez éloignés des siens, pour les thèmes et le calendrier, puisqu’il va voir les films à leur sortie. Il avait choisi de ne pas voir celui d’Artus, Un pt’it quelque chose en plus . Pour avoir regardé le DVD la veille, nous pouvons lui confirmer qu’il n’a pas manqué un chef-d’œuvre. Le triomphe que lui fait le public nous laisse perplexes, comme naguère le succès d’Intouchables. Sans doute cela tient-il dans les deux cas au regard plus qu’ambigu porté sur les handicapés, comme s’il n’allait pas de soi qu’ils sont des humains comme les autres, et qu’il faut faire des films pour le démontrer. Celui-ci au surplus manque totalement de grâce et de légèreté. Le scénario est cousu de fil blanc et, à l’inverse des intentions affichées, les acteurs d’occasion sont exhibés comme jadis les monstres de foire, dont on postule que leur seule présence provoquera le rire... ou pas, car en l’espèce le rire ne vient jamais, malgré tout le le talent de Colvis Cornillac et d’Artus. Espérons que le succès inattendu de ce film n’inspirera pas à ce dernier de nouveaux projets du même ordre, et qu’il renouera avec l’humour, qui lui réussit tellement mieux.
En matière de cinéma, nos choix sont le plus souvent assez éloignés des siens, pour les thèmes et le calendrier, puisqu’il va voir les films à leur sortie. Il avait choisi de ne pas voir celui d’Artus, Un pt’it quelque chose en plus . Pour avoir regardé le DVD la veille, nous pouvons lui confirmer qu’il n’a pas manqué un chef-d’œuvre. Le triomphe que lui fait le public nous laisse perplexes, comme naguère le succès d’Intouchables. Sans doute cela tient-il dans les deux cas au regard plus qu’ambigu porté sur les handicapés, comme s’il n’allait pas de soi qu’ils sont des humains comme les autres, et qu’il faut faire des films pour le démontrer. Celui-ci au surplus manque totalement de grâce et de légèreté. Le scénario est cousu de fil blanc et, à l’inverse des intentions affichées, les acteurs d’occasion sont exhibés comme jadis les monstres de foire, dont on postule que leur seule présence provoquera le rire... ou pas, car en l’espèce le rire ne vient jamais, malgré tout le le talent de Colvis Cornillac et d’Artus. Espérons que le succès inattendu de ce film n’inspirera pas à ce dernier de nouveaux projets du même ordre, et qu’il renouera avec l’humour, qui lui réussit tellement mieux.
21 novembre 2024
C’est la grande nouvelle de la journée : il neige en Bretagne, et bientôt à Paris. TF1 déploie ses envoyés spéciaux, en direct sous les premiers flocons. FranceInfo recueille les impressions des chauffeurs de chasse-neige et conseille aux parisiens de prendre "les transports" plutôt que leur voiture.
Hier, en visitant la belle expo de la Cité de l’architecture sur l’âge d’or des grands magasins, nous avons relevé cette maxime : "les grands magasins vont devenir des musées et les musées des grands magasins". Pour les premiers, j’aurais dit plutôt qu’ils ne sont déjà plus qu’un souvenir. Leur fonction est désormais remplie par Amazon ou Temu, et leurs locaux sont devenus des galeries marchandes pour touristes fortunés. Quant aux musées, ils subissent la même métamorphose, vendant une partie de leur surface aux marques et choisissant les thèmes de leurs expos en fonction des sponsors. La Cité n’échappe pas à la règle : le restaurant du rez-de chaussée a cédé la place à une sorte de mini café de la paix où un cuisinier de télévision revisite des plats à 50 euros.
Cruel contraste avec l’autre monde, de misère, observé la veille en attendant la livraison - offerte - d’un coffre-fort (j’accepte le sourire moqueur...). D’abord surpris par la rapidité de cette livraison, annoncée moins d’une heure après la commande, nous recevons l’appel d’une femme paniquée, qui cherche en vain la rue du Javelot. Comme elle maitrise mal le français, nos explications ne l’aident guère, mais une heure plus tard, elle arrive tout de même avec le lourd paquet, et peine à saisir sur son smartphone le code que nous avons reçu par mail. Une requête sur Google nous apprend alors qu’elle travaille pour Shopopop, une startup innovante qui s’affiche sur son site comme "un service de cotransportage, engagé pour des livraisons plus vertueuses". Fondée en 2015 par de jeunes recrues dune école de commerce à la recherche d’une idée lucrative à déguiser en entreprise philanthropique, elle prétend à la fois "lutter contre la déforestation" et "créer du lien social" (!) en s’inspirant de la méthode d’Uber : Les livraisons à réaliser sont affichées sur un site où les "cotransporteurs" occasionnels se disputent la course. Quelle que soit sa longueur et sa durée, ils recevront un pourboire (c’est le terme employé) de 6 euros, après qu’ils aient saisi le fameux code. Les clients ignorent, lorsqu’ils passent commande, qu’il seront livrés par un esclave, sans qu’on leur en laisse le choix. Mais seront-ils nombreux à s’en émouvoir ?
Hier, en visitant la belle expo de la Cité de l’architecture sur l’âge d’or des grands magasins, nous avons relevé cette maxime : "les grands magasins vont devenir des musées et les musées des grands magasins". Pour les premiers, j’aurais dit plutôt qu’ils ne sont déjà plus qu’un souvenir. Leur fonction est désormais remplie par Amazon ou Temu, et leurs locaux sont devenus des galeries marchandes pour touristes fortunés. Quant aux musées, ils subissent la même métamorphose, vendant une partie de leur surface aux marques et choisissant les thèmes de leurs expos en fonction des sponsors. La Cité n’échappe pas à la règle : le restaurant du rez-de chaussée a cédé la place à une sorte de mini café de la paix où un cuisinier de télévision revisite des plats à 50 euros.
Cruel contraste avec l’autre monde, de misère, observé la veille en attendant la livraison - offerte - d’un coffre-fort (j’accepte le sourire moqueur...). D’abord surpris par la rapidité de cette livraison, annoncée moins d’une heure après la commande, nous recevons l’appel d’une femme paniquée, qui cherche en vain la rue du Javelot. Comme elle maitrise mal le français, nos explications ne l’aident guère, mais une heure plus tard, elle arrive tout de même avec le lourd paquet, et peine à saisir sur son smartphone le code que nous avons reçu par mail. Une requête sur Google nous apprend alors qu’elle travaille pour Shopopop, une startup innovante qui s’affiche sur son site comme "un service de cotransportage, engagé pour des livraisons plus vertueuses". Fondée en 2015 par de jeunes recrues dune école de commerce à la recherche d’une idée lucrative à déguiser en entreprise philanthropique, elle prétend à la fois "lutter contre la déforestation" et "créer du lien social" (!) en s’inspirant de la méthode d’Uber : Les livraisons à réaliser sont affichées sur un site où les "cotransporteurs" occasionnels se disputent la course. Quelle que soit sa longueur et sa durée, ils recevront un pourboire (c’est le terme employé) de 6 euros, après qu’ils aient saisi le fameux code. Les clients ignorent, lorsqu’ils passent commande, qu’il seront livrés par un esclave, sans qu’on leur en laisse le choix. Mais seront-ils nombreux à s’en émouvoir ?
14 novembre 2024
Un rêve, la nuit dernière, dont je devine aisément l’origine. Sur le quai d’une gare, ou d’une station de métro, une femme contrôleuse habillée de bleu clair, comme autrefois les pervenches, terrorise un jeune garçon qui n’a pas de ticket. Il reste muet, par timidité ou faiblesse d’esprit, jusqu’à ce que ses parents s’approchent et brandissent une carte de transport ornée de sa photo. La scène est inspirée de celle que nous avons connue avant-hier dans un TER au départ de Besançon. Attendant la navette qui devait nous conduire à la gare TGV, un agent SNCF nous annonce qu’elle n’arrivera pas, et que nous devrons rejoindre le TGV à Dijon, en prenant un TER qui va bientôt partir, sur un autre quai. Comme à chaque fois, aucune trace de ces changements sur les écrans du quai, ni sur l’appli SNCF... Dans le TER, alors que nous fulminons encore, incertains d’arriver à temps, un contrôleur revêche nous demande de lui montrer nos cartes de réduction, car explique-t-il, l’appli qu’il utilise ne reconnaît pas le QR codes de nos billets TGV (!). Il s’ensuit un échange assez vif sur le thème "vivement la privatisation". Tout se passe désormais comme si cette entreprise cumulait les tares du secteur privé, à la recherche exclusive du profit au détriment du service public, et celles d’une administration dont les employés, peu motivés, semblent considérer que les usagers les dérangent. Faire le constat de ce gâchis n’est pas pour autant ignorer qu’il est le fruit de la politique de droite qui démantèle les services publics en les privant de ressources. Et l’un des effets secondaires qu’elle en attend pour justifier sa démarche est précisément le mécontentement des utilisateurs...
Les Américains, sous la férule de Trump, vont expérimenter la version extrême de cette politique, et on peut compter sur Elon Musk pour venir à bout des derniers organes de régulation qui ont survécu après 40 ans de démantèlement. Un papier du Monde explique l’intérêt industriel et financier qu’il en attend : il veut permettre à Tesla de hâter la mise sur le marché des voitures sans pilote, freinée jusqu’ici par des règlements dont il veut se débarrasser. On est sans doute parvenu là-bas (et bientôt ici ?) à ce moment de "bascule de la démocratie et du pluralisme à la tyrannie et au fascisme" dont parle Noémi Klein dans son nouveau livre dont je viens de commencer la lecture.
Les Américains, sous la férule de Trump, vont expérimenter la version extrême de cette politique, et on peut compter sur Elon Musk pour venir à bout des derniers organes de régulation qui ont survécu après 40 ans de démantèlement. Un papier du Monde explique l’intérêt industriel et financier qu’il en attend : il veut permettre à Tesla de hâter la mise sur le marché des voitures sans pilote, freinée jusqu’ici par des règlements dont il veut se débarrasser. On est sans doute parvenu là-bas (et bientôt ici ?) à ce moment de "bascule de la démocratie et du pluralisme à la tyrannie et au fascisme" dont parle Noémi Klein dans son nouveau livre dont je viens de commencer la lecture.
10 novembre 2024
Pour évoquer le 11 novembre, Télématin diffuse ce matin un reportage sur le musée de la grande guerre de Meaux, où on a reconstitué une tranchée pour une expérience immersive , avec explosions et cris de douleur... Il ne manque que les odeurs et le gaz moutarde. Bientôt des safaris photo à Gaza ? Dans le même journal, une statistique absurde, de celles qui alimentent les rubriques " le saviez-vous ?" :" 80% de la biodiversité est encore inconnue". On aimerait auusi connaître le mode de calcul....
Dehors, la brume est de retour, et elle ne se lèvera pas de la journée, ce qui nuit un peu aux panoramas vus de la Citadelle, dont la visite est au programme. Le lieu est immense, impressionnant de pesanteur et d’austérité, comme le sont les ouvrages militaires, les hôpitaux et les prisons. C’en est une d’ailleurs, pour des dizaines d’animaux, de grands singes et des bouquetins enfermés dans les douves, et bien d’autres espèces dans un zoo dont nous observons les filets et les grilles du haut du chemin de ronde. De manière absurde, à quelques mètres de cette cruauté qui ne semble choquer personne, le musée de la Résistance et de la déportation évoque de manière poignante le martyre des prisonniers des camps de concentration. Le dispositif de l’expo, pour une fois, ne cherche pas l’esbrouffre. Apres une évocation simple et chronologique de la montée du nazisme et de l’aveuglement des européens (on y reconnaît tout ce que nous vivons aujourdhui), on plonge réellement dans la vie quotidienne de la France de Vichy, de ses victimes et de ses martyrs. Pour une fois, il serait légitime de qualifier cette visite d’immersion, car au fil des vitrines, où sont exposés sobrement des dizaines de lettres et cahiers jaunis, on est peu à peu gagné par l’émotion. A lire la lettre envoyée à sa mère par un résistant qui va mourir, à contempler les travaux de couture ou les jeux de cartes confectionnés dans sa cellule par Germaine Tillion, à déchiffrer des billets griffonnés par les déportés qui les jetaient des trains de la mort, et les lettres de remerciements que la famille envoyait a ceux qui les avaient transmis, on mesure concrètement l’horreur de cette période. On est d’autant plus ému que rien ne nous somme de l’être. Pas de commentaires larmoyants ou grandiloquents, seulement des cartels sobres et purement descriptifs. Signe que notre impression était partagée : le silence des visiteurs, pourtant nombreux. Et dire que parmi eux, il ne fait pas de doute que certains ont voté Le Pen...
Dehors, la brume est de retour, et elle ne se lèvera pas de la journée, ce qui nuit un peu aux panoramas vus de la Citadelle, dont la visite est au programme. Le lieu est immense, impressionnant de pesanteur et d’austérité, comme le sont les ouvrages militaires, les hôpitaux et les prisons. C’en est une d’ailleurs, pour des dizaines d’animaux, de grands singes et des bouquetins enfermés dans les douves, et bien d’autres espèces dans un zoo dont nous observons les filets et les grilles du haut du chemin de ronde. De manière absurde, à quelques mètres de cette cruauté qui ne semble choquer personne, le musée de la Résistance et de la déportation évoque de manière poignante le martyre des prisonniers des camps de concentration. Le dispositif de l’expo, pour une fois, ne cherche pas l’esbrouffre. Apres une évocation simple et chronologique de la montée du nazisme et de l’aveuglement des européens (on y reconnaît tout ce que nous vivons aujourdhui), on plonge réellement dans la vie quotidienne de la France de Vichy, de ses victimes et de ses martyrs. Pour une fois, il serait légitime de qualifier cette visite d’immersion, car au fil des vitrines, où sont exposés sobrement des dizaines de lettres et cahiers jaunis, on est peu à peu gagné par l’émotion. A lire la lettre envoyée à sa mère par un résistant qui va mourir, à contempler les travaux de couture ou les jeux de cartes confectionnés dans sa cellule par Germaine Tillion, à déchiffrer des billets griffonnés par les déportés qui les jetaient des trains de la mort, et les lettres de remerciements que la famille envoyait a ceux qui les avaient transmis, on mesure concrètement l’horreur de cette période. On est d’autant plus ému que rien ne nous somme de l’être. Pas de commentaires larmoyants ou grandiloquents, seulement des cartels sobres et purement descriptifs. Signe que notre impression était partagée : le silence des visiteurs, pourtant nombreux. Et dire que parmi eux, il ne fait pas de doute que certains ont voté Le Pen...
9 novembre 2024
La maison de Victor Hugo que nous avons visitée ce matin relève presque d’un abus de langage, puisque l’auteur des Misérables n’a fait qu’y naître, par le hasard d’une affectation de son père militaire. Mais tout lien, même ténu, avec une telle célébrité se doit d’être exploité pour ajouter à l’attrait touristique de la ville. On a donc fait de cette bâtisse une sorte de musée, où faute de disposer d’objets ou de documents, on évoque sa vie et ses combats a travers des citations extraites de ses œuvres et des films qu’il a inspirés. L’ensemble entend célébrer un précurseur, ce qu’il fut assurément, mais avec une emphase qui confine à l’absurde, en convoquant les témoignages de Badinter sur la peine de mort, amnesty et RSF sur la liberté d’expression et ATD Quart-monde pour le combat contre la pauvreté. Et comme rien ne doit ternir l’image du grand homme, sa biographie omet soigneusement de mentionner son hostilité aux combats de la Commune. Jusqu’où le révisionnisme va se nicher...! Après une halte succulente chez notre Barbarella bisontine, nous achevons le parcours des itinéraires touristiques balisés avec le tour des rives du Doubs, qui nous fait découvrir le tunnel fluvial creusé sous la citadelle. Ce soir, nous profiterons de l’abonnement Netflix de Bob en regardant un film. Ja et lui ne repasseront pas avant notre départ. Il leur faudra attendre le printemps pour écouter le récit de nos découvertes....
8 novembre 2024
A Besançon depuis hier matin. Temps frais et brumeux, idéal pour découvrir la ville, que nous avons déjà parcourue plusieurs fois dans tous les sens. La plupart des maisons de la ville ancienne sont baties dans un calcaire curieusement bicolore, alternant en larges bandes le crème et le gris bleuté. Enserrée dans une large boucle du Doubs, la cité semble n’avoir guère changé depuis le XVIIIe siècle. Épargnée par la dernière guerre et bien entretenue, elle dégage une impression de solidité à la fois austère et raffinée, typique des régions de montagne. On découvre derrière les porches une multitude d’hôtels particuliers, des passages voûtés reliant des cours intérieures successives, et des boutiques à la manière flamande, dont la façade étroite dissimule une très grande profondeur. La visite est facilitée par un guidage au sol très efficace, qui nous conduit aux principaux monuments, dont je retiens la cathédrale Saint Jean, blottie au pied de la Citadelle, à laquelle on accède en passant sous un arc de triomphe romain étonnamment bien conservé, et le Palais Granvelle, dont la cour intérieure ressemble à un très grand cloître, et où nous visitons le musée du temps, consacré à l’histoire de l’horlogerie. Dans une tour, un pendule de Foucault dont la rotation est soulignée par un jeu de diodes lumineuses qui ne semble plus fonctionner. Quant au musée des beaux arts , nous ne retiendrons rien de sa visite, car la terrible épidémie d’accrochage thematique qui sévit aujourd’hui dans les musées semble avoir causé ici des dégâts irréparables, le chaos des œuvres disposées au hasard étant accentué par l’installation d’un terrifiant labyrinthe de béton.
Mais c’est au dejeuner que nous avons fait la découverte la plus inattendue : un merveilleux salon de thé comme nous les aimons, dans le style du Barbarella d’Aix-la-Chapelle. Décidément cette ville nous plaît.
Mais c’est au dejeuner que nous avons fait la découverte la plus inattendue : un merveilleux salon de thé comme nous les aimons, dans le style du Barbarella d’Aix-la-Chapelle. Décidément cette ville nous plaît.
6 novembre 2024
Trump a gagné. La nouvelle nous saisit dès le réveil, et nous ne savons qu’en faire. Un sentiment de sidération et d’impuissance, comme à l’annonce d’une mort qui nous touche, ou la menace d’une épidémie mortelle.
L’édito de Daniel Schneidermann n’est en rien rassurant, quand le seul pauvre remède qu’il préconise pour conjurer le fléau est de renforcer le développement de la presse indépendante. Cet article de Médiapart enfonce le clou en confirmant le rôle mortifère des réseaux sociaux. Autant dire que, cette fois la guerre est bien perdue.. ou qu’elle pointe son nez ?
Hier, passé une bonne soirée en compagnie de Malika et Pierre-Yves, avec qui nous avons revu Les gros patinent bien, avant de dîner ensemble à la Serenissima. La pièce nous a autant réjouis que la première fois, même sans l’effet de surprise.
L’édito de Daniel Schneidermann n’est en rien rassurant, quand le seul pauvre remède qu’il préconise pour conjurer le fléau est de renforcer le développement de la presse indépendante. Cet article de Médiapart enfonce le clou en confirmant le rôle mortifère des réseaux sociaux. Autant dire que, cette fois la guerre est bien perdue.. ou qu’elle pointe son nez ?
Hier, passé une bonne soirée en compagnie de Malika et Pierre-Yves, avec qui nous avons revu Les gros patinent bien, avant de dîner ensemble à la Serenissima. La pièce nous a autant réjouis que la première fois, même sans l’effet de surprise.
4 novembre 2024
Revu hier soir avec grand plaisir Amadeus de Milos Forman. Quarante ans après sa sortie, le film n’a rien perdu de sa beauté et de son énergie. Wikipedia rappelle que le scénario, œuvre du dramaturge anglais Peter Shaffer, est adapté d’une pièce à succès qu’il avait écrite en 1979, en s’inspirant lui-même d’une courte pièce de Pouchkine, Mozart et Salieri. Le talent de cinéaste de Forman (à qui on doit notamment Vol au-dessus d’un nid de coucous) rend cruelle la comparaison avec le film de 2022 que nous avions vu la veille, Il Boemo, du tchèque Petr Vaclav, qui traite d’un sujet très voisin : La vie du compositeur Josef Mysliveček, autre contemporain de Mozart, tout aussi célèbre que Salieri, et comme lui totalement oublié par la postérité. Les deux films, tournés dans des décors naturels somptueux, restituent bien l’atmosphère d’intrigues de cours et de libertinage du XVIIIe siècle et la musique, magnifique, y est tout aussi omniprésente. Mais le Boemo est traité comme un banal biopic qui semble vite terriblement ennuyeux. La liste interminable des coproducteurs qui précède le générique explique sans doute en partie cette impression de lourdeur.
31 octobre 2024
Changement de programme pour la semaine prochaine : Bob et Ja ne viendront pas à Paris : ils doivent s’occuper de Manon, hospitalisée à Lyon pour une réaction violente à un traitement de la fertilité, qui ne la met pas en danger, mais dont on ne peut pas prévoir la durée. Nous irons tout de même à Besançon comme prévu. Pour la représentation des gros patinent bien, Malika et Pierre-Yves nous y accompagneront.
27 octobre 2024
Dîné hier soir chez Bruno et Tuan, en compagnie de Patrick et Michel Vial (qui a encore grossi...). En évitant les sujets politiques, la conversation est restée agréable. A la fin seulement, Michel redit son admiration pour F.-X. Bellamy (indépendamment de sa posture politique, je ne distingue pas très bien ce qu’on peut lui trouver d’admirable), et affirmé que sa présence aux avant-postes de la manif pour tous n’en faisait pas pour autant un ennemi des gays (!). Quant à Patrick, il nous apprend que Moussa vient enfin d’obtenir son permis de séjour, une demie bonne nouvelle puisque c’est pour un an seulement, et qu’avec B. Retailleau aux manettes, l’avenir est incertain.
La seule vraie bonne nouvelle, c’est l’heure d’hiver qui vient d’arriver. On peut y ajouter les travaux de transformation de la rue Charles Moureu, qui viennent de commencer, et ceux de la tour Saporo qui se terminent : les derniers échafaudages ont été enlevés cette semaine.
La seule vraie bonne nouvelle, c’est l’heure d’hiver qui vient d’arriver. On peut y ajouter les travaux de transformation de la rue Charles Moureu, qui viennent de commencer, et ceux de la tour Saporo qui se terminent : les derniers échafaudages ont été enlevés cette semaine.
24 octobre 2024
Hier, soirée imprévue à l’Opéra Bastille, où nous n’étions pas retournés depuis 2019 et l’inoubliable représentation des Indes galantes en hip-hop. Mais nous sommes toujours dans le fichier des abonnés, puisqu’un e-mail nous a proposé des places à 50% pour La Fille du régiment … avec Julie Fuchs ! Par chance, il restait deux places parfaites, au deuxième rang du premier balcon. Et nous avons retrouvé avec bonheur le souvenir de la même mise-en-scène de Laurent Pelly en 2012, avec Nathalie Dessay (l’un des ses derniers rôles), et le magnifique ténor péruvien Juan Diego Florez. Comme chaque fois, Julie Fuchs est impressionnante par sa virtuosité vocale et son jeu d’actrice. Son partenaire Lawrence Brownlee a lui aussi une très belle voix et une diction parfaite, mais son physique (noir, petit et gros) provoque dans les duos un comique involontaire. Il reste que nous avons passé une excellente soirée, totalement inattendue, émouvante aussi, par la présence de Felicity Lott dans le rôle (parlé) de la duchesse. A 77 ans, elle a toujours belle allure, et nous nous souvenons de son inoubliable Grande-duchesse de Gérolstein, vue dans les années 2000.
21 octobre 2024
Parmi mes dernières lectures, je retiens le livre de Benjamin Labatut, Maniac, du nom du premier ordinateur qui , en 1956, réussit à battre au jeu d’échecs un joueur humain. C’est le récit de la longue marche vers la réalisation d’une véritable intelligence artificielle, capable d’égaler puis de dépasser les capacités de l’esprit humain. Le dernier chapitre est consacré à AlphaGo, premier programme d’IA à devenir imbattable, en 2017, contre les meilleurs joueurs de monde du jeu de go, performance rendue possible par la capacité du programme à s’auto-entraîner en jouant contre lui-même.
Ce progrès est l’œuvre d’une poignée de mathématiciens de génie, du tchèque Ehrenfest à Turing, Gödel, Von Neumann et quelques autres, sur le parcours et la personnalité desquels l’auteur s’attarde utilement pour évoquer des épisodes méconnus, et révélant surtout que tous anticipaient très clairement le stade auquel l’IA est parvenue aujourd’hui . Mieux encore, tous projetaient des systèmes capables de se reproduire et d’auto-évoluer, autant dire une forme de vie artificielle. Cette lecture fait écho à un article de Pour la science que j’ai mentionné récemment, dans lequel on relatait une expérience de « culture in vitro » dans un automate cellulaire, où des particules dotées au départ de propriétés rudimentaires et disposées aléatoirement dans l’espace s’organisaient spontanément, en créant par mutation de nouvelles propriétés qui devenaient peu à peu transmissibles. L’avènement d’une superintelligence serait-il proche ? Mes expériences avec ChatGPT me poussent évidemment à envisager cette hypothèse, même s’il reste encore beaucoup de chemin à parcourir : Les performances sont impressionnantes quant on l’applique à des langages strictement univoques comme les langages de programmation, mais beaucoup moins avec la littérature. Il est vrai que ChatGPT n’est plus le nec plus ultra en matière d’IA.
Je rêve d’un tel bot , capable par exemple d’adapter un texte en profondeur sans en modifier le sens, pour le débarrasser de lourdeurs stylistiques, ou (sans doute plus difficile) y détecter des raisonnements erronés. La lecture du Monde Diplo, par exemple, en serait tellement améliorée, si l’on pouvait y faire le tri entre l’information et les mantras idéologiques… Le Manuel d’auto-défense intellectuelle qu’ils viennent de publier serait le candidat idéal pour ce traitement : on trouve dans ce recueil des informations utiles et inédites, des rappels historiques bienvenus, et quelques analyses originales, mais l’ensemble baigne dans un magma de jargon et d’a priori idéologiques qui rendent la lecture particulièrement éprouvante. Sans parler d’une mauvaise foi exposée sans pudeur, quand par exemple, un article consacré aux récits historiques juge excessif le rôle qu’ils prêtent généralement aux « grands hommes », mais fait exception pour Lénine et la révolution russe !
Ce progrès est l’œuvre d’une poignée de mathématiciens de génie, du tchèque Ehrenfest à Turing, Gödel, Von Neumann et quelques autres, sur le parcours et la personnalité desquels l’auteur s’attarde utilement pour évoquer des épisodes méconnus, et révélant surtout que tous anticipaient très clairement le stade auquel l’IA est parvenue aujourd’hui . Mieux encore, tous projetaient des systèmes capables de se reproduire et d’auto-évoluer, autant dire une forme de vie artificielle. Cette lecture fait écho à un article de Pour la science que j’ai mentionné récemment, dans lequel on relatait une expérience de « culture in vitro » dans un automate cellulaire, où des particules dotées au départ de propriétés rudimentaires et disposées aléatoirement dans l’espace s’organisaient spontanément, en créant par mutation de nouvelles propriétés qui devenaient peu à peu transmissibles. L’avènement d’une superintelligence serait-il proche ? Mes expériences avec ChatGPT me poussent évidemment à envisager cette hypothèse, même s’il reste encore beaucoup de chemin à parcourir : Les performances sont impressionnantes quant on l’applique à des langages strictement univoques comme les langages de programmation, mais beaucoup moins avec la littérature. Il est vrai que ChatGPT n’est plus le nec plus ultra en matière d’IA.
Je rêve d’un tel bot , capable par exemple d’adapter un texte en profondeur sans en modifier le sens, pour le débarrasser de lourdeurs stylistiques, ou (sans doute plus difficile) y détecter des raisonnements erronés. La lecture du Monde Diplo, par exemple, en serait tellement améliorée, si l’on pouvait y faire le tri entre l’information et les mantras idéologiques… Le Manuel d’auto-défense intellectuelle qu’ils viennent de publier serait le candidat idéal pour ce traitement : on trouve dans ce recueil des informations utiles et inédites, des rappels historiques bienvenus, et quelques analyses originales, mais l’ensemble baigne dans un magma de jargon et d’a priori idéologiques qui rendent la lecture particulièrement éprouvante. Sans parler d’une mauvaise foi exposée sans pudeur, quand par exemple, un article consacré aux récits historiques juge excessif le rôle qu’ils prêtent généralement aux « grands hommes », mais fait exception pour Lénine et la révolution russe !
20 octobre 2024
Dix jours sans écrire une ligne dans ce journal : j’ai du mal à tenir une chronique au jour le jour, à rendre compte simplement des observations et des impressions quotidiennes. Cela ne conduit qu’à une liste arbitraire de faits disparates, et n’inspire qu’un sentiment d’absurdité. Mieux vaut attendre que ces éléments sédimentent, que le travail obscur de la mémoire tisse entre eux et avec ceux du passé des liens inattendus, des rapprochements fructueux, d’où pourra naître un récit cohérent.
En matière de rapprochement, la dernière livraison de Fakir tombe à point quelques jours après la lecture du livre de F. Ruffin : Un long papier de Cyril Pocréaux (qui écrit désormais à lui seul la quasi-totalité du journal) analyse sous forme d’enquête la problématique centrale du livre : qu’est-ce qui pousse l’électorat ouvrier vers Le Pen, et comment le convaincre de revenir à gauche ?
Sans surprise, le constat est le même, tout comme le remède suggéré : pour l’essentiel, un travail de terrain et d’information, sur le modèle de ce que fait Fakir. Sur le fond, aucune différence entre le livre et le journal, sauf une, qui saute aux yeux et tient à la forme : F. Ruffin, qui manifestement sera candidat à la prochaine présidentielle (se comparer à Macron devient de plus en plus obsessionnel) s’installe dans une posture anti-intello à la Bourdieu, à qui il fait explicitement référence. Chez l’un comme l’autre on devine la même forme de mauvaise conscience : en s’affranchissant culturellement de leur milieu d’origine, ils estiment avoir commis une forme de trahison, qu’ils entendent racheter en sur-jouant leur attachement au peuple. C. Pocréaux (qui ne souffre pas sans doute du même complexe ?) démontre par son papier que la même analyse politique ne conduit pas fatalement à rejoindre la démagogie du RN.
Autre rapprochement fructueux : Je lis un petit volume qui regroupe des textes courts d’Orwell, des réflexions sur l’actualité des années d’après-guerre, sur la propagande et la réécriture de l’histoire. On croirait ces textes écrits hier, tant ils semblent s’appliquer aux théories trumpistes sur les vérités alternatives, et à ce que nous lisons aujourd’hui à propos de l’Ukraine. A ce sujet, les prétentions européennes d’élargissement à l’Est, d’extension du domaine de l’OTAN, et les accents va-t-en guerre qui les accompagnent me paraissent de moins en moins justifiables par une volonté supposée de la Russie d’étendre son offensive en Europe, et une menace d’annexer la Lituanie, la Finlande, la Pologne ou la Suède : Comment pourrait-elle y prétendre quand, près de deux ans après l’invasion de l’Ukraine, elle n’a toujours pas réussi à conquérir un pays dont près d’un tiers des habitants lui sont favorables et plus de la moitié parlent sa langue ?
Marina Carrère d’Encausse a consacré son émission de rentrée sur France5 aux vieux, pour rappeler à ceux qui en douteraient encore combien vieillir est une chance, et sermonner ceux qui auraient le mauvais goût de s’en plaindre. Le reportage montre des vieux épanouis dans leur EHPAD, d’autres investis dans le sport ou des projets enthousiasmants. Le débat confirme, témoignages à l’appui, que le bonheur d’être vieux égale au moins celui d’être gros. On n’ose imaginer la félicité d’être les deux à la fois ! Je doute un peu de l’efficacité de cette injonction permanente à tout positiver. Si j’en juge par l’effet qu’elle produit sur moi, je me demande si elle ne risque pas d’approfondir le désespoir de ceux qu’elle ne parvient pas à consoler. La meilleure arme pour s’en défendre est d’essayer d’en rire. Peut-être aussi de relire encore une fois La vieillesse de S. de Beauvoir… et aussi le Deuxième sexe, histoire de redécouvrir ce qu’est vraiment le féminisme ?
A ce propos, j’ai entrepris un nouveau tri de la bibliothèque. Comme à chaque fois, je désespère de ne pouvoir tout relire.
En matière de rapprochement, la dernière livraison de Fakir tombe à point quelques jours après la lecture du livre de F. Ruffin : Un long papier de Cyril Pocréaux (qui écrit désormais à lui seul la quasi-totalité du journal) analyse sous forme d’enquête la problématique centrale du livre : qu’est-ce qui pousse l’électorat ouvrier vers Le Pen, et comment le convaincre de revenir à gauche ?
Sans surprise, le constat est le même, tout comme le remède suggéré : pour l’essentiel, un travail de terrain et d’information, sur le modèle de ce que fait Fakir. Sur le fond, aucune différence entre le livre et le journal, sauf une, qui saute aux yeux et tient à la forme : F. Ruffin, qui manifestement sera candidat à la prochaine présidentielle (se comparer à Macron devient de plus en plus obsessionnel) s’installe dans une posture anti-intello à la Bourdieu, à qui il fait explicitement référence. Chez l’un comme l’autre on devine la même forme de mauvaise conscience : en s’affranchissant culturellement de leur milieu d’origine, ils estiment avoir commis une forme de trahison, qu’ils entendent racheter en sur-jouant leur attachement au peuple. C. Pocréaux (qui ne souffre pas sans doute du même complexe ?) démontre par son papier que la même analyse politique ne conduit pas fatalement à rejoindre la démagogie du RN.
Autre rapprochement fructueux : Je lis un petit volume qui regroupe des textes courts d’Orwell, des réflexions sur l’actualité des années d’après-guerre, sur la propagande et la réécriture de l’histoire. On croirait ces textes écrits hier, tant ils semblent s’appliquer aux théories trumpistes sur les vérités alternatives, et à ce que nous lisons aujourd’hui à propos de l’Ukraine. A ce sujet, les prétentions européennes d’élargissement à l’Est, d’extension du domaine de l’OTAN, et les accents va-t-en guerre qui les accompagnent me paraissent de moins en moins justifiables par une volonté supposée de la Russie d’étendre son offensive en Europe, et une menace d’annexer la Lituanie, la Finlande, la Pologne ou la Suède : Comment pourrait-elle y prétendre quand, près de deux ans après l’invasion de l’Ukraine, elle n’a toujours pas réussi à conquérir un pays dont près d’un tiers des habitants lui sont favorables et plus de la moitié parlent sa langue ?
Marina Carrère d’Encausse a consacré son émission de rentrée sur France5 aux vieux, pour rappeler à ceux qui en douteraient encore combien vieillir est une chance, et sermonner ceux qui auraient le mauvais goût de s’en plaindre. Le reportage montre des vieux épanouis dans leur EHPAD, d’autres investis dans le sport ou des projets enthousiasmants. Le débat confirme, témoignages à l’appui, que le bonheur d’être vieux égale au moins celui d’être gros. On n’ose imaginer la félicité d’être les deux à la fois ! Je doute un peu de l’efficacité de cette injonction permanente à tout positiver. Si j’en juge par l’effet qu’elle produit sur moi, je me demande si elle ne risque pas d’approfondir le désespoir de ceux qu’elle ne parvient pas à consoler. La meilleure arme pour s’en défendre est d’essayer d’en rire. Peut-être aussi de relire encore une fois La vieillesse de S. de Beauvoir… et aussi le Deuxième sexe, histoire de redécouvrir ce qu’est vraiment le féminisme ?
A ce propos, j’ai entrepris un nouveau tri de la bibliothèque. Comme à chaque fois, je désespère de ne pouvoir tout relire.
9 octobre 2024
Retour à Paris, commencé agréablement avec une halte à Montreuil-sur-mer pour le déjeuner au Pot-au-clape, que nous retrouvons chaque fois avec le même ravissement. Le voyage qui suit est moins plaisant : Trois heures et demie sous la pluie, qui se déchaine dès le départ et tombera crescendo jusqu’à l’arrivée. La Twingo n’est décidément pas adaptée à ce type de voyage, un long trajet sur une autoroute glissante avec quatre personnes à bord. En plus de l’inconfort, la sécurité y est vraiment précaire : ni airbags, ni appuie-têtes, ni ABS, ni direction assistée... Le plaisir qu’il prend à conduire ce genre de voitures d’un autre âge est l’un des mystères de Patrick, qui a pu jusqu’ici nous faire sourire, mais l’épreuve d’aujourd’hui nous convainc de devoir lui avouer un jour que nous préférons définitivement le confort et la sécurité au folklore des pièces de musées.
Il reste que globalement cette virée à Sainte-Cécile nous a ravis, d’autant qu’elle s’est conclue par une bonne nouvelle en arrivant à la maison : le retour du chauffage. Chic ! cette fois, c’est bien l’hiver...
Il reste que globalement cette virée à Sainte-Cécile nous a ravis, d’autant qu’elle s’est conclue par une bonne nouvelle en arrivant à la maison : le retour du chauffage. Chic ! cette fois, c’est bien l’hiver...
8 octobre 2024
Pour notre deuxième journée dans le nord, Patrick nous emmène aux caps gris/blanc nez, que Moussa ne connaissait pas et que nous retrouvons avec plaisir. Le paysage de la lande flamande est toujours somptueux, sous un soleil rasant. Nous déjeunons au Presbytère, que je raye de notre liste de favoris. La direction a du changer : l’accueil est très moyen et le choix des plats quasi inexistant. Au château d ’Hardelot, nouvelle déception, tout est fermé : le château, endommagé par une tempête, le salon de thé fermé sans raison, et le théâtre est en piteux état, déshabillé de ses bambous. D’après les infos que Patrick a soutiré au gardien, le site entier pourrait bien fermer définitivement.
7 octobre 2024
Première journée à Sainte-Cécile : Avant d’aller accueillir Moussa à la gare d’ Étaple, nous allons à pied avec Patrick jusqu’à la plage, magnifique et déserte. Après la gare, nous partons déjeuner au Touquet. Ville triste et compassée, irrespirable, où Patrick tient à nous monter la maison de Brigitte Macron. Puis deux étapes très étranges : Berck d’abord, tout aussi sinistre, mais pour une autre raison : L’esplanade qui longe la plage est totalement éventrée pour des travaux. Toutes les boutiques et les restaurants sous les arcades sont fermés. La plage elle même est saccagée sur toute sa longueur par des bulldozers qui tracent le circuit d’une course de motos. Puis, repartis aussitôt pour Stella plage, nous sommes victimes d’une hallucination collective : Nous ne reconnaissons rien de la station, dont même le plan semble totalement modifié. Nous cherchons vainement une explication rationnelle à cette transformation, jusqu’à ce que nous réalisions que nous ne sommes pas à Stella plage, mais dans une station voisine. Impression troublante : pendant quelques minutes, nous avons tous cru être tombés dans un monde parallèle...
Triste soirée enfin, devant le film nullissime de Michel Blanc, Grosse fatigue, dont la projection est supposée lui rendre hommage. Il y a des jours comme ça...
Triste soirée enfin, devant le film nullissime de Michel Blanc, Grosse fatigue, dont la projection est supposée lui rendre hommage. Il y a des jours comme ça...
6 octobre 2024
En route pour Sainte-Cécile, dans la twingo de Patrick, nous faisons étape pour déjeuner à la péniche-restaurant que nous avions découverte il y a trois ans, à Eaucourt, près d’Abbeville. Une escale dont nous nous souviendrons pour l’étonnant concours de circonstances qu’elle nous réserve. Le patron nous accueille chaleureusement. Nous sommes ses seuls clients, et il n’en a eu que deux la veille : la fin de saison est difficile. Il nous a installés à une table devant le bar, la seule pièce chauffée du bateau. Sur les sets de table, des photos du petit train de la baie de Somme nous rappellent nos visites précédentes, et j’évoque Henri Sannier. "Cest mon père ! " intervient le restaurateur, a qui j’explique comment je le connais. Cinq minutes plus tard, Henri nous rejoint, nous nous tombons dans les bras : nous ne nous étions pas vus depuis plus de vingt ans. Il nous parle de la mystérieuse maladie dont il se remet lentement et de l’épreuve qu’elle lui a fait traverser. Nous échangeons nos téléphones et promettons de se revoir bientôt.
Nous retrouvons avec joie la maison de Sainte-Cécile, et nous dînons le soir dans le seul restaurant des environs ouvert un dimanche soir, celui de l’hôtel Kiriad, qui a changé de nom et héberge une brigade de gendarmes. Avant d’aller dormir, nous regardons avec Patrick un film de notre collection en ligne, les nouveaux mecs, adapté d’une BD de Ralph Konig. Le film date de 97 mais n’a pas vieilli.
Nous retrouvons avec joie la maison de Sainte-Cécile, et nous dînons le soir dans le seul restaurant des environs ouvert un dimanche soir, celui de l’hôtel Kiriad, qui a changé de nom et héberge une brigade de gendarmes. Avant d’aller dormir, nous regardons avec Patrick un film de notre collection en ligne, les nouveaux mecs, adapté d’une BD de Ralph Konig. Le film date de 97 mais n’a pas vieilli.
4 octobre 2024
Inattendue, la mort de Michel Blanc, parce qu’il était dans nos âges, nous renvoie à ce qui nous guette. Curieusement, nous sommes surpris d’entendre évoquer sa compagne car, sans preuves à l’appui, Minbl comme moi l’avons toujours imaginé gay, peut-être à cause de son goût pour l’auto-dérision et le second degré ? Ou alors en voyons-nous partout ?
Vu hier soir Le temps du loup de Michael Haneke, sorti en 2003. J’y ai pris plus de plaisir que Minbl, qui s’est ennuyé. Il est vrai qu’il y a des longueurs, mais la maîtrise esthétique de l’image est remarquable, et comme toujours chez Haneke, rien n’est gratuit : les séquences qui semblent inutilement prolongées font ressentir physiquement au spectateur le malaise provoqué par la longue attente à la Godot qui est le sujet du film. Des gens dont on ne sait rien attendent un train pour aller on ne sait où, espérant échapper à une catastrophe inconnue dont on ne voit que les effets sur ceux qui lui ont survécu. Forcés de cohabiter dans la faim, la nuit, le froid et l’ignorance de ce qui va leur arriver, ils retrouvent des instincts animaux de lutte pour la survie, qui les poussent à la violence, au crime, et, en de rares occasions, à des gestes d’entraide. Le film est d’une totale noirceur, à l’image de la séquence d’ouverture, où Isabelle Huppert, dont le mari vient d’être assassiné, erre longuement dans la nuit, hurlant le prénom de son jeune fils qui a disparu. On ne saura jamais ce qui s’est passé avant, ni ce qui adviendra à la fin. Il me faut l’admettre : le plaisir que j’ai pris à ce spectacle est parfaitement malsain.
Moins de plaisir, en revanche, à lire la dernière publication de François Ruffin, Itinéraire, ma France en entier, pas à moitié, qui provoque même un certain malaise. Dû d’abord à la forme : un texte écrit à la hâte, où l’auteur dialogue avec un interviewer imaginaire faussement naïf ou maladroit : tout sonne faux dans ce procédé d’écriture, dont use souvent Fakir avec plus de bonheur dans des formats courts. Mais le malaise, hélas, ne tient pas qu’à la forme. Le projet politique de F. Ruffin demeure sans équivoque la reconquête de l’électorat ouvrier tombé entre les mains de l’extrême droite, mais il estime que les partis de gauche s’intéressent exclusivement aux "quartiers", aux immigrés et aux bobos, au détriment des petits blancs "attachés à leur clocher, à la pétanque, la chasse, le foot et l’accordéon". C’est la voix de ces derniers, à qui il dit appartenir (!) qu’il entend faire entendre, celle du peuple dont il partagerait les frustrations. Il n’est pas loin de dénoncer le wokisme de la gauche, même s’il n’emploie pas ce mot. Sans douter de la sincérité de son engagement à gauche, on peut s’inquiéter de le voir, pour combattre l’extrême droite, épouser ses positions les plus conservatrices et son discours démagogique.
Vu hier soir Le temps du loup de Michael Haneke, sorti en 2003. J’y ai pris plus de plaisir que Minbl, qui s’est ennuyé. Il est vrai qu’il y a des longueurs, mais la maîtrise esthétique de l’image est remarquable, et comme toujours chez Haneke, rien n’est gratuit : les séquences qui semblent inutilement prolongées font ressentir physiquement au spectateur le malaise provoqué par la longue attente à la Godot qui est le sujet du film. Des gens dont on ne sait rien attendent un train pour aller on ne sait où, espérant échapper à une catastrophe inconnue dont on ne voit que les effets sur ceux qui lui ont survécu. Forcés de cohabiter dans la faim, la nuit, le froid et l’ignorance de ce qui va leur arriver, ils retrouvent des instincts animaux de lutte pour la survie, qui les poussent à la violence, au crime, et, en de rares occasions, à des gestes d’entraide. Le film est d’une totale noirceur, à l’image de la séquence d’ouverture, où Isabelle Huppert, dont le mari vient d’être assassiné, erre longuement dans la nuit, hurlant le prénom de son jeune fils qui a disparu. On ne saura jamais ce qui s’est passé avant, ni ce qui adviendra à la fin. Il me faut l’admettre : le plaisir que j’ai pris à ce spectacle est parfaitement malsain.
Moins de plaisir, en revanche, à lire la dernière publication de François Ruffin, Itinéraire, ma France en entier, pas à moitié, qui provoque même un certain malaise. Dû d’abord à la forme : un texte écrit à la hâte, où l’auteur dialogue avec un interviewer imaginaire faussement naïf ou maladroit : tout sonne faux dans ce procédé d’écriture, dont use souvent Fakir avec plus de bonheur dans des formats courts. Mais le malaise, hélas, ne tient pas qu’à la forme. Le projet politique de F. Ruffin demeure sans équivoque la reconquête de l’électorat ouvrier tombé entre les mains de l’extrême droite, mais il estime que les partis de gauche s’intéressent exclusivement aux "quartiers", aux immigrés et aux bobos, au détriment des petits blancs "attachés à leur clocher, à la pétanque, la chasse, le foot et l’accordéon". C’est la voix de ces derniers, à qui il dit appartenir (!) qu’il entend faire entendre, celle du peuple dont il partagerait les frustrations. Il n’est pas loin de dénoncer le wokisme de la gauche, même s’il n’emploie pas ce mot. Sans douter de la sincérité de son engagement à gauche, on peut s’inquiéter de le voir, pour combattre l’extrême droite, épouser ses positions les plus conservatrices et son discours démagogique.
30 septembre 2024
Ma visite du lundi à Michèle B. conforte mon alarme sur les effets dévastateurs du vieillissement : elle a sans méfiance laissé entrer chez elle un démarcheur à domicile venu lui vendre un prétendu système d’alarme. Elle me montre le document qu’il lui a fait signer, dont elle affirme qu’il n’en détient pas de copie... De retour à la maison, je confie mon inquiétude à Minbl, et une recherche rapide sur le nom du service, "Mobilyti" (ce nom à lui seul fleure bon l’arnaque) nous conduit au site de Que Choisir, qui confirme l’escroquerie.
26 septembre 2024
Nous quittons Vichy, après deux jours de balade dans la ville envahie de chantiers et deux soirées avec Ginette, que nous n’avions pas vue depuis un an. Son nouveau chien lui a rendu le goût de vivre, même si elle évoque sans cesse le précédent, dont elle a disposé des photos sur tous les meubles. Le sol du salon est couvert de plastique transparent, qui protège la moquette d’un pipi accidentel, mais rend ses déplacements encore plus dangereux. Elle ne marche plus sans canne, et ne sort quasiment plus de chez elle, à l’exception d’une descente quotidienne dans la cour, avec le chien en laisse et le déambulateur. Malgré tout, elle semble toujours aussi vaillante et soucieuse de faire bonne impression (une tenue par jour). Elle commandé pour nos deux soirées des plateaux de petits fours qui accompagneront le champagne. Avant l’apéritif nous descendons le chien pour un petit tour du quartier. Il est vif et joyeux et ne semble pas souffrir de sa vie recluse (Ginette l’a habitué à faire le plus souvent ses besoins sur la balcon). L’une de ses deux infirmières passe brièvement pour s’assurer que tout va bien, et nous remarquons qu’elle dispose de la clé de l’appartement. Elle nous paraît prévenante et pleine d’attentions, ce que Ginette confirme après son départ, ajoutant tout de même que cette surveillance, mise en œuvre par son médecin, lui semble superflue.
Le deuxième soir, nous lui faisons un compte-rendu détaillé de notre visite de l’après-midi à une exposition qu’elle nous a recommandé la veille, et qui se tient au rez-de-chaussée d’un ancien palace, l’hôtel international , parfaitement restauré et transformé depuis longtemps en appartements. Les immenses halls d’entrées et salons du rez-de-chaussée abritent des galeries à balustrades qui desservaient les chambres. L’exposition, très vaste, évoque l’apogée de Vichy, du début du siècle à l’après-guerre. On traverse dès l’entrée un tronçon de wagon-restaurant du Londres-Vichy Pulmann Express, qui a relié les villes de 1927 a 1930. Nous ne sommes guère surpris que la période allemande ne soit évoquée qu’à travers un hommage rendu à l’ambassadeur de Suisse, qui représentait alors la plupart des pays alliés. On égrène en revanche la longue liste des chefs d’états et de célébrités qui furent les hôtes de la ville, et les fêtes somptueuses qu’on y organisait pour les accueillir. A ce propos, une lettre des annees vingt, adressée par un responsable du protocole à un de ses subordonnés commence par cette remarque inattendue : "Comme vous me dites préparer la visite du roi "x", je crois utile de vous apprendre qu’il est mort... " Nous relatons ces anecdotes à Ginette, à qui nous offrons le catalogue de l’expo. Dans la conversation, elle glisse comme un secret longtemps gardé que son père fut choisi pour photographier "le Maréchal’, et qu’elle conserve ce cliché.
Avant que nous prenions congé, elle nous donne un exemplaire tapuscrit de son dernier roman, et nous la quittons vers 23 heures, le cœur un peu serré de voir ses yeux embués de larmes.
De retour à l’hotel, je découvre dans Mediapart une longue enquête sur sur le couple Louise/Jalil de "Scènes de ménages", viré de la série par M6 pour des motifs inavouables mais visiblement racistes : La chaine aurait redouté que le couple femme noire / homme algérien puisse déplaire au nouveau pouvoir néo-fasciste, tout comme lui déplairait un couple homo, dont l’idée même à toujours été exclue par les patrons de la chaîne. Maréchal, nous revoilà !
Le deuxième soir, nous lui faisons un compte-rendu détaillé de notre visite de l’après-midi à une exposition qu’elle nous a recommandé la veille, et qui se tient au rez-de-chaussée d’un ancien palace, l’hôtel international , parfaitement restauré et transformé depuis longtemps en appartements. Les immenses halls d’entrées et salons du rez-de-chaussée abritent des galeries à balustrades qui desservaient les chambres. L’exposition, très vaste, évoque l’apogée de Vichy, du début du siècle à l’après-guerre. On traverse dès l’entrée un tronçon de wagon-restaurant du Londres-Vichy Pulmann Express, qui a relié les villes de 1927 a 1930. Nous ne sommes guère surpris que la période allemande ne soit évoquée qu’à travers un hommage rendu à l’ambassadeur de Suisse, qui représentait alors la plupart des pays alliés. On égrène en revanche la longue liste des chefs d’états et de célébrités qui furent les hôtes de la ville, et les fêtes somptueuses qu’on y organisait pour les accueillir. A ce propos, une lettre des annees vingt, adressée par un responsable du protocole à un de ses subordonnés commence par cette remarque inattendue : "Comme vous me dites préparer la visite du roi "x", je crois utile de vous apprendre qu’il est mort... " Nous relatons ces anecdotes à Ginette, à qui nous offrons le catalogue de l’expo. Dans la conversation, elle glisse comme un secret longtemps gardé que son père fut choisi pour photographier "le Maréchal’, et qu’elle conserve ce cliché.
Avant que nous prenions congé, elle nous donne un exemplaire tapuscrit de son dernier roman, et nous la quittons vers 23 heures, le cœur un peu serré de voir ses yeux embués de larmes.
De retour à l’hotel, je découvre dans Mediapart une longue enquête sur sur le couple Louise/Jalil de "Scènes de ménages", viré de la série par M6 pour des motifs inavouables mais visiblement racistes : La chaine aurait redouté que le couple femme noire / homme algérien puisse déplaire au nouveau pouvoir néo-fasciste, tout comme lui déplairait un couple homo, dont l’idée même à toujours été exclue par les patrons de la chaîne. Maréchal, nous revoilà !
23 septembre 2024
Le livre de Sandrine Rousseau dont je viens de terminer la lecture ne souffre pas des défauts propres au genre généralement rasoir qu’est l’essai politique. Pas de liste des mesures à mettre en oeuvre, pas de règlements de comptes avec les adversaires ou les concurrents, pas d’emphase sur des lendemains meilleurs, pas d’appel pathétique à se mobiliser. En revanche, deux développements assez longs m’ont parus très bienvenus de la part d’une écologiste, car propres à susciter un peu d’espoir dans une époque qui n’en inspire guère.
Le premier est une analyse historique sur la période des "trente glorieuses ", et les ressorts d’une prospérité économique qui fut accompagnée de réels progrès sociaux. Elle décrit bien en particulier la bascule radicale opérée au début des années 80, la révolution conservatrice incarnée par Reagan et Thatcher, qui conduit a une économie mondialisée qui ruine les états et détruit la planète au profit des actionnaires . Le récit est d’autant plus convainquant qu’elle le croise avec son itinéraire familial, à la manière d’Annie Ernaux. On est conduit assez naturellement à réaliser que les catastrophes environnementales et politiques qui nous menacent ne peuvent être conjurés que par un mouvement inverse vers une redistribution des richesses et une révision profonde de nos modes de vie et de consommation.
Le second passage important recense des études sociologiques et des témoignages qui battent en brèche l’idée selon laquelle la France aurait, comme beaucoup de ses voisins, irrémédiablement basculé dans les bras de la droite et du fascisme. Une analyse des votes et des enquêtes d’opinion révélerait plutôt une permanence de l’extrême droite, sans que son audience s’elargisse réellement (ce que F.Ruffin traduit dans son expression imagée de fâchés pas fachos). Elle souligne aussi le recul constant des pratiques religieuses ( environ 75 % d’athées ou d’agnostiques) qui bat en brèche les idées reçues sur une guerre des civilisations. Elle dénonce enfin le rôle incendiaire de la médiasphère, largement soumise à l’idéologie trumpiste de ses propriétaires, qui voudraient imposer la légende que leur triomphe est déjà accompli, alors que les urnes ont à l’évidence démontré le contraire.
Bref, on trouve là avec soulagement quelques raisons de ne pas totalement désespérer, même si on ne distingue guère de stratégies pour renverser la vapeur. Peut-être en trouverai-je dans le livre de F. Ruffin ?
Le premier est une analyse historique sur la période des "trente glorieuses ", et les ressorts d’une prospérité économique qui fut accompagnée de réels progrès sociaux. Elle décrit bien en particulier la bascule radicale opérée au début des années 80, la révolution conservatrice incarnée par Reagan et Thatcher, qui conduit a une économie mondialisée qui ruine les états et détruit la planète au profit des actionnaires . Le récit est d’autant plus convainquant qu’elle le croise avec son itinéraire familial, à la manière d’Annie Ernaux. On est conduit assez naturellement à réaliser que les catastrophes environnementales et politiques qui nous menacent ne peuvent être conjurés que par un mouvement inverse vers une redistribution des richesses et une révision profonde de nos modes de vie et de consommation.
Le second passage important recense des études sociologiques et des témoignages qui battent en brèche l’idée selon laquelle la France aurait, comme beaucoup de ses voisins, irrémédiablement basculé dans les bras de la droite et du fascisme. Une analyse des votes et des enquêtes d’opinion révélerait plutôt une permanence de l’extrême droite, sans que son audience s’elargisse réellement (ce que F.Ruffin traduit dans son expression imagée de fâchés pas fachos). Elle souligne aussi le recul constant des pratiques religieuses ( environ 75 % d’athées ou d’agnostiques) qui bat en brèche les idées reçues sur une guerre des civilisations. Elle dénonce enfin le rôle incendiaire de la médiasphère, largement soumise à l’idéologie trumpiste de ses propriétaires, qui voudraient imposer la légende que leur triomphe est déjà accompli, alors que les urnes ont à l’évidence démontré le contraire.
Bref, on trouve là avec soulagement quelques raisons de ne pas totalement désespérer, même si on ne distingue guère de stratégies pour renverser la vapeur. Peut-être en trouverai-je dans le livre de F. Ruffin ?
16 septembre 2024
Faute d’un compte-rendu quotidien, je résume ici un voyage de cinq jours qui s’achève aujourdhui à Nantes et qui a commencé à Lorient, où nous n’étions jamais venus. Belle surprise : cette ville qu’on nous avais dite sans intérêt nous a d’emblée parue agréable. Comme Le Havre, elle a été totalement détruite à la fin de la guerre, et sa reconstruction est plutôt reussie, même si elle n’a pas bénéficié d’un grand urbaniste pour l’orchestrer. Des artères larges et ombragées, une grande zone centrale presque totalement délivrée des voitures, et, comme dans toutes les villes portuaires, de vastes espaces vides produisent une agréable impression de liberté.
Le lendemain de notre arrivée , nous traversons la rade en bateau, pour atteindre une citadelle sans grand intérêt, puis nous parcourons les ruelles d’un village au pittoresque soigneusement entretenu, qu’on imagine en haute saison saturé de touristes.
La visite du lendemain nous plaît davantage, à la découverte de la base fortifiée construite par les allemands pour réparer leurs sous-marins et entrainer les équipages. Trois gigantesques bunkers de béton qui ont résisté sans dommage aux déluge de bombes des alliés à la fin de la guerre. Le guide qui commente la visite nous rapporte à ce propos le sentiment plus que mélangé des Lorientais a l’égard de leurs libérateurs, qui les ont abandonnés pendant des semaines dans les ruines de leur ville, dont la destruction a privé les allemands de toute possibilité de repli, mais dont l’assaut serait trop coûteux en vies américaines. Il nous raconte aussi comment fut recrutée la nombreuse main d’œuvre- des milliers de personnes - nécessaire pour bâtir cette immense ville-usine souterraine puis pour la faire tourner. Parmi eux, beaucoup de Français pour les emplois les plus qualifiés, des volontaires séduits par des salaires très attractifs, et pour les tâches les plus ingrates, des travailleurs quasi esclaves, amenés de force de toute l’Europe. La base, qui après la guerre fut utilisée par la marine française jusqu’aux années 80, abrite aujourd’hui des entreprises liées à l’univers des grandes courses de voile.
Le lendemain, pour rallier Nantes, nous consultons en vain à la gare l’affichage des TER, à la recherche de celui qui figure sur nos billets. Le train direct a été remplacé par un trajet avec changement à Redon, sans que rien ne l’indique, ni en gare ni sur l’application SNCF. En revanche, l’appli DBahn, elle, est à jour et le mentionne. De même aujourd’hui, au départ de Nantes, l’emplacement des voitures du TGV était indiqué à l’envers sur les panneaux d’information du quai. Ce genre de pagaille témoigne d’un mépris absolu des usagers, à rapprocher des coûteuses campagnes de communication destinées à nous faire croire le contraire.
A Nantes, dont je ne gardais qu’un très vague souvenir, nous faisons dès notre arrivée le tour des hauts lieux, le passage Pommeraye, le Lieu Unique, la place Graslin et la fameuse brasserie La Cigale, où nous déjeunons dimanche. Le décor art nouveau est miraculeusement conservé (ou parfaitement restauré ?), sauvé sans doute par un classement précoce dans les annees 60. Wikipedia nous apprend que le lieu fut un temps transformé en self-service, avant de retrouver son lustre et sa tradition il y a une vingtaine d’années.
Nous parcourons aussi, bien sûr, la zone des anciens docks, où ont élu domicile les animaux-machines de Royal de luxe. Trop de foule, de poussettes et d’enfants pour notre goût.
Une escale au musée des beaux-arts nous fait découvrir une belle collection d’art moderne, et quelques surprises, comme un Herbin tout en courbes, dans un style qu’on ne lui connaît pas, un Soulages de la première période, et plusieurs Kandinsky très différents là encore de ceux qu’on connaît. Les autres salles, en revanche, n’ont aucun intérêt : Les œuvres sont accrochées en vrac, groupées autour de thèmes absurdes, du style "héroïsme féminin" ou "rêves éveillés", sans tenir le moindre compte des artistes et des époques. Cette recherche de la confusion est une étrange maladie qui contamine peu à peu les musées.
Autre jolie découverte, celle du jardin extraordinaire installé dans une ancienne carrière (cf. Le jardin botanique de Brest, dans une décharge ). On y accède en descendant un escalier métallique vertigineux de plus de cent marches, accroché à la falaise qui domine le jardin. Une immense cascade artificielle arrose une crique entourée d’une végétation luxuriante. L’ensemble est très réussi, et sera bientôt complété par un lac encore en construction. Tout cela rappelle fort la mode des jardins-folies du second empire, comme les Buttes Chaumont.
Enfin, nous prenons le thé accompagné de délicieux gâteaux maison dans un petit restaurant tenu par une équipe féminine. Nous y retournons le lendemain, pour un déjeuner tout aussi agréable.
A noter aussi que ce matin, j’ai suivi brièvement la rentrée de Telematin. Le nouveau présentateur, Julien Arnaud, recevait Eric Coquerel, avec qui il a été odieux, lui coupant sans cesse la parole, répétant que "votre programme, on le connaît, çà consiste à ruiner le pays..." Restons sur TF1.
Le lendemain de notre arrivée , nous traversons la rade en bateau, pour atteindre une citadelle sans grand intérêt, puis nous parcourons les ruelles d’un village au pittoresque soigneusement entretenu, qu’on imagine en haute saison saturé de touristes.
La visite du lendemain nous plaît davantage, à la découverte de la base fortifiée construite par les allemands pour réparer leurs sous-marins et entrainer les équipages. Trois gigantesques bunkers de béton qui ont résisté sans dommage aux déluge de bombes des alliés à la fin de la guerre. Le guide qui commente la visite nous rapporte à ce propos le sentiment plus que mélangé des Lorientais a l’égard de leurs libérateurs, qui les ont abandonnés pendant des semaines dans les ruines de leur ville, dont la destruction a privé les allemands de toute possibilité de repli, mais dont l’assaut serait trop coûteux en vies américaines. Il nous raconte aussi comment fut recrutée la nombreuse main d’œuvre- des milliers de personnes - nécessaire pour bâtir cette immense ville-usine souterraine puis pour la faire tourner. Parmi eux, beaucoup de Français pour les emplois les plus qualifiés, des volontaires séduits par des salaires très attractifs, et pour les tâches les plus ingrates, des travailleurs quasi esclaves, amenés de force de toute l’Europe. La base, qui après la guerre fut utilisée par la marine française jusqu’aux années 80, abrite aujourd’hui des entreprises liées à l’univers des grandes courses de voile.
Le lendemain, pour rallier Nantes, nous consultons en vain à la gare l’affichage des TER, à la recherche de celui qui figure sur nos billets. Le train direct a été remplacé par un trajet avec changement à Redon, sans que rien ne l’indique, ni en gare ni sur l’application SNCF. En revanche, l’appli DBahn, elle, est à jour et le mentionne. De même aujourd’hui, au départ de Nantes, l’emplacement des voitures du TGV était indiqué à l’envers sur les panneaux d’information du quai. Ce genre de pagaille témoigne d’un mépris absolu des usagers, à rapprocher des coûteuses campagnes de communication destinées à nous faire croire le contraire.
A Nantes, dont je ne gardais qu’un très vague souvenir, nous faisons dès notre arrivée le tour des hauts lieux, le passage Pommeraye, le Lieu Unique, la place Graslin et la fameuse brasserie La Cigale, où nous déjeunons dimanche. Le décor art nouveau est miraculeusement conservé (ou parfaitement restauré ?), sauvé sans doute par un classement précoce dans les annees 60. Wikipedia nous apprend que le lieu fut un temps transformé en self-service, avant de retrouver son lustre et sa tradition il y a une vingtaine d’années.
Nous parcourons aussi, bien sûr, la zone des anciens docks, où ont élu domicile les animaux-machines de Royal de luxe. Trop de foule, de poussettes et d’enfants pour notre goût.
Une escale au musée des beaux-arts nous fait découvrir une belle collection d’art moderne, et quelques surprises, comme un Herbin tout en courbes, dans un style qu’on ne lui connaît pas, un Soulages de la première période, et plusieurs Kandinsky très différents là encore de ceux qu’on connaît. Les autres salles, en revanche, n’ont aucun intérêt : Les œuvres sont accrochées en vrac, groupées autour de thèmes absurdes, du style "héroïsme féminin" ou "rêves éveillés", sans tenir le moindre compte des artistes et des époques. Cette recherche de la confusion est une étrange maladie qui contamine peu à peu les musées.
Autre jolie découverte, celle du jardin extraordinaire installé dans une ancienne carrière (cf. Le jardin botanique de Brest, dans une décharge ). On y accède en descendant un escalier métallique vertigineux de plus de cent marches, accroché à la falaise qui domine le jardin. Une immense cascade artificielle arrose une crique entourée d’une végétation luxuriante. L’ensemble est très réussi, et sera bientôt complété par un lac encore en construction. Tout cela rappelle fort la mode des jardins-folies du second empire, comme les Buttes Chaumont.
Enfin, nous prenons le thé accompagné de délicieux gâteaux maison dans un petit restaurant tenu par une équipe féminine. Nous y retournons le lendemain, pour un déjeuner tout aussi agréable.
A noter aussi que ce matin, j’ai suivi brièvement la rentrée de Telematin. Le nouveau présentateur, Julien Arnaud, recevait Eric Coquerel, avec qui il a été odieux, lui coupant sans cesse la parole, répétant que "votre programme, on le connaît, çà consiste à ruiner le pays..." Restons sur TF1.
10 septembre 2024
La journée commence mal, à l’allumage du vélo, qui lance sans prévenir une mise à jour de Ifit. Au bout de deux heures, nous découvrons une version totalement transformée, dans laquelle on n’a plus accès aux itinéraires Google Maps, mais où figurent en bonne place de boutons Netflix et Amazon Prime ! La manœuvre est d’autant plus inacceptable que trois jours auparavant, j’ai prolongé l’abonnement pour deux ans, à l’invite de plusieurs mails de relance soulignant que cela me vaudrait une économie de 50%. J’envoie à Ifit un e-mail de protestation, espérant qu’ils accepteront de résilier l’abonnement et de nous rembourser, mais il reste à trouver une solution de remplacement pour le vélo, en espérant pouvoir revendre pour acheter, s’il existe, un modèle compatible avec Google Maps.
Un peu plus tard, sursauté à l’écoute sur FranceInfo d’une chronique économique consacrée aux EHPAD en crise. Aurait-on mis au jour un nouveau scandale Orpea, et de nouveaux témoignages de maltraitance ? On comprend tout de suite que le propos n’est pas de cet ordre : il s’agit de la crise financière qui affecte les deux tiers des établissements, dont le bilan est déficitaire malgré plusieurs rallonges des contributions de la Sécurité Sociale. En cause, des taux d’occupation beaucoup trop bas, dus à une désaffection de la clientèle, qui semble être devenue méfiante (çà alors !) après les 40 000 morts en EHPAD pendant le Covid et la publication des Fossoyeurs. On n’ose pas déplorer cette mauvaise publicité, mais le reproche est sous-jacent. On ne précise pas non plus si la crise touche avec la même ampleur les EHPAD publics et privés, et à propos de ces derniers on se garde bien de rappeler ce que révélait l’enquête de Victor Castanet sur le détournement des subventions pour alimenter les dividendes des actionnaires. En conclusion de cette brillante analyse, on invoque la nécessité de "remettre à plat la question du traitement du grand âge", et comme on n’en est plus à un cliché près, on termine par "un dossier urgent de plus sur le bureau de Michel Barnier".
A entendre quotidiennement des papiers de cette eau, j’imagine l’esprit qui doit régner aujourd’hui dans les conférences de rédaction, qui me donnaient déjà la nausée il y a quinze ans...
Un peu plus tard, sursauté à l’écoute sur FranceInfo d’une chronique économique consacrée aux EHPAD en crise. Aurait-on mis au jour un nouveau scandale Orpea, et de nouveaux témoignages de maltraitance ? On comprend tout de suite que le propos n’est pas de cet ordre : il s’agit de la crise financière qui affecte les deux tiers des établissements, dont le bilan est déficitaire malgré plusieurs rallonges des contributions de la Sécurité Sociale. En cause, des taux d’occupation beaucoup trop bas, dus à une désaffection de la clientèle, qui semble être devenue méfiante (çà alors !) après les 40 000 morts en EHPAD pendant le Covid et la publication des Fossoyeurs. On n’ose pas déplorer cette mauvaise publicité, mais le reproche est sous-jacent. On ne précise pas non plus si la crise touche avec la même ampleur les EHPAD publics et privés, et à propos de ces derniers on se garde bien de rappeler ce que révélait l’enquête de Victor Castanet sur le détournement des subventions pour alimenter les dividendes des actionnaires. En conclusion de cette brillante analyse, on invoque la nécessité de "remettre à plat la question du traitement du grand âge", et comme on n’en est plus à un cliché près, on termine par "un dossier urgent de plus sur le bureau de Michel Barnier".
A entendre quotidiennement des papiers de cette eau, j’imagine l’esprit qui doit régner aujourd’hui dans les conférences de rédaction, qui me donnaient déjà la nausée il y a quinze ans...
7 septembre 2024
Il me faut revenir sur mes lectures des dernières semaines et ma digestion douloureuse des deux nouveaux livres d’Aurélien Bellanger, dont je suis venu à bout au prix d’un effort surhumain, accompli au nom de l’estime que je lui portais jusqu’ici, muée désormais en réelle aversion. Les derniers jours du Parti socialiste, dont le lancement donne lieu à une énorme campagne de presse et de commentaires -dont j’ai compilé ici et ici quelques exemples - est à mes yeux son plus mauvais livre, à égalité avec Le musée de la jeunesse, dont je parlerai ensuite. C’est en vain que j’ai tenté d’y retrouver les qualités qui m’avaient tant plu dans L’aménagement du territoire et Le Grand Paris, où il brossait déjà -surtout dans le deuxième - un portrait cruel et drôle du monde politique et de ses arcanes.
La déception est d’autant plus grande que j’adhère à son analyse politique sur la responsabilité de la gauche dans l’essor de l’idéologie fasciste : Le mouvement du Renouveau républicain, en radicalisant son combat pour la laïcité, a en effet rejoint la croisade de FN contre l’"islamo-gauchisme" que dénoncent sans cesse ses représentants ultra-médiatisés comme Fourest ou Val.
Mais l’insupportable réside dans le procédé narratif utilisé pour exposer cette thèse : une sorte de contrefaçon historique qui met en scène des personnages réels (ou en tout cas immédiatement identifiables) à qui on prête des propos, des échanges et des comportements imaginaires (souvent vraisemblables, mais en tout cas jamais appuyés sur des documents ou des témoignages), à seule fin de démontrer la pertinence de la thèse défendue. On en éprouve un profond malaise - dû à la malhonnêteté du procédé -qui culmine dans les dernières pages où l’auteur se met lui-même en scène de manière grotesque dans le rôle de Sauveterre, qui meurt en martyr, victime d’un attentat.
Et au malaise né du procédé narratif, s’ajoute pour le lecteur l’agacement provoqué par un style plus boursoufflé que jamais, fait de phrases interminables, bourrées de parenthèses parfois emboîtées. L’avalanche incessante de métaphores pédantes et de rapprochements historiques brillants, destinée à nous rendre éblouir par tant d’intelligence et de culture, révèle finalement de manière cruelle l’auto-satisfaction démesurée de son auteur.
Pour en finir avec Bellanger (car hélas, c’est bien ce dont il s’agit pour moi), son opuscule Le musée de la jeunesse, ouvrage de commande qui inaugure une collection sur le thème des musées, confirme son obsession de l’auto-célébration, qui atteint là un sommet de cuistrerie. Triste d’observer le naufrage d’un auteur aussi doué, victime de la griserie du succès.
La déception est d’autant plus grande que j’adhère à son analyse politique sur la responsabilité de la gauche dans l’essor de l’idéologie fasciste : Le mouvement du Renouveau républicain, en radicalisant son combat pour la laïcité, a en effet rejoint la croisade de FN contre l’"islamo-gauchisme" que dénoncent sans cesse ses représentants ultra-médiatisés comme Fourest ou Val.
Mais l’insupportable réside dans le procédé narratif utilisé pour exposer cette thèse : une sorte de contrefaçon historique qui met en scène des personnages réels (ou en tout cas immédiatement identifiables) à qui on prête des propos, des échanges et des comportements imaginaires (souvent vraisemblables, mais en tout cas jamais appuyés sur des documents ou des témoignages), à seule fin de démontrer la pertinence de la thèse défendue. On en éprouve un profond malaise - dû à la malhonnêteté du procédé -qui culmine dans les dernières pages où l’auteur se met lui-même en scène de manière grotesque dans le rôle de Sauveterre, qui meurt en martyr, victime d’un attentat.
Et au malaise né du procédé narratif, s’ajoute pour le lecteur l’agacement provoqué par un style plus boursoufflé que jamais, fait de phrases interminables, bourrées de parenthèses parfois emboîtées. L’avalanche incessante de métaphores pédantes et de rapprochements historiques brillants, destinée à nous rendre éblouir par tant d’intelligence et de culture, révèle finalement de manière cruelle l’auto-satisfaction démesurée de son auteur.
Pour en finir avec Bellanger (car hélas, c’est bien ce dont il s’agit pour moi), son opuscule Le musée de la jeunesse, ouvrage de commande qui inaugure une collection sur le thème des musées, confirme son obsession de l’auto-célébration, qui atteint là un sommet de cuistrerie. Triste d’observer le naufrage d’un auteur aussi doué, victime de la griserie du succès.
6 septembre 2024
Deux jours entiers consacrés à réinstaller Windows et toutes les applications sur mon ordinateur, à cause d’une manœuvre malheureuse qui pourtant était supposée me faire gagner du temps : les quelques secondes nécessaires chaque jour pour saisir le code PIN à l’allumage. C’était une très mauvaise idée, mais elle m’a incité à la prudence de créer des points de restauration, qui devraient m’éviter désormais de tels désagréments.
Hier, le choix de Michel Barnier comme premier ministre a confirmé mon analyse (et celle de D. Schneidermann) selon laquelle Macron a conclu un accord avec le parti fasciste, ce que confirme la réaction de Marine Le Pen : Elle jugera sur pièce l’action du gouvernement. Michèle B. doit se réjouir.
Pour nos soirées TV, nous avons alterné le meilleur et le pire : Vie privée nous a fait découvrir que Louis Malle n’a pas tourné que des chefs-d’œuvre. A voir le jeu de Brigitte Bardot, on se demande par quel malentendu on a pu voir en elle une actrice : elle est tellement mauvaise qu’elle contamine son partenaire, Marcello Mastroiani : il récite platement ses répliques, comme s’il avait hâte d’échapper à un piège.
Le lendemain, le meilleur nous a été servi par Michael Haneke dans Code inconnu. Comme toujours chez lui, une construction rigoureuse, inattendue, profondément originale et terriblement efficace. Un enchaînement de courtes séquences totalement disjointes, comme des gros plans saisis dans des lieux et des contextes très divers, dont le sens nous échappe toujours en partie, et qui peu à peu révèlent les fils cachés qui les relient. On éprouve la sensation délicieuse d’être irrésistiblement manipulé. Et Juliette Binoche, elle, fait démonstration de son talent de comédienne, notamment avec une scène de harcèlement dans le métro dont on a peine à réaliser qu’elle n’est pas réelle.
Enfin, retour sur ma séance de mardi chez P. Cahen, qui semble agréablement surpris de m’entendre évoquer le tenue de ce journal, et surtout que je m’en dise satisfait. Déjà trois mois d’assiduité quasi quotidienne, sans savoir réellement où cela me conduit. Nous verrons bien...
Hier, le choix de Michel Barnier comme premier ministre a confirmé mon analyse (et celle de D. Schneidermann) selon laquelle Macron a conclu un accord avec le parti fasciste, ce que confirme la réaction de Marine Le Pen : Elle jugera sur pièce l’action du gouvernement. Michèle B. doit se réjouir.
Pour nos soirées TV, nous avons alterné le meilleur et le pire : Vie privée nous a fait découvrir que Louis Malle n’a pas tourné que des chefs-d’œuvre. A voir le jeu de Brigitte Bardot, on se demande par quel malentendu on a pu voir en elle une actrice : elle est tellement mauvaise qu’elle contamine son partenaire, Marcello Mastroiani : il récite platement ses répliques, comme s’il avait hâte d’échapper à un piège.
Le lendemain, le meilleur nous a été servi par Michael Haneke dans Code inconnu. Comme toujours chez lui, une construction rigoureuse, inattendue, profondément originale et terriblement efficace. Un enchaînement de courtes séquences totalement disjointes, comme des gros plans saisis dans des lieux et des contextes très divers, dont le sens nous échappe toujours en partie, et qui peu à peu révèlent les fils cachés qui les relient. On éprouve la sensation délicieuse d’être irrésistiblement manipulé. Et Juliette Binoche, elle, fait démonstration de son talent de comédienne, notamment avec une scène de harcèlement dans le métro dont on a peine à réaliser qu’elle n’est pas réelle.
Enfin, retour sur ma séance de mardi chez P. Cahen, qui semble agréablement surpris de m’entendre évoquer le tenue de ce journal, et surtout que je m’en dise satisfait. Déjà trois mois d’assiduité quasi quotidienne, sans savoir réellement où cela me conduit. Nous verrons bien...
1er septembre 2024
L’installation du nouvel ordinateur de Minbl m’a quelque peu rassuré sur mes capacités cognitives : Même si la capacité de concentration et la mémoire immédiate sont diminuées, je reste capable de mener à bien ce genre de tâche. Mais je redoute plus que jamais le jour où je découvrirai que cela ne m’est plus possible. Je crains même que ce soit déjà le cas pour des travaux complexes : En modifiant ce site web pour y ajouter ce journal, il m’a semblé que je ne pourrais plus le réaliser aujourd’hui.
Pour le reste, l’actualité de ces derniers jours se résume dans les médias aux retours de vacances (mais nos restaurants et commerçants habituels n’ont pas encore rouvert), et au faux suspense pour la nomination d’un premier ministre.
Vu deux films : "La (très) grande évasion" de Yannick Kergoat et Denis Robert, est un documentaire qui détaille de manière implacable le fonctionnement des paradis fiscaux. On en retient la place sans cesse accrue qu’ils occupent dans l’économie mondiale, bien que depuis quarante ans nos gouvernants successifs promettent de les combattre, voire affirment qu’ils ont disparu (Moscovici). A l’origine de cette catastrophe, qui a conduit à la destruction générale des services publics et à l’appauvrissement des populations, la révolution conservatrice née aux Etats-Unis dans les année 80, illustrée par une déclaration de Reagan, pour qui « on ne doit pas attendre que l’Etat résolve les problèmes, mais combattre l’Etat, qui est le problème ». Cette doctrine inspirera dans le reste du monde occidental les politiques de dérégulation conduites au nom de la libre concurrence.
Le lendemain, nous avons découvert un film totalement oublié de Philippe de Broca, ignoré par le public à sa sortie, en 1966, "Le roi de cœur". En rupture complète avec le reste de son œuvre, qui semble aujourd’hui très convenue et terriblement datée, cette fantaisie historique et loufoque séduit autant par son étrangeté que par la richesse des moyens employés et de la distribution : Brasseur, Brialy, Serrault, Micheline Presle...
Magnifiquement restaurée, cette œuvre apparaît totalement inclassable et intemporelle, au même titre que les films de Jacques Demy : On pense en particulier, pour la splendeur des décors et des costumes, à Peau d’âne , tourné quatre ans plus tard.
Pour le reste, l’actualité de ces derniers jours se résume dans les médias aux retours de vacances (mais nos restaurants et commerçants habituels n’ont pas encore rouvert), et au faux suspense pour la nomination d’un premier ministre.
Vu deux films : "La (très) grande évasion" de Yannick Kergoat et Denis Robert, est un documentaire qui détaille de manière implacable le fonctionnement des paradis fiscaux. On en retient la place sans cesse accrue qu’ils occupent dans l’économie mondiale, bien que depuis quarante ans nos gouvernants successifs promettent de les combattre, voire affirment qu’ils ont disparu (Moscovici). A l’origine de cette catastrophe, qui a conduit à la destruction générale des services publics et à l’appauvrissement des populations, la révolution conservatrice née aux Etats-Unis dans les année 80, illustrée par une déclaration de Reagan, pour qui « on ne doit pas attendre que l’Etat résolve les problèmes, mais combattre l’Etat, qui est le problème ». Cette doctrine inspirera dans le reste du monde occidental les politiques de dérégulation conduites au nom de la libre concurrence.
Le lendemain, nous avons découvert un film totalement oublié de Philippe de Broca, ignoré par le public à sa sortie, en 1966, "Le roi de cœur". En rupture complète avec le reste de son œuvre, qui semble aujourd’hui très convenue et terriblement datée, cette fantaisie historique et loufoque séduit autant par son étrangeté que par la richesse des moyens employés et de la distribution : Brasseur, Brialy, Serrault, Micheline Presle...
Magnifiquement restaurée, cette œuvre apparaît totalement inclassable et intemporelle, au même titre que les films de Jacques Demy : On pense en particulier, pour la splendeur des décors et des costumes, à Peau d’âne , tourné quatre ans plus tard.
27 août 2024
Ni l’un ni l’autre n’avions vu Le chagrin et la pitié à sa sortie, en 1971. Comment imaginer ce que nous en aurions retenu alors ? Je parierais volontiers, après en avoir découvert la première partie hier soir, que le choc aurait été moins fort, tant nous avons été frappés par la similitude entre le climat politique d’aujourd’hui et celui de la fin des années 30, tel que le décrivent les témoignages et les documents d’archives. Certes, Macron n’est pas Pétain, et nous ne sommes pas (encore ?) en guerre, mais l’obsession de rechercher des boucs-émissaires (hier les juifs, aujourd’hui les musulmans), et celle de dénoncer une supposée décadence du pays dont "l’idéologie de gauche" serait responsable nourrissent comme il y a un demi siècle le discours dominant et ses canaux de propagande. Fidèle aux analyses de Pascal Praud, Michèle B., à qui j’ai rendu visite hier après une longue éclipse, se dit plus que jamais préoccupée par les mauvaises manières faites au RN, pourtant devenu si respectable (et par là même si populaire...), mais qui continue pourtant d’être honteusement calomnié par la gauche, et injustement tenu à l’écart par Macron. Lequel je vois pour ma part plutôt occupé, comme à son habitude lorsqu’il est menacé, à gagner du temps en organisant des simulacres de concertations, et négociant en coulisse et en même temps un accord de gouvernement avec cette extrême-droite qu’il prétend fustiger.
J’ai par ailleurs entrepris la lecture du dernier livre d’Aurélien Bellanger, Les derniers jours du Parti Socialiste, dans lequel jusqu’ici (la moitié du volume), je ne retrouve pas ce qui m’a plu dans les précédents. Le récit est toujours très documenté, et le style toujours brillant. Mais cette fois l’auteur en fait beaucoup trop, et s’abandonne à une emphase pesante et assez ennuyeuse, faite d’un déluge de citations et d’un étalage un peu cuistre de sa culture philosophique. J’espère réviser ce jugement à la lecture de la suite, car le sujet traité, la responsabilité/complicité du Printemps Républicain dans la montée de la marée fasciste, recoupe évidemment mes observations sur le sinistre retour des années 20.
Parenthèse bienvenue ce midi : nous avons déjeuné avec Patrick et Moussa à la terrasse d’un charmant restaurant thaïlandais, en bordure d’un lac, dans une banlieue du Val-de-Marne.
J’ai par ailleurs entrepris la lecture du dernier livre d’Aurélien Bellanger, Les derniers jours du Parti Socialiste, dans lequel jusqu’ici (la moitié du volume), je ne retrouve pas ce qui m’a plu dans les précédents. Le récit est toujours très documenté, et le style toujours brillant. Mais cette fois l’auteur en fait beaucoup trop, et s’abandonne à une emphase pesante et assez ennuyeuse, faite d’un déluge de citations et d’un étalage un peu cuistre de sa culture philosophique. J’espère réviser ce jugement à la lecture de la suite, car le sujet traité, la responsabilité/complicité du Printemps Républicain dans la montée de la marée fasciste, recoupe évidemment mes observations sur le sinistre retour des années 20.
Parenthèse bienvenue ce midi : nous avons déjeuné avec Patrick et Moussa à la terrasse d’un charmant restaurant thaïlandais, en bordure d’un lac, dans une banlieue du Val-de-Marne.
23 août 2024
Enfin de retour à la maison, nous avons pu hier soir regarder un film, En guerre, de Stéphane Brizé, avec Vincent Lindon dans le rôle d’un délégué syndical CGT qui conduit la lutte des 1100 salariés d’une usine menacée de fermeture.
Le sujet et le mode de traitement rappellent beaucoup les films de Ken Loach, à la différence près que nous ressentons ici une forme de malaise, due sans doute en partie à la focalisation extrême sur Vincent Lindon (qui a financé le projet). Son jeu est comme toujours remarquable, mais sa présence permanente dans tous les plans confine au cabotinage. L’autre source de malaise vient du mélange entre réalité et fiction : Le script est évidemment inspiré par d’innombrable situations de conflits sociaux semblables à celui-ci, mais pas par l’un d’eux en particulier. Le récit est donc une pure fiction, traitée comme un supposé documentaire, que rythment de fausses séquences de reportages sur BFM-TV. Le procédé, évidemment manipulatoire, évoque le lointain souvenir de Vive la crise, mais au service d’une analyse politique diamétralement opposée, à savoir la description minutieuse de la violence capitaliste et des stratégies dont elle use pour diviser la classe ouvrière et conduire ses luttes à l’échec. La scène finale où Vincent Lindon s’immole par le feu, supposée illustrer cette violence meurtrière, tourne à la démonstration grandiloquente et en perd toute sa force, frisant le grotesque.
Le sujet et le mode de traitement rappellent beaucoup les films de Ken Loach, à la différence près que nous ressentons ici une forme de malaise, due sans doute en partie à la focalisation extrême sur Vincent Lindon (qui a financé le projet). Son jeu est comme toujours remarquable, mais sa présence permanente dans tous les plans confine au cabotinage. L’autre source de malaise vient du mélange entre réalité et fiction : Le script est évidemment inspiré par d’innombrable situations de conflits sociaux semblables à celui-ci, mais pas par l’un d’eux en particulier. Le récit est donc une pure fiction, traitée comme un supposé documentaire, que rythment de fausses séquences de reportages sur BFM-TV. Le procédé, évidemment manipulatoire, évoque le lointain souvenir de Vive la crise, mais au service d’une analyse politique diamétralement opposée, à savoir la description minutieuse de la violence capitaliste et des stratégies dont elle use pour diviser la classe ouvrière et conduire ses luttes à l’échec. La scène finale où Vincent Lindon s’immole par le feu, supposée illustrer cette violence meurtrière, tourne à la démonstration grandiloquente et en perd toute sa force, frisant le grotesque.
21 août 2024
Enfin, nous pouvons dire que nous repartons demain. Cette perspective devrait me réjouir, mais le malaise que je ressens de plus en plus ne s’apaisera sans doute qu’en nous retrouvant enfin à la maison. Les derniers jours pourtant ont été plutôt agréables, et mis à part un dimanche de pluie ou nous n’avons pas mis le nez dehors, nous avons fait de jolies promenades, avec Nicole et Flo d’abord, sur un sentier balisé de cairns, puis après un pique-nique dans une jolie prairie ombragée de hêtres, un long itinéraire sur la crête d’une montagne, pour atteindre plusieurs belvédères dominant un chapelet de petits lacs. Sur la rive du dernier, une maison prolongée d’un embarcadère, qui vue de loin évoque irrésistiblement la maison du lac ou Walden. A l’inverse de la promenade du matin, où nous n’avions croisé que quelques familles, le chemin de crête est aussi fréquenté que la rue Lepic un dimanche matin : L’office de tourisme du lieu a bien travaillé, et les parkings sont tous saturés de voitures. Seule la dernière descente pour rejoindre le niveau des lacs nous a paru très longue, et surtout épuisante, car pendant plus d’une heure, on dévale une pente abrupte qui longe des précipice vertigineux, risquant de chuter à chaque pas sur un sol rendu glissant par la pluie de la veille. Au retour, longeant les lacs, on revoit la maison qui, de plus près, perd tout son charme.
17 août 2024
Concert de Paola hier soir, dans un petit village perdu en altitude sur le bord d’un plateau, accessible seulement par des routes étroites et zigzagantes. Quand nous y arrivons en compagnie de Nicole et Floriane, Paola et Victor sont en train d’installer la sono sur la terrasse d’un joli café de campagne, équipé de dortoirs pour les randonneurs. Le lieu semble chaleureux, comme ses propriétaires, mais l’impression se gâte lorsque commence le concert, car le brouhaha des tablées, loin de se calmer comme on aurait pu l’attendre, s’amplifie jusqu’à devenir gênant pour la chanteuse et pour le public venu l’entendre. Paola, visiblement rompue à ce genre d’épreuve, affiche un sourire imperturbable. Beaucoup des chansons sont nouvelles, sa voix et sa présence sur scène sont désormais parfaitement maîtrisées, et elle parvient, malgré l’adversité, à nous faire partager un peu du plaisir qu’elle éprouve à faire de la musique. La deuxième partie du concert, en revanche, est totalement gâchée par une bande de petits animaux humains qui se mettent à danser, puis à crier devant la scène, encouragées par leurs géniteurs qui les couvent du regard quand on imaginerait qu’ils les éloignent. Paola convient ensuite en avoir été très perturbée, mais elle doit hélas affronter souvent ce genre de situation : le calvaire des chanteurs débutants face aux publics des cabarets n’est pas une légende. Nous reprenons la route à la nuit noire, pour retrouver Villard vers une heure du matin. Bonne nouvelle : Paola et Victor viendront passer un week-end à Paris en janvier, et nous irons ensemble écouter - et pour nous découvrir - le pianiste allemand Florian Christl.
14 août 2024
Nous venons de passer deux jours formidables à Besançon, chez Bob et Ja, que nous avons retrouvés aussi inchangés que si nous les avions quittés hier, toujours amicaux, drôles et chaleureux. Leur maison est magnifique, tout comme l’accueil qu’ils nous y ont fait. Nous avons dormi dans la chambre qui donne sur la piscine, où j’ai fait des longueurs après mes exercices du matin. Deux promenades guidées par Ja, l’une hier à la découverte de la ville et de la Citadelle, et l’autre ce matin dans la vallée de la Loue. Bob, qui ne peut marcher longuement à cause de son genou opéré encore fragile, est resté avec Flo pour nous rejoindre en voiture. Avant de partir, nous avons déjeuné aujourd’hui dans une pisciculture nichée dans le fond d’une vallée, et, heureuse surprise, nous avons pu enfin manger des truites au bleu, que tous ont jugées délicieuses. Pour finir, la seule fausse note de ces deux jours parfaits a été lancée par Flo au moment du départ, avec une réflexion acide faite à nos hôtes sur le mode involontairement blessant dont elle a le secret. Après nous être retenus de l’étrangler, nous avons finalement décidé d’ignorer l’affront, certains que Bob et Ja feront de même.
Si j’ai pu craindre parfois que Flo puisse être source de malentendu entre Minbl et moi, nos dernières conversations à son propos m’ont totalement rassuré. Nous sommes, exactement de la même façon, partagés entre compassion et méfiance, tant elle est à la fois habitée d’une grande détresse et d’une réelle méchanceté. Le mieux est sans doute simplement de s’en tenir à distance.
Si j’ai pu craindre parfois que Flo puisse être source de malentendu entre Minbl et moi, nos dernières conversations à son propos m’ont totalement rassuré. Nous sommes, exactement de la même façon, partagés entre compassion et méfiance, tant elle est à la fois habitée d’une grande détresse et d’une réelle méchanceté. Le mieux est sans doute simplement de s’en tenir à distance.
10 août 2024
Un long silence. C’est ce qui résume au mieux nos journées ici, et les rend par moments si pénibles. Ce ne sont pourtant pas les bruits qui manquent, nombreux à la campagne, mais les moteurs de tondeuses et les aboiements de chiens ne font que souligner le silence étouffant de tout ce qui est tu. Les échanges sont soigneusement restreints à la pure banalité, questions pratiques, météo, et anecdotes du quotidien, et prennent soin d’éviter toute forme d’analyse et de jugement. Pour être honnête, si cette morale du silence me gêne à ce point, c’est parce que j’y discerne une menace contre ce qui m’est essentiel et me maintient en vie : Le rapport magique avec mon Minbl. Je sais bien qu’il se rétablira dès que se refermera la parenthèse de ce séjour, et j’ai hâte d’y parvenir. D’ici là j’aurai du mal à tenir ce journal : le silence est contagieux.
7 août 2024
Retour à Villard, pour deux semaines que je pressens éprouvantes : Floriane, plus que jamais obsédée par la santé de son chat, met de nouveau nos nerfs à l’épreuve, et la découverte d’une fuite d’eau dans la cuisine donne lieu à de nouvelles scènes de désarroi. On sent en elle un bouillonnement permanent de colère et d’angoisse dont on redoute à tout moment qu’il explose. Minbl, que cette situation rend encore plus malheureux que moi, réussit à garder son calme et nous entraîne chez Joce pour un moment de répit.
Je dois revenir sur le film que nous avons vu hier soir, car il nous a réservé une très heureuse surprise : Yannick de Quentin Dupieux (oui, le même...), tourné en six jours l’an dernier, juste avant Daaali !, que nous avions vu la veille, nous est apparu aussi séduisant et réussi que l’autre était antipathique et raté. L’idée du script est astucieuse : dans le huis clos d’un théâtre où vient de commencer la représentation d’une mauvaise pièce de boulevard, un spectateur mécontent interrompt le spectacle et, brandissant un pistolet, prend public et comédiens en otage pour contraindre les acteurs à interpréter séance tenante le texte qu’il entreprend d’écrire. Le rôle de Yannick est tenu par un jeune comédien très singulier et subtil, Raphaël Quenard, qui livre là une composition étonnante. Ses trois partenaires sont tout aussi talentueux. Nous oublierons vite la déception de la veille.
Je dois revenir sur le film que nous avons vu hier soir, car il nous a réservé une très heureuse surprise : Yannick de Quentin Dupieux (oui, le même...), tourné en six jours l’an dernier, juste avant Daaali !, que nous avions vu la veille, nous est apparu aussi séduisant et réussi que l’autre était antipathique et raté. L’idée du script est astucieuse : dans le huis clos d’un théâtre où vient de commencer la représentation d’une mauvaise pièce de boulevard, un spectateur mécontent interrompt le spectacle et, brandissant un pistolet, prend public et comédiens en otage pour contraindre les acteurs à interpréter séance tenante le texte qu’il entreprend d’écrire. Le rôle de Yannick est tenu par un jeune comédien très singulier et subtil, Raphaël Quenard, qui livre là une composition étonnante. Ses trois partenaires sont tout aussi talentueux. Nous oublierons vite la déception de la veille.
6 août 2024
Après le déjeuner dans notre brasserie favorite du Plessis-Robinson, nous sommes rentrés à pied jusqu’à Issy-les-Moulineaux, par un chemin pittoresque et ombragé qui traverse la forêt de Meudon. Au calme et en pleine nature, mais à deux pas du confort de la ville, voilà la campagne idéale ! Dans le métro, une horde de touristes olympiques coréens envahit la rame à Montparnasse, habillés JO des pieds à la tête, tatoués JO (provisoirement ?) sur le visage, équipés de drapeaux et de mascottes JO. La laideur agressive de ces accessoires, semblable à celle de l’univers du foot, est à l’évidence un choix esthétique, un mépris de classe parfaitement assumé par les vendeurs de cette pacotille. Leur brief aux designers devait leur imposer de faire moche.
Cela pourrait nourrir un chapitre de plus dans le livre de la journaliste Jade Lindgaard : Paris 2024, une ville face à la violence olympique , dont je viens de finir la lecture. Le style en est assez semblable à celui de V. Castanet, l’enquête tout aussi fouillée, et ce qu’elle révèle sur le CIO et l’envers du décor des JO de Paris est là encore un système mafieux, qui puise lui aussi dans les fonds publics, mais à une toute autre échelle qu’ Orpea : jusqu’à conduire parfois à la ruine les villes (Montréal), voire les pays (la Grèce) auxquels il s’attaque.
Après un rappel fort utile des bilans financiers désastreux JO des trois dernières décennies, on découvre à quel point les effets qu’ils engendrent à terme sont à l’inverse des promesses faites avant leur lancement : Les équipements créés sont peu réutilisés, les villages olympiques, censés devenir habitat social, sont destinés à la spéculation immobilière, le bilan écologique est catastrophique, et les lendemains prospères induits par les jeux n’arrivent jamais. Comme dans les Fossoyeurs, on souligne enfin le secret qui entoure les processus de décisions, et le refus des responsables politiques de consulter les populations qu’elles concernent. Malheureusement, l’ampleur du bombardement médiatique autour des JO est tel que cet ouvrage, pourtant indispensable à leur compréhension, ne suscitera sans doute que peu d’écho.
J’aimerais qu’il en aille de même pour le film que nous avons vu hier soir, car quoiqu’on pense de la personne et de l’œuvre de Salvador Dali, il ne méritait sûrement pas l’affront que lui porte ce film médiocre (Daaali !).
L’auteur, Quentin Dupieux, qui prétend en toute modestie ajouter un chapitre à l’histoire du surréalisme (il dit sans rire avoir puisé son inspiration chez Bunuel !), nous inflige un spectacle prétentieux et d’un ennui mortel, tournant autour du cinéma dans le cinéma qui se moque du cinéma, bref un de ces projets bâclés mais assortis d’une distribution à la mode auxquels le CNC adore attribuer des avances. Seules sont drôles les rares séquences où Edouard Bear incarne Dali. Mises bout-à_bout, elles feraient un bon court-métrage. On se demande comment le distributeur du DVD a osé joindre en bonus à ce navet la merveilleuse interview de Dali par Denise Glaser, tant le contraste est navrant.
Après toutes ces raisons de bougonner, un éclair de lumière avec cet article de Pour La Science sur l’origine de la vie. Il décrit une nouvelle expérience conduite avec des automates cellulaires, comme dans le jeu de la vie. Il apparaît que sans rien faire d’autre que disposer des particules de maniere aléatoire dans un espace donné, elles finissent, après de très nombreuses générations, par s’organiser, se complexifier, et transmettre leurs nouvelles propriétés aux générations suivantes. En somme, le mecanisme de l’évolution a pu commencer à partir de rien : Ça ne va pas plaire aux bigots, surtout aux créationnistes !
Cela pourrait nourrir un chapitre de plus dans le livre de la journaliste Jade Lindgaard : Paris 2024, une ville face à la violence olympique , dont je viens de finir la lecture. Le style en est assez semblable à celui de V. Castanet, l’enquête tout aussi fouillée, et ce qu’elle révèle sur le CIO et l’envers du décor des JO de Paris est là encore un système mafieux, qui puise lui aussi dans les fonds publics, mais à une toute autre échelle qu’ Orpea : jusqu’à conduire parfois à la ruine les villes (Montréal), voire les pays (la Grèce) auxquels il s’attaque.
Après un rappel fort utile des bilans financiers désastreux JO des trois dernières décennies, on découvre à quel point les effets qu’ils engendrent à terme sont à l’inverse des promesses faites avant leur lancement : Les équipements créés sont peu réutilisés, les villages olympiques, censés devenir habitat social, sont destinés à la spéculation immobilière, le bilan écologique est catastrophique, et les lendemains prospères induits par les jeux n’arrivent jamais. Comme dans les Fossoyeurs, on souligne enfin le secret qui entoure les processus de décisions, et le refus des responsables politiques de consulter les populations qu’elles concernent. Malheureusement, l’ampleur du bombardement médiatique autour des JO est tel que cet ouvrage, pourtant indispensable à leur compréhension, ne suscitera sans doute que peu d’écho.
J’aimerais qu’il en aille de même pour le film que nous avons vu hier soir, car quoiqu’on pense de la personne et de l’œuvre de Salvador Dali, il ne méritait sûrement pas l’affront que lui porte ce film médiocre (Daaali !).
L’auteur, Quentin Dupieux, qui prétend en toute modestie ajouter un chapitre à l’histoire du surréalisme (il dit sans rire avoir puisé son inspiration chez Bunuel !), nous inflige un spectacle prétentieux et d’un ennui mortel, tournant autour du cinéma dans le cinéma qui se moque du cinéma, bref un de ces projets bâclés mais assortis d’une distribution à la mode auxquels le CNC adore attribuer des avances. Seules sont drôles les rares séquences où Edouard Bear incarne Dali. Mises bout-à_bout, elles feraient un bon court-métrage. On se demande comment le distributeur du DVD a osé joindre en bonus à ce navet la merveilleuse interview de Dali par Denise Glaser, tant le contraste est navrant.
Après toutes ces raisons de bougonner, un éclair de lumière avec cet article de Pour La Science sur l’origine de la vie. Il décrit une nouvelle expérience conduite avec des automates cellulaires, comme dans le jeu de la vie. Il apparaît que sans rien faire d’autre que disposer des particules de maniere aléatoire dans un espace donné, elles finissent, après de très nombreuses générations, par s’organiser, se complexifier, et transmettre leurs nouvelles propriétés aux générations suivantes. En somme, le mecanisme de l’évolution a pu commencer à partir de rien : Ça ne va pas plaire aux bigots, surtout aux créationnistes !
5 août 2024
Retour sur le livre de Victor Castanet, les Fossoyeurs, dont j’ai terminé la lecture il y a quelques jours. Minbl qui l’a lu avant moi était très élogieux sur la qualité, la précision et le contenu inédit de l’enquête, tout en soulignant que la lecture en était parfois éprouvante, tant les situations exposées étaient tragiques. J’en avais eu un avant-goût en lisant les extraits que le monde avait publiés à la sortie du livre. On y trouvait entre autres le récit effrayant des derniers jours de Françoise Dorin, dans la résidence de grand luxe où l’on précipite sa mort par manque de soins. Ce n’est là que le premier épisode d’une série glaçante, dont on réalise très vite qu’ils ne sont en rien le fruit du hasard, mais le résultat d’une politique délibérée du groupe Orpea, propriétaire des établissements, et leader mondial de l’industrie nouvelle et extraordinairement lucrative qu’il a inventée : la prise en charge de la dépendance.
Inutile de résumer les trois ans de l’enquête, et les témoignages des centaines de personnes interviewées, dont beaucoup acceptent que leur nom soit publié. La conclusion est sans appel : Orpea (et dans une moindre mesure la plupart de ses concurrents dans le secteur privé) fonctionne comme une organisation mafieuse, utilisant la fraude, les menaces et le chantage pour détourner massivement de l’argent public, avec des complicités politique de très haut niveau. Deux de ces complices sont nommément cités : Xavier Bertrand, ancien Ministre de la santé, et Jean-Louis Borloo. La force de la démonstration tient à la précision avec laquelle sont décrits les mécanismes de cette fraude, et à l’accumulation des preuves de leur existence.
Les derniers chapitres, ajoutés après la sortie de le première édition, soulignent que la révélation de ce scandale n’a pas conduit jusqu’ici à des changements profonds de la politique de traitement de la dépendance, qui (pour longtemps sans doute) demeure soumise à une gestion purement financière dont la seule fin est de réaliser des profits, sans souci réel du service rendu.
Pour ce qui nous concerne, sans en avoir parlé explicitement, je crois que nous n’avons jamais envisagé un internement dans une structure de ce genre (dont on sait par ailleurs le traitement honteux qu’on y réserve aux homosexuels, comme V. Castanet l’avait révélé en 2019 dans une enquête pour Le Monde). S’il subsistait chez nous la moindre incertitude sur cette question, ce livre y apporte une réponse claire et définitive.
Inutile de résumer les trois ans de l’enquête, et les témoignages des centaines de personnes interviewées, dont beaucoup acceptent que leur nom soit publié. La conclusion est sans appel : Orpea (et dans une moindre mesure la plupart de ses concurrents dans le secteur privé) fonctionne comme une organisation mafieuse, utilisant la fraude, les menaces et le chantage pour détourner massivement de l’argent public, avec des complicités politique de très haut niveau. Deux de ces complices sont nommément cités : Xavier Bertrand, ancien Ministre de la santé, et Jean-Louis Borloo. La force de la démonstration tient à la précision avec laquelle sont décrits les mécanismes de cette fraude, et à l’accumulation des preuves de leur existence.
Les derniers chapitres, ajoutés après la sortie de le première édition, soulignent que la révélation de ce scandale n’a pas conduit jusqu’ici à des changements profonds de la politique de traitement de la dépendance, qui (pour longtemps sans doute) demeure soumise à une gestion purement financière dont la seule fin est de réaliser des profits, sans souci réel du service rendu.
Pour ce qui nous concerne, sans en avoir parlé explicitement, je crois que nous n’avons jamais envisagé un internement dans une structure de ce genre (dont on sait par ailleurs le traitement honteux qu’on y réserve aux homosexuels, comme V. Castanet l’avait révélé en 2019 dans une enquête pour Le Monde). S’il subsistait chez nous la moindre incertitude sur cette question, ce livre y apporte une réponse claire et définitive.
4 août 2024
Sur France24, ce matin, je découvre que Montmartre est tout aussi assiégée que la Butte aux Cailles : des cycliste gravissent la rue Lepic hérissée de barrières, et le reportage s’attarde sur l’un d’entre eux qui fait halte aux toilettes du Café des deux moulins, "immortalisé par Amélie Poulain", précise le commentateur. Hier soir, des clameurs nous parvenaient par bouffées du Parc de Choisy où est installée une fan zone. Aux yeux des médias, ceux qui comme nous ignorent cette folie hystérique et cherchent à s’en protéger n’existent pas : tous les témoins interrogés chavirent de joie et de fierté. L’effet JO, expliquent doctement les exégètes médiatiques, a déjà fait oublier aux Français leurs inquiétudes et leurs colères, et installera pendant des mois un climat de béatitude, renforcé bien sûr par la vague de prospérité qu’il ne manquera pas d’entraîner. Minbl suggère que Macron doit se mordre les doigts de n’avoir pas attendu la fin des JO pour dissoudre, les électeurs l’auraient plébiscité !
Quant à l’autre réalité, celle des populations déplacées, celle de la violence olympique, comme la dénomme la journaliste Jade Lindgaard dans son livre dont je commence la lecture, elle reste invisible dans les reportages. Nous l’apercevons seulement sur les quais, où des tonnes de rochers, de blocs de béton, et des kilomètres de grilles ont été installés pour en chasser les sans-abri.
Nous avons beau être habitués à ne pas nous reconnaître dans les goûts et les modes de vie majoritaires, jamais nous n’avons observé un tel décalage entre ce que nous voyons et le récit qui nous en est imposé : jamais jusqu’ici les deux chaînes publiques de TV n’avaient supprimé tous leurs programmes pour leur substituer une retransmission permanente des JO. Difficile de ne pas voir, derrière une offensive de propagande médiatique aussi massive, mise en œuvre par des organes soumis comme jamais au pouvoir, un vrai projet politique de manipulation de l’opinion publique. La puissance des réseaux sociaux, arme de propagande d’une efficacité sans précédent, le rend désormais possible. A l’instar des trumpistes en Amérique, on prétendra imposer des vérités et des réalités alternatives, et convaincre les plus fragiles qu’on va reconstruire pour eux demain ce qu’on ne cesse de détruire. Et j’ai bien peur que celà résume la doctrine du futur gouvernement macrono-fasciste en préparation.
Comme antidote à ce climat désespérant (à quoi il faudrait ajouter les préparatifs de guerre qui se précisent), nous avons vu hier soir le film documentaire de Nicolas Philibert sur l’Adamant, primé d’un ours d’or l’an dernier à Berlin. Il a pour cadre un bateau ancré près du pont Charles de Gaulle, qui accueille comme dans un hôpital de jour des patients souffrant de troubles psychiatriques. A priori le sujet me rend méfiant car il m’évoque le souvenir du film nauséabond de Depardon sur l’internement d’office. Heureusement, dès l’abord, on comprend que la démarche est toute autre. Tout commence par une séquence très forte où un malade interprète la chanson La bombe humaine du groupe Téléphone, avec un réel talent d’interprétation, qui puise visiblement dans une violence et une souffrance intérieures extrêmes. La suite fait un moment redouter un simple bout-à-bout paresseux de scènes du quotidien, avant de nous captiver peu à peu en s’attardant sur des personnalités fascinantes. Un poète-musicien, une peintre, un guitariste surdoué... tous dotés d’un talent peu commun, la plupart d’un vocabulaire très riche, et développant des propos très originaux, comme inspirés par un monde intérieur auquel eux seuls ont accès. Petit à petit, on comprend que coexiste en eux délires et réalité. Plusieurs confirment qu’ils ne pourraient survivre sans leurs médicaments. Les rapports avec les psys, que rien ne distingue par l’habillement, sont exempts de hiérarchie ou de paternalisme. On devine, avant que le réalisateur ne le confirme dans le bonus, que l’établissement est une exception unique dans le paysage psychiatrique, pour les rapports égalitaires qu’il instaure entre soignants et patients. Entre autre mérites, le film a celui de ne prétendre à rien d’autre qu’un témoignage, sans prétention démonstrative, et d’échapper aux clichés habituels sur la "normalité" et la "folie". Il nous révèle en outre l’existence, sans doute marginale et menacée, d’une psychiatrie à visage humain, respectueuse de ses patients. Survivra-t-elle à la vague d’affairisme qui détruit notre système de santé ? On se peut se poser la question après la lecture des Fossoyeurs de Victor Castanet, sur laquelle je reviendrai plus tard.
Quant à l’autre réalité, celle des populations déplacées, celle de la violence olympique, comme la dénomme la journaliste Jade Lindgaard dans son livre dont je commence la lecture, elle reste invisible dans les reportages. Nous l’apercevons seulement sur les quais, où des tonnes de rochers, de blocs de béton, et des kilomètres de grilles ont été installés pour en chasser les sans-abri.
Nous avons beau être habitués à ne pas nous reconnaître dans les goûts et les modes de vie majoritaires, jamais nous n’avons observé un tel décalage entre ce que nous voyons et le récit qui nous en est imposé : jamais jusqu’ici les deux chaînes publiques de TV n’avaient supprimé tous leurs programmes pour leur substituer une retransmission permanente des JO. Difficile de ne pas voir, derrière une offensive de propagande médiatique aussi massive, mise en œuvre par des organes soumis comme jamais au pouvoir, un vrai projet politique de manipulation de l’opinion publique. La puissance des réseaux sociaux, arme de propagande d’une efficacité sans précédent, le rend désormais possible. A l’instar des trumpistes en Amérique, on prétendra imposer des vérités et des réalités alternatives, et convaincre les plus fragiles qu’on va reconstruire pour eux demain ce qu’on ne cesse de détruire. Et j’ai bien peur que celà résume la doctrine du futur gouvernement macrono-fasciste en préparation.
Comme antidote à ce climat désespérant (à quoi il faudrait ajouter les préparatifs de guerre qui se précisent), nous avons vu hier soir le film documentaire de Nicolas Philibert sur l’Adamant, primé d’un ours d’or l’an dernier à Berlin. Il a pour cadre un bateau ancré près du pont Charles de Gaulle, qui accueille comme dans un hôpital de jour des patients souffrant de troubles psychiatriques. A priori le sujet me rend méfiant car il m’évoque le souvenir du film nauséabond de Depardon sur l’internement d’office. Heureusement, dès l’abord, on comprend que la démarche est toute autre. Tout commence par une séquence très forte où un malade interprète la chanson La bombe humaine du groupe Téléphone, avec un réel talent d’interprétation, qui puise visiblement dans une violence et une souffrance intérieures extrêmes. La suite fait un moment redouter un simple bout-à-bout paresseux de scènes du quotidien, avant de nous captiver peu à peu en s’attardant sur des personnalités fascinantes. Un poète-musicien, une peintre, un guitariste surdoué... tous dotés d’un talent peu commun, la plupart d’un vocabulaire très riche, et développant des propos très originaux, comme inspirés par un monde intérieur auquel eux seuls ont accès. Petit à petit, on comprend que coexiste en eux délires et réalité. Plusieurs confirment qu’ils ne pourraient survivre sans leurs médicaments. Les rapports avec les psys, que rien ne distingue par l’habillement, sont exempts de hiérarchie ou de paternalisme. On devine, avant que le réalisateur ne le confirme dans le bonus, que l’établissement est une exception unique dans le paysage psychiatrique, pour les rapports égalitaires qu’il instaure entre soignants et patients. Entre autre mérites, le film a celui de ne prétendre à rien d’autre qu’un témoignage, sans prétention démonstrative, et d’échapper aux clichés habituels sur la "normalité" et la "folie". Il nous révèle en outre l’existence, sans doute marginale et menacée, d’une psychiatrie à visage humain, respectueuse de ses patients. Survivra-t-elle à la vague d’affairisme qui détruit notre système de santé ? On se peut se poser la question après la lecture des Fossoyeurs de Victor Castanet, sur laquelle je reviendrai plus tard.
3 août 2024
J’avais mal apprécié l’ampleur et la sévérité de l’état de siège qui nous est infligé. En sortant tout à l’heure du déjeuner à notre crêperie habituelle, nous avons été stupéfaits de découvrir la place d’Italie vide de voitures, cerclée de barrages sur toutes les voies d’accès, une dizaine de fourgons de police stationnant près de la mairie du 13e. Une affiche nous apprend que ce dispositif restera en place pendant une semaine entière, pour permettre une épreuve olympique de cyclisme. La butte aux Cailles tout entière est inaccessible, cernée de barrières défendues par des hommes en uniforme dont beaucoup sont armés. Quand nous rentrons par la rue de Tolbiac, presque déserte, les voitures bleu marine foncent à toute allure, dans un déluge de sirènes et de gyrophares, à seule fin, dirait-on, d’affirmer la mainmise policière sur la ville. Une image me vient à l’esprit : celle de l’arrivée des troupes allemandes en juin 40, accueillies sans doute avec la même résignation...
2 août 2024
De retour à Paris depuis deux jours, et l’état de siège que nous redoutions n’est pas du tout visible dans notre quartier, sauf aux alentours des ponts de Tolbiac et d’Austerlitz, où les grilles installées pour le défilé fluvial sont toujours en place, et le resteront sans doute pendant plusieurs semaines. Déjeuné hier au Ba Mien avec Bruno, Patrick et Moussa, qui a une fois de plus changé d’ "emploi" : il nous explique qu’il travaille désormais le week-end, à servir de la chicha au bar d’une péniche/boîte de nuit gérée par "un ami de ses cousins"... Minbl me confirme se demander comme moi s’il est très naïf ou très filou. Patrick connaît sûrement la réponse, et on ne peut l’imaginer autrement qu’inquiet. Quant à Bruno, son glissement vers la droite continue de progresser : Le RN aux portes du pouvoir ne l’inquiète pas : Eux seuls, dit-il, proposent des mesures pour améliorer le pouvoir d’achat des plus pauvres (la gauche le fait aussi, convient-il, mais elle sera jamais aux affaires pour les mettre en œuvre). Il me somme de lui citer des exemples concrets de mesures anti-sociales qu’ils ont voté avec la droite dite modérée. Je lui envoie par mail les listes compilées par Fakir et la CGT. Ils ne sont pas non plus un danger pour les femmes et les LGBT, puisqu’ils comptent beaucoup de pédés dans leurs rangs (NB:comme dans l’entourage d’Hitler...), et que Marine Le Pen est une grande protectrice de la liberté d’avorter ! Il n’est pas convaincu non plus du rôle des médias pour accompagner l’opération de "dédiabolisation" du parti fasciste. A ce propos, je repère ce matin dans Google News cet article de TFI info digne de FoxNews, qui utilise la méthode de fausse citation, typique de l’extrème-droite pour diffamer ses adversaires.
Heureusement, hier soir, le dernier film de Kurismaki, Les feuilles mortes, nous a fait retrouver quelques raisons de ne pas totalement désespérer de l’humanité. cela confirme aussi que le spectacle de la beauté est l’un des meilleurs antidotes au désespoir. On y retrouve les décors sans date qui nous plaisent tant, et ce regard à la fois incisif et doux sur des personnages de prolétaires brisés mais toujours dignes. Le bonus nous apprend - sans surprise - que Kurismaki et Jarmush sont amis de longue date. Un film de 2023 que nous avions vu avec beaucoup de plaisir avant de partir à Villard nous avait paru inspiré de la même esthétique : L’étoile filante, de Dominique Abel et Fiona Gordon. Avec les temps qui s’annoncent, il faut faire provision de films de ce genre, et de livres, pour cultiver un peu d’espoir.
Heureusement, hier soir, le dernier film de Kurismaki, Les feuilles mortes, nous a fait retrouver quelques raisons de ne pas totalement désespérer de l’humanité. cela confirme aussi que le spectacle de la beauté est l’un des meilleurs antidotes au désespoir. On y retrouve les décors sans date qui nous plaisent tant, et ce regard à la fois incisif et doux sur des personnages de prolétaires brisés mais toujours dignes. Le bonus nous apprend - sans surprise - que Kurismaki et Jarmush sont amis de longue date. Un film de 2023 que nous avions vu avec beaucoup de plaisir avant de partir à Villard nous avait paru inspiré de la même esthétique : L’étoile filante, de Dominique Abel et Fiona Gordon. Avec les temps qui s’annoncent, il faut faire provision de films de ce genre, et de livres, pour cultiver un peu d’espoir.
29 juillet 2024
Demain retour à Paris pour une semaine, coupure salutaire que j’ai vaguement justifiée hier, en réponse à la question de Ginette, qui, au téléphone, s’interrogeait sur la raison de cet aller-retour. La chaleur sera la même, mais nous respirerons mieux. Depuis deux jours le soleil est très chaud, sans perspective d’orages, et nous ne sortons pour des promenade à pied que le soir ou le matin. Aujourd’hui nous sommes retournés sur les bords de la Bienne, où nous avons découvert que le chemin menant à l’autre pont, officiellement fermé l’an dernier, était désormais rouvert. Nous continuons de nous tenir à l’écart des rumeurs du monde, relayées seulement le matin par le JT de France 24. Sans en avoir observé la moindre image, les récits de la cérémonie olympique et les fausses polémiques qu’elle suscite (voir le récit de Contre-Attaque et l’analyse de Daniel Schneidermann) m’inspirent une vague nausée, tant ils semblent des diversions futiles au regard de la situation politique et des sinistres perspectives qu’elle annonce. Pour résumer, le spectacle prétendait renouer avec l’esprit "black-blanc-beur" et célébrer autour de Macron la communion de toutes les différences, dans une scénographie de style Puy du Fou, mais inspirée par la gauche... Ou plutôt la gauche telle que la droite l’imagine : On fait défiler des sans-culotte et des drag-queens, pour montrer à quel point on a les idées larges. Mieux, on en rajoute un peu dans le mauvais-goût, jusqu’à provoquer l’indignation des fachos, avec lesquels on s’apprête à gouverner demain. L’apothéose du en même temps !
26 juillet 2024
Jusqu’au tout dernier moment, j’espèrerai qu’un imprévu surgisse et compromette le déroulement de la cérémonie. Un geste au moins, comme celui des athlètes noirs à Mexico en 68, pour résister a la vague fasciste qui se profile, et à ces jeux qui rappellent tant ceux de 36 à Berlin. Paris en état de siège au sens propre : le périphérique va être fermé, et les habitants parqués derrière des grilles.
A propos des JO et de la chasse aux pauvres qui les a précédés (en Seine-Saint-Denis en particulier), découvert cette analyse faite en 1947 par le géographe Jean-François Gravier, dans Paris et le désert français :
« En détruisant des centaines d’immeubles mi-bourgeois, mi-ouvriers pour construire Chaillot et la Plaine Monceau, en chassant les prolétaires vers la banlieue, le baron Haussmann a assumé une bien lourde responsabilité. Il a crée ces milieux fermés, imperméables l’un à l’autre qui font qu’un habitant de Passy doit se plier aux rites de la bourgeoisie, tandis qu’un habitant d’Aubervilliers, de Saint-Ouen, de Clichy, se trouve emprisonné dans un climat de tristesse et de pauvreté […] Le prolétariat se définit moins par le chiffre d’un salaire que par une séparation géographique et morale du reste de la société." A rapprocher du livre sur la "violence olympique"dont Reporterre fait mention
Heureux d’être loin du délire olympique, nous sommes aussi, curieusement, enfermés ici dans un autre univers auquel nous sommes étrangers, ce monde rural et pavillonnaire où pullule la laideur. Hier, tout de même, un moment de grâce a surgi dans cette noirceur, lorsque traversant Lavancia en voiture nos regards ont convergé vers la petite église de bois, qui, depuis quarante ans symbolise ce qui nous lie à jamais.
A propos des JO et de la chasse aux pauvres qui les a précédés (en Seine-Saint-Denis en particulier), découvert cette analyse faite en 1947 par le géographe Jean-François Gravier, dans Paris et le désert français :
« En détruisant des centaines d’immeubles mi-bourgeois, mi-ouvriers pour construire Chaillot et la Plaine Monceau, en chassant les prolétaires vers la banlieue, le baron Haussmann a assumé une bien lourde responsabilité. Il a crée ces milieux fermés, imperméables l’un à l’autre qui font qu’un habitant de Passy doit se plier aux rites de la bourgeoisie, tandis qu’un habitant d’Aubervilliers, de Saint-Ouen, de Clichy, se trouve emprisonné dans un climat de tristesse et de pauvreté […] Le prolétariat se définit moins par le chiffre d’un salaire que par une séparation géographique et morale du reste de la société." A rapprocher du livre sur la "violence olympique"dont Reporterre fait mention
Heureux d’être loin du délire olympique, nous sommes aussi, curieusement, enfermés ici dans un autre univers auquel nous sommes étrangers, ce monde rural et pavillonnaire où pullule la laideur. Hier, tout de même, un moment de grâce a surgi dans cette noirceur, lorsque traversant Lavancia en voiture nos regards ont convergé vers la petite église de bois, qui, depuis quarante ans symbolise ce qui nous lie à jamais.
22 juillet 2024
Biden passe la main, en ouverture des journaux ce matin, qui rappellent sa participation "calamiteuse" au débat avec Trump. Il me revient qu’au lendemain du fameux débat, l’appréciation des mêmes commentateurs était bien plus mesurée, du genre "match nul avec un léger avantage à Trump" : Les médias français ont un réflexe inné de déférence à l’égard des puissants. Au fil des jours, et de la progression du doute chez les démocrates, le discours s’est progressivement enhardi jusqu’à évoquer une possible maladie, puis l’hypothèse d’un abandon.
Depuis hier, nous avons regagné Villard. Surprise désagréable : La route de notre promenade habituelle est devenue impraticable en vélo : elle a été inondée de gravillons qui, sans obturer les trous très nombreux, les rendent invisibles, et le parcours très dangereux. Nous ne pourrons plus aller à Morez cette année...
Les images de Paris en état de siège nous confortent dans l’idée que nous sommes mieux ici, même si l’ambiance n’est pas idéale. Heureusement nous parvenons à nous évader pour des promenade à deux, qui nous font évacuer la tension accumulée au contact de Flo, dont les réactions imprévisibles nous contraignent à contrôler sans cesse nos attitudes et nos paroles, de crainte qu’explose la violence contenue qu’on ressent chez elle. Je souffre beaucoup pour mon Minbl dont je mesure l’effort qu’il doit faire pour garder son calme. Mais il est vrai qu’il est habitué à devoir me supporter, ce qui, dans un autre style, n’est pas non plus une mince affaire.
Depuis hier, nous avons regagné Villard. Surprise désagréable : La route de notre promenade habituelle est devenue impraticable en vélo : elle a été inondée de gravillons qui, sans obturer les trous très nombreux, les rendent invisibles, et le parcours très dangereux. Nous ne pourrons plus aller à Morez cette année...
Les images de Paris en état de siège nous confortent dans l’idée que nous sommes mieux ici, même si l’ambiance n’est pas idéale. Heureusement nous parvenons à nous évader pour des promenade à deux, qui nous font évacuer la tension accumulée au contact de Flo, dont les réactions imprévisibles nous contraignent à contrôler sans cesse nos attitudes et nos paroles, de crainte qu’explose la violence contenue qu’on ressent chez elle. Je souffre beaucoup pour mon Minbl dont je mesure l’effort qu’il doit faire pour garder son calme. Mais il est vrai qu’il est habitué à devoir me supporter, ce qui, dans un autre style, n’est pas non plus une mince affaire.
20 juillet 2024
Grande nouvelle : Ginette a un nouveau petit compagnon, baptisé Wylou. Nous avons appris la nouvelle dans l’après-midi, par un mms contenant deux photos d’une Ginette, radieuse, tenant le bébé chien sur ses genoux. Photos prises et expédiées par le vendeur, m’explique-t’elle aussitôt, quand je l’appelle pour la féliciter. La compagne du vendeur, devinant ses scrupules, l’a assurée qu’en cas de malheur, elle reviendrait le prendre en charge et l’adopter. Comme l’infirmière lui a déjà fait la même promesse, la voilà complètement rassurée et toute à la joie de cette nouvelle maternité.
Quant à nous, nous faisons étape à Belfort, où avant l’orage annoncé, la chaleur était extrême. Floriane a saigné du nez, mais tout s’est arrangé rapidement. Nous rentrons à Villard demain, sans doute avec la pluie. Rien de bien nouveau dans la presse, qui n’a toujours d’yeux que pour Marine Le Pen, si injustement traitée par les institutions...
Quant à nous, nous faisons étape à Belfort, où avant l’orage annoncé, la chaleur était extrême. Floriane a saigné du nez, mais tout s’est arrangé rapidement. Nous rentrons à Villard demain, sans doute avec la pluie. Rien de bien nouveau dans la presse, qui n’a toujours d’yeux que pour Marine Le Pen, si injustement traitée par les institutions...
19 juillet 2024
Pour une fois que je pense avoir réussi quelque chose, autant le consigner ici, d’autant qu’il s’agit justement de ce journal, commencé il y a un peu plus d’un mois. J’ai au moins réussi jusqu’ici à l’alimenter chaque jour, sans trop d’effort, et sous une forme plutôt satisfaisante à la relecture. J’ai même éprouvé un pincement de fierté en lisant aujourd’hui sous la plume de D. Schneidermann une réflexion amère sur la gauche très semblable à celle que j’exprimais hier. Au passage, on s’aperçoit plus que jamais à quel point l’action politique est une affaire de langage, comme Orwell l’a si bien démontré. A ce titre, les média supposés progressistes, s’il en reste, devraient au moins s’astreindre à renoncer aux litotes policées ("l’extrême-droite" ,"le RN") et à nommer les fascistes comme tels, plutôt que de s’indigner qu’on ne serre pas la main à leurs députés.
A propos de fascisme (!) , après Munich, nous sommes sur la route du retour. Déjeuner au bord du lac de Constance, à la terrasse d’un café, sur le pittoresque petit port de l’île de Lindau, et dîner a Constance, sur la terrasse d’une brasserie traditionnelle, raviole au bouillon clair et schnitzel. Tout le monde a bu de la bière et Minbl, qui a très mal dormi la nuit dernière, s’est assoupi dès 21 heures... rien ne m’apaise autant que de prêter l’oreille à son souffle régulier.
A propos de fascisme (!) , après Munich, nous sommes sur la route du retour. Déjeuner au bord du lac de Constance, à la terrasse d’un café, sur le pittoresque petit port de l’île de Lindau, et dîner a Constance, sur la terrasse d’une brasserie traditionnelle, raviole au bouillon clair et schnitzel. Tout le monde a bu de la bière et Minbl, qui a très mal dormi la nuit dernière, s’est assoupi dès 21 heures... rien ne m’apaise autant que de prêter l’oreille à son souffle régulier.
18 juillet 2024
La premiere nouvelle de la journee etait triste, la dernière navrante. On apprend ce matin la mort de Benoit Duteurtre. Je me souviens surtout de son roman drôle et méchant (les deux vont souvent de pair) sur le Paris gay des années 80, plus tard de sa croisade contre la transformation des gares en galeries marchandes, et dun panphlet brillant sur le même sujet. A son crédit aussi son amour de la musique et de l’opéra. Avec les annees 2000, son inclination à droite était devenue radicale, plus drôle du tout.
La nouvelle du soir, c’est le nouveau camouflet de Macron à la gauche. La réélection de Braun-Pivet au perchoir signe clairement que l’ensemble de la droite, puisqu’il faut s’allier, choisit sans la moindre réserve le fascisme plutôt que la gauche. Le plus triste est que la gauche elle-même ait déployé tant d’efforts pour se diaboliser, quand ses ennemis suivaient le chemin inverse.
Notre séjour à Munich s’achève : au musée Lenbachhaus, cet après-midi, nous avons découvert une surprenante collection de Kandinsky. Une bonne trentaine de tableaux datant d’avant l’abstraction : des scènes de genre, des paysages à la Eugène Boudin, des œuvres ou l’on ne reconnaît rien de son talent, pas même celui de coloriste. En revanche, quelques pièces de Klee, relevant elles aussi de périodes et de styles très différents, sont aussitôt identifiables à son génie, comme le sont les œuvres de Picasso.
A la boutique du musée, un moment de grande joie quand Minbl tombe en arrêt devant un mobile assez semblable au nôtre, mais paré de belles couleurs, et surtout quand il accepte assez facilement que nous l’achetions. De tels moments sont si rares, et si precieux ,quand je peux dans ses yeux lire avec certitude qu’il éprouve un moment de bonheur.
La nouvelle du soir, c’est le nouveau camouflet de Macron à la gauche. La réélection de Braun-Pivet au perchoir signe clairement que l’ensemble de la droite, puisqu’il faut s’allier, choisit sans la moindre réserve le fascisme plutôt que la gauche. Le plus triste est que la gauche elle-même ait déployé tant d’efforts pour se diaboliser, quand ses ennemis suivaient le chemin inverse.
Notre séjour à Munich s’achève : au musée Lenbachhaus, cet après-midi, nous avons découvert une surprenante collection de Kandinsky. Une bonne trentaine de tableaux datant d’avant l’abstraction : des scènes de genre, des paysages à la Eugène Boudin, des œuvres ou l’on ne reconnaît rien de son talent, pas même celui de coloriste. En revanche, quelques pièces de Klee, relevant elles aussi de périodes et de styles très différents, sont aussitôt identifiables à son génie, comme le sont les œuvres de Picasso.
A la boutique du musée, un moment de grande joie quand Minbl tombe en arrêt devant un mobile assez semblable au nôtre, mais paré de belles couleurs, et surtout quand il accepte assez facilement que nous l’achetions. De tels moments sont si rares, et si precieux ,quand je peux dans ses yeux lire avec certitude qu’il éprouve un moment de bonheur.
17 juillet 2024
L’info du jour a tout d’un canular, mais comme c’est Le Monde qui la publie, on peut supposer que c’est bien réel : feu l’abbé Pierre est accusé de "violences sexuelles" par sept femmes. La source est une enquête diligentée par Emmaüs, la fondation Abbé Pierre, et la succursale française de l’église catholique ! L’auteur du papier s’indigne lui-même d’un tel comportement, qui bien sûr déshonore le grand homme à titre posthume. L’église, qui mène comme les Le Pen une campagne de "dédiabolisation", compatit à la "souffrance des victimes" dont certaines ont confié aux enquêteurs avoir cédé aux avances du saint homme "car c’était comme si Dieu le leur demandait"’ ! Tout cela pourrait prêter à rire (une chasse aux sorcières parmi ceux qui jadis les brûlaient ne manque pas de sel), mais cela confirme surtout l’effrayante progression de la vague puritaine qui déferle sur le monde (et aussi Le Monde), détournant les combats féministes légitimes (pour l’égalité, la liberté d’user de son corps, etc.). J’aimerais comprendre la motivation de ces femmes : une quête de célébrité, à obtenir par contagion avec celle de leur supposé agresseur, ou sont-elles simplement manipulées par les mouvements catho réactionnaires, pour qui l’abbé Pierre était un gauchiste à détruire ? Peut-être un peu des deux ?
Pour le reste, nous avons passé deux heures ce matin à parcourir les innombrables enfilades de salles somptueuses du musée-palais de la Residenz. Un somptueux qui frôle le kitsch avec le décor tout de coquillages de la grotte, et tombe carrément dans l’excès indécent avec la foison de vaisselle d’or et d’argent. Déjeuner tres agreable, de saucisses blanches et bretzels arrosés de bière, dans une brasserie traditionnelle. Ensuite, promenade en bus et tram, puis pause-goûter au Galeria et retour à l’hôtel où nous dînons d’un sandwich. La cohabitation avec Flo se passe bien, très améliorée sans doute par les chambres distinctes. Nous ne faisons pas le quart de ce que nous ferions seuls tous deux, mais après tout, nous avions sans doute déjà découvert tout l’essentiel lors des précédents séjours... En tout cas, c’est ce dont nous avons décidé, Minbl et moi, dans un de ces accords muets que j’aime tant...
Pour le reste, nous avons passé deux heures ce matin à parcourir les innombrables enfilades de salles somptueuses du musée-palais de la Residenz. Un somptueux qui frôle le kitsch avec le décor tout de coquillages de la grotte, et tombe carrément dans l’excès indécent avec la foison de vaisselle d’or et d’argent. Déjeuner tres agreable, de saucisses blanches et bretzels arrosés de bière, dans une brasserie traditionnelle. Ensuite, promenade en bus et tram, puis pause-goûter au Galeria et retour à l’hôtel où nous dînons d’un sandwich. La cohabitation avec Flo se passe bien, très améliorée sans doute par les chambres distinctes. Nous ne faisons pas le quart de ce que nous ferions seuls tous deux, mais après tout, nous avions sans doute déjà découvert tout l’essentiel lors des précédents séjours... En tout cas, c’est ce dont nous avons décidé, Minbl et moi, dans un de ces accords muets que j’aime tant...
16 juillet 2024
Le deuxième jour de notre voyage nous conduit de Zurich à Munich, avec une halte en Autriche, à Bregenz, charmante petite cité balnéaire, sur la rive sud du lac de Constance. Le moment le plus agréable de la journée : Après avoir longé le lac, nous déjeunons d’une salade sur la terrasse d’un restaurant traditionnel, au bord de l’eau. Puis autoroute, interminable, et arrivée chaotique à Munich, où Floriane, fatiguée, peine à rejoindre le parking de l’hôtel. L’après-midi se termine par une visite rapide du centre-ville, et dîner de sandwiches dans la chambre, où je découvre avec accablement les photos prises par Flo à Bregenz, sur lesquels Minbl est parfait comme toujours, accompagné d’une vieille tortue quasi chauve. Je pourrais refuser d’être pris en photo, comme les vieilles acrices (et Carmen à la fin de sa vie), mais çà ne changerait rien à la triste réalité. Si les voyages forment la jeunesse, à mon âge ils révèlent l’informe et l’amertume.
15 juillet 2024
En route pour Munich. Partis de Villard vers 9 heures, nous faisons étape pour déjeuner à Berne, après une brève panique car mon téléphone n’étant plus connecté, je ne pouvais pas guider Floriane vers une zone où se garer. Comme toujours, j’imagine aussitôt que tout notre périple va en être gâché, avant de trouver quelques minutes plus tard le paramètre de rooming qui résout le problème. Un effet de plus de la vieillesse : le moindre imprévu me bouleverse. A Zurich, nous prenons un tram à la porte de l’hôtel qui nous conduit à la gare, et après la halte traditionnelle à l’office de tourisme, nous parcourons au rythme de Flo les quais et les ruelles de la vieille ville. Minbl a noté en préparant le voyage qu’il y avait de nombreux musées intéressants, et un pavillon construit par Le Corbusier, et envisage de revenir pour les découvrir. Il me faudra le lui rappeler et le convaincre de fixer une date pas trop lointaine : la vieillesse encore, qui me rend plus impatient que jamais, persuadé que nous n’avons que peu de temps devant nous, quand lui semble nous croire éternels...
14 juillet 2024
Trump a échappé à un attentat : Cette fois, à moins d’un miracle, nous n’échapperons pas à son élection.
En France, "Huguette Bello refuse l’offre d’être premier ministre", titre Le Monde Cette fois, la gauche touche le fond, en affectant de désigner une inconnue pour un rôle dont tout le monde a bien compris qu’il ne peut in fine que revenir à la droite (unie ou non avec le parti fasciste, c’est la seule incertitude qui demeure). Comment prendre au sérieux l’ambition de gouverner d’un mouvement qui se complait dans une telle mascarade, comme il tolère les provocations de Mélenchon ?
Hier, longuement parlé avec Ginette, qui revit à la perspective de retrouver un chien : on va lui en livrer un samedi prochain, un bébé de trois mois. Nous sommes fascinés par sa facilité à accomplir des démarches longues et complexes avec son seul téléphone et le courrier postal. Elle m’explique qu’elle a longtemps hésité, mais que la vie n’avait pour elle plus d’intérêt sans la compagnie d’un chien, et que son infirmière lui a promis qu’elle en prendrait soin "si elle devait être hospitalisée". Elle nous fera envoyer par sa voisine des photos de son nouveau compagnon, et m’a suggéré que nous lui rendions une prochaine visite, ce que j’ai promis pour la rentrée. L’énergie qui habite cette femme est tout à fait extraordinaire.
Demain, nous partons pour Munich via Zurich, parenthèse bienvenue dans un séjour qui, sans être jusqu’ici aussi éprouvant que celui de l’an dernier, n’est décidément plus du tout la source de plaisir qu’il fut si longtemps autrefois.
En France, "Huguette Bello refuse l’offre d’être premier ministre", titre Le Monde Cette fois, la gauche touche le fond, en affectant de désigner une inconnue pour un rôle dont tout le monde a bien compris qu’il ne peut in fine que revenir à la droite (unie ou non avec le parti fasciste, c’est la seule incertitude qui demeure). Comment prendre au sérieux l’ambition de gouverner d’un mouvement qui se complait dans une telle mascarade, comme il tolère les provocations de Mélenchon ?
Hier, longuement parlé avec Ginette, qui revit à la perspective de retrouver un chien : on va lui en livrer un samedi prochain, un bébé de trois mois. Nous sommes fascinés par sa facilité à accomplir des démarches longues et complexes avec son seul téléphone et le courrier postal. Elle m’explique qu’elle a longtemps hésité, mais que la vie n’avait pour elle plus d’intérêt sans la compagnie d’un chien, et que son infirmière lui a promis qu’elle en prendrait soin "si elle devait être hospitalisée". Elle nous fera envoyer par sa voisine des photos de son nouveau compagnon, et m’a suggéré que nous lui rendions une prochaine visite, ce que j’ai promis pour la rentrée. L’énergie qui habite cette femme est tout à fait extraordinaire.
Demain, nous partons pour Munich via Zurich, parenthèse bienvenue dans un séjour qui, sans être jusqu’ici aussi éprouvant que celui de l’an dernier, n’est décidément plus du tout la source de plaisir qu’il fut si longtemps autrefois.
13 juillet 2024
Première balade à vélo, rien que nous deux, jusqu’à Morez. Notre café habituel est fermé. Longue pause au "Kiosque", d’où nous observons la fête foraine installée sur la grand-place, assez sinistre car presque sans public. Sur le versant de la vallée qui domine la place, une enseigne en lettres blanches "MOREZ", sur le modèle d’Hollywood. Elle jouxte un immeuble HLM disgracieux qui naguère était dissimulé par les arbres. Leur coupe remonte déjà à plusieurs années, mais l’impression demeure celle d’un paysage dévasté par un cataclysme.
12 juillet 2024
A Villard depuis avant-hier. Bien que temps soit à la pluie, nous avons pu faire des promenades à pied, jusqu’à la Rixouse en passant par la gare, et hier notre circuit habituel jusqu’aux Mouillées. La cohabitation avec Flo est toujours source de malaise, mais je sais d’expérience qu’il en ira autrement la semaine prochaine, lorsque nous voyagerons, loin de la maison et du chat...
9 juillet 2024
Hier soir, vu en DVD Le champ des possibles, film brésilien de 2023, candidat aux Oscars (!). L’histoire est simple : Un flic condamné pour avoir commis une bavure, archétype du macho brésilien homophobe, part à l’autre bout du pays, à la recherche d’une femme mystérieuse dont il est tombé amoureux sur une appli de rencontres. Quand il découvre que c’est un travesti, il se retient de justesse de le massacrer, puis, en mâle dominant, baise brièvement le jeune garçon, avant que chacun reparte vers son univers, l’un sa caserne, l’autre sans doute les tapins de Rio.
Ce scénario minimaliste donne lieu à un interminable roadmovie, dans des paysages désertiques filmés sans grâce (aux antipodes de Bagdad Café), aussi laids que les personnages qui l’habitent, tous prisonniers des traditions familiales et religieuses. Sans doute cet univers archaïque est-il le reflet de la réalité brésilienne, mais cela n’a rien d’une découverte, et on distingue mal l’intention du cinéaste, sauf peut-être dire son propre désespoir ?
La veille, nous avions vu un bien meilleur film, Winter break, d’Alexander Payne, sorti aussi en 2023. L’action est située pendant les vacances de Noël 1969, dans un pensionnat pour garçons de familles aisées de la Nouvelle Angleterre, et à l’opposé du précédent, le paysage hivernal est filmé avec soin et un souci esthétique évident, pour souligner l’isolement du lieu. Les deux héros sont un des élève, Angus, à qui sa mère a annoncé in extremis qu’il ne pourrait pas la rejoindre pour passer les fêtes, et un professeur d’humanités que son directeur a désigné pour assurer la garde de l’adolescent. Le garçon, grand échalas un peu gauche, est brillant mais frondeur, sans cesse à la merci du renvoi pour ses provocations. Le prof, Mr Hunham, est un célibataire timide, taciturne et pédant, honni de ses élèves, qu’il juge avec sévérité et prend plaisir à accabler de ses sarcasmes. Pendant les dix jours qu’ils devront partager dans la grande bâtisse déserte et glacée, ils auront pour seuls compagnons l’homme de ménage et Mary, la cuisinière de l’établissement. Au fil des jours, on découvre que tous souffrent de blessures secrètes et douloureuses. Mary, énorme mama noire, est dévastée par la mort de son fils, brillant élève du collège qui, n’ayant pu échapper à la conscription, vient d’être tué au Vietnam. Le père d’Angus, atteint de démence, est en asile psychiatrique, et sa mère est partie en voyage avec son nouveau compagnon. Quant à Mr Hunham, il affecte d’adorer vivre dans ce collège où il fut élève avant d’y enseigner, mais on comprend qu’un diplôme usurpé le prive de tout espoir de promotion.
Nous avons pris beaucoup de plaisir au récit de ce huis-clos, conduit avec subtilité, tendresse et drôlerie, qui pousse les héros à se dévoiler et finalement s’entraider.
Depuis ce matin, la rue Charles Moureu est barrée à hauteur de l’entrée du lycéee, et nous observons avec amusement les innombrables voitures qui, sans apercevoir le panneau, doivent faire demi-tour après s’être engagées dans le nouveau sens interdit.
Ce scénario minimaliste donne lieu à un interminable roadmovie, dans des paysages désertiques filmés sans grâce (aux antipodes de Bagdad Café), aussi laids que les personnages qui l’habitent, tous prisonniers des traditions familiales et religieuses. Sans doute cet univers archaïque est-il le reflet de la réalité brésilienne, mais cela n’a rien d’une découverte, et on distingue mal l’intention du cinéaste, sauf peut-être dire son propre désespoir ?
La veille, nous avions vu un bien meilleur film, Winter break, d’Alexander Payne, sorti aussi en 2023. L’action est située pendant les vacances de Noël 1969, dans un pensionnat pour garçons de familles aisées de la Nouvelle Angleterre, et à l’opposé du précédent, le paysage hivernal est filmé avec soin et un souci esthétique évident, pour souligner l’isolement du lieu. Les deux héros sont un des élève, Angus, à qui sa mère a annoncé in extremis qu’il ne pourrait pas la rejoindre pour passer les fêtes, et un professeur d’humanités que son directeur a désigné pour assurer la garde de l’adolescent. Le garçon, grand échalas un peu gauche, est brillant mais frondeur, sans cesse à la merci du renvoi pour ses provocations. Le prof, Mr Hunham, est un célibataire timide, taciturne et pédant, honni de ses élèves, qu’il juge avec sévérité et prend plaisir à accabler de ses sarcasmes. Pendant les dix jours qu’ils devront partager dans la grande bâtisse déserte et glacée, ils auront pour seuls compagnons l’homme de ménage et Mary, la cuisinière de l’établissement. Au fil des jours, on découvre que tous souffrent de blessures secrètes et douloureuses. Mary, énorme mama noire, est dévastée par la mort de son fils, brillant élève du collège qui, n’ayant pu échapper à la conscription, vient d’être tué au Vietnam. Le père d’Angus, atteint de démence, est en asile psychiatrique, et sa mère est partie en voyage avec son nouveau compagnon. Quant à Mr Hunham, il affecte d’adorer vivre dans ce collège où il fut élève avant d’y enseigner, mais on comprend qu’un diplôme usurpé le prive de tout espoir de promotion.
Nous avons pris beaucoup de plaisir au récit de ce huis-clos, conduit avec subtilité, tendresse et drôlerie, qui pousse les héros à se dévoiler et finalement s’entraider.
Depuis ce matin, la rue Charles Moureu est barrée à hauteur de l’entrée du lycéee, et nous observons avec amusement les innombrables voitures qui, sans apercevoir le panneau, doivent faire demi-tour après s’être engagées dans le nouveau sens interdit.
8 juillet 2024
Divine surprise hier soir, la victoire de la gauche au deuxième tour. Amusant d’observer, y-compris sur Arte, le désarroi des journalistes qui n’avaient pas un instant envisagé une telle issue. Pour être honnête, nous n’y croyions pas vraiment nous-mêmes, ce qui montre que nous ne sommes pas aussi résistants à la propagande que nous aimerions le croire. Au demeurant le catéchisme macroniste ne désarme pas, et les commentateurs s’interrogent tous maintenant sur les "risques" que courrait le pays de devenir ingouvernable. Je verrais plutôt dans cette situation une chance de voir enfin la gestion autocratique de Macron contrôlée par le pouvoir parlementaire, et la perspective d’un gouvernement "gérant les affaires courants" me réjouit au plus haut point.
Il reste que le soulagement d’avoir échappé à un régime fasciste ne doit pas nous faire oublier que le RN a encore gagné beaucoup de terrain, qu’il va poursuivre plus que jamais sa conquête des esprits, et qu’il dispose pour le faire d’une énorme force de frappe médiatique.
Demain, nous bouclerons nos valises pour Villard, en y glissant le DVD du "Chagrin et la pitié", dont on pourrait rêver qu’Arte le rediffuse... mais ce n’est qu’un rêve.
Il reste que le soulagement d’avoir échappé à un régime fasciste ne doit pas nous faire oublier que le RN a encore gagné beaucoup de terrain, qu’il va poursuivre plus que jamais sa conquête des esprits, et qu’il dispose pour le faire d’une énorme force de frappe médiatique.
Demain, nous bouclerons nos valises pour Villard, en y glissant le DVD du "Chagrin et la pitié", dont on pourrait rêver qu’Arte le rediffuse... mais ce n’est qu’un rêve.
6 juillet 2024
Hier, la conversation avec Brigitte, la pédicure, passe rapidement de la météo et des projets de vacances au résultat des élections. Elle s’inquiète du "risque" d’un gouvernement de coalition entre Macron et la gauche, sur quoi je la rassure, par l’évidence de sa proximité avec l’extrème-droite. Elle me rapporte alors l’analyse par une "spécialiste" du profil psychiatrique de Macron, qu’elle définit comme un "pervers narcissique psychopathe" ! Ce genre de propos doit circuler sur les réseaux lepénistes... Minbl, qui est passé le premier entre ses mains, a été plus habile, en mentionnant dès l’abord que dans notre quartier, Sandrine Rousseau a été élue au premier tour, et que cela lui semble une bonne chose : elle a très vite changé de sujet.
Le plus décourageant aujourd’hui est de constater le succès remporté par l’offensive idéologique générale de l’extrème-droite grâce aux médias et aux réseaux sociaux, qui désormais lui sont quasiment tous inféodés. Il va falloir se défaire de la conviction, qui était la notre jusqu’ici, que les peuples développent une réaction immunitaire à la propagande, comme c’était le cas jadis dans le bloc de l’Est. Et peut-être n’avons-nous pas pris la mesure de la puissance conjuguée des empires économiques qui, partout, poussent à la guerre, dont l’installation de régimes fascistes est le prélude.
Le plus décourageant aujourd’hui est de constater le succès remporté par l’offensive idéologique générale de l’extrème-droite grâce aux médias et aux réseaux sociaux, qui désormais lui sont quasiment tous inféodés. Il va falloir se défaire de la conviction, qui était la notre jusqu’ici, que les peuples développent une réaction immunitaire à la propagande, comme c’était le cas jadis dans le bloc de l’Est. Et peut-être n’avons-nous pas pris la mesure de la puissance conjuguée des empires économiques qui, partout, poussent à la guerre, dont l’installation de régimes fascistes est le prélude.
4 juillet 2024
Hier, Un appel de Ginette m’a beaucoup attristé : Elle est en plein désarroi. Elle m’a longuement détaillé ses démarches pour retrouver un chien, qui n’aboutiront pas avant le mois d’octobre. Elle a consulté la SPA, en vain : ils n’ont que de gros chiens. Elle se désespère de sa solitude, dit réaliser que "sa vie est derrière elle" et ne plus trouver de sens à ce qu’elle est aujourd’hui. Au détour d’une phrase, elle mentionne avoir terminé le roman qui l’occupait tant ces derniers mois, et ne pas envisager pour le moment d’en commencer un autre, faute d’inspiration, et de ruban pour alimenter sa machine à écrire. Son ami Robert part en vacances pour un mois, elle n’aura donc plus la compagnie du petit chien dont il lui confie régulièrement la garde. Pour la première fois, je l’ai sentie vraiment sentie désemparée, d’autant plus que ses essoufflements persistent, malgré le traitement par aérosol. Je ne sais si nous la reverrons : La dernière fois remonte à octobre, et je pressens qu’elle est toujours réticente à une visite...
2 juillet 2024
Hier, dernière visite à MB avant les vacances. Avaler une gorgée de café lui arrache toujours des cris de douleur, mais la victoire fasciste aux élections les lui ferait presque oublier. Sa seule source d’indignation sont les manifestations de colère de la gauche "qui montre bien par là qu’elle ne respecte pas les règles de la démocratie". Elle s’inquiète aussi du risque d’affrontements violents dans les semaines à venir, auxquels la police risque de ne pouvoir faire face, faute de moyens suffisants, et par-ce-que mobilisée sur les fronts des JO et de la Nouvelle-Calédonie. A l’appui de cette crainte, une interview d’un syndicat policier sur BFM. Notre échange sur ces questions tourne court quand je lui fais entendre clairement ma détestation et mon dégoût de voir triompher cette bande d’escrocs racistes et opportunistes qui se déguise en guides respectables pour séduire des électeurs désespérés. Nous éviterons désormais de parler de politique.
30 juin 2024
J’ai beau me répéter que notre non-participation au vote ne change rien à son issue, je ressens une vague culpabilité, et surtout une véritable inquiétude. Deux lectures aujourd’hui l’ont confortée : Dans le Monde Diplo, dont la quasi-totalité est consacrée à ce scrutin et aux périls qu’elle annonce, une chronique de François Bégaudeau sur la série La fièvre, produite par Canal+, et une interview de Boris Cyrulnikdans La Tribune, qui détaille le parallèle entre la situation actuelle et celle des des années 30.
29 juin 2024
Un peu déçu par la lecture des portes de la perception de Huxley, dont j’attendais trop sans doute. Le texte est court, et les effets produits par la mescaline relatés avec peu de détails. L’accent est mis sans cesse sur le caractère mystique qu’il prête aussitôt à cette expérience. La drogue, selon lui ouvre une porte vers un état de communion avec la création, au même titre que peut le faire l’exercice de la méditation. Seules deux de ses remarques recoupent ce qui me reste de ma propre expérience : La première est la disparition des repères d’espace et de temps (les notions de distance et de durée semblent abolies, donnant accès à une impression d’éternité). La seconde est l’impression permanente, sous l’influence du produit, d’accéder à un niveau de perception beaucoup plus large que la perception ordinaire, laquelle n’en serait qu’un reflet très incomplet. Il avance pour explication le fait que nos sens captent beaucoup plus que nous l e croyons, mais qu’un filtre ne nous en délivre que ce qui est nécessaire à notre survie. La drogue, agissant sur les neurones qui opèrent ce filtrage, lève en quelque sorte une censure inconsciente. Pour le reste, ce texte que j’imaginais comme un compte-rendu expérimental, relève d’une approche religieuse plutôt que scientifique. Du reste, les textes qui suivent celui-ci dans le petit volume 10/18 sont tous consacrés à la métaphysique des religions orientales.
28 juin 2024
Terrible déconvenue hier soir en regardant les deux derniers épisodes d’une série qui nous avait beaucoup plu jusque-là, Nona et ses filles. Miou-miou y campe avec beaucoup de talent une femme de 75 ans qui découvre qu’elle est enceinte. Directrice d’un centre de planning familial, elle a gardé des années 70 la morale baba-cool de sa jeunesse, revendiquant féminisme et indépendance d’esprit. Elle est entourée de ses trois filles, nées triplées il y a quarante ans, dont l’une, éternelle étudiante, n’a jamais quitté la maison, et d’un amant secret, Michel Vuillermoz. L’appartement en duplex, dont on menace de les expulser, est resté tel qu’à l’origine (paille aux murs, guéridons, affiches, saturé d’objets-souvenirs). Les sept premiers épisodes (de 25 minutes) sont traités avec distance, humour, et une saine désinvolture à l’égard de la vraisemblance. Ainsi le mystère d’une fertilité aussi tardive se double d’une lueur rouge (à la manière du doigt de E.T.) qui sourd du ventre de la future mère.
Et puis… soudain, les derniers épisodes basculent dans la tragédie et le convenu. 25 minutes entièrement consacrées à l’accouchement, puis Miou-Miou meurt, et final en apothéose avec son enterrement et tous les clichés sur la famille en larmes, le bébé qui assurera la relève et la vie qui continue. A court d’idées pour trouver une chute ? Le mystère de la lumière rouge n’est plus évoqué que par un dernier plan grotesque de travelling vers le ciel où surgit un ballon rouge. Comme si un comité de censure catho-tradi venait de découvrir avec effroi le début de l’histoire et, assez rigolé, contraint les scénaristes à bâcler une fin ultra-consensuelle.
A l’avant-veille des élections, les TV et l’ensemble des médias affectent de « comparer les programmes », démarche généralement absurde, tant l’expérience démontre que les programmes ne sont jamais appliqués, mais plus absurde encore cette fois-ci, tant le choix se résume à deux options claires : populisme à base de chasse aux immigrés et de retour aux valeurs de la France de Vichy, contre redistribution des richesses. Entre les deux, un « centre » tout disposé à collaborer avec les premiers, en parfait consensus sur l’obéissance aux « lois du marché ».
Et puis… soudain, les derniers épisodes basculent dans la tragédie et le convenu. 25 minutes entièrement consacrées à l’accouchement, puis Miou-Miou meurt, et final en apothéose avec son enterrement et tous les clichés sur la famille en larmes, le bébé qui assurera la relève et la vie qui continue. A court d’idées pour trouver une chute ? Le mystère de la lumière rouge n’est plus évoqué que par un dernier plan grotesque de travelling vers le ciel où surgit un ballon rouge. Comme si un comité de censure catho-tradi venait de découvrir avec effroi le début de l’histoire et, assez rigolé, contraint les scénaristes à bâcler une fin ultra-consensuelle.
A l’avant-veille des élections, les TV et l’ensemble des médias affectent de « comparer les programmes », démarche généralement absurde, tant l’expérience démontre que les programmes ne sont jamais appliqués, mais plus absurde encore cette fois-ci, tant le choix se résume à deux options claires : populisme à base de chasse aux immigrés et de retour aux valeurs de la France de Vichy, contre redistribution des richesses. Entre les deux, un « centre » tout disposé à collaborer avec les premiers, en parfait consensus sur l’obéissance aux « lois du marché ».
27 juin 2024
Retour sur le film vu hier soir : La fiancée du poète, de Yolande Moreau . Elle y tient le rôle principal, entourée de partenaire attachants : William Sheller en vieux curé folle en soutane, qui promène ses chiens de luxe le long du canal et joue du ABBA sur l’orgue de l’église, Grégory Gadebois en jardinier travesti , et le chanteur Esteban en faux cow-boy turc . L’histoire, qui ne ptétend pas au réalisme, semble bricolée autour d’une ancienne dealeuse, amoureuse pour son malheur d’un plombier-escroc faux poète (Sergi Lopez, vingt ans après Harry, un ami.. et beaucoup de kilos en plus). Le cadre est celui d’une grande bâtisse bourgeoise à l’abandon, sur les bords de la Meuse. Le ton général est celui d’une fête pour oublier la dérive joyeuse qui habite tous les personnages. Comme jadis La mer monte, ce film nous a charmés.
Ce matin, visite-découverte du musée des mathématiques, la Maison Poincaré, située dans le campus de l’Institut Curie. Nouvellement créé, ce lieu entend explorer, de manière abordable pour tous, les domaines d’études et les applications des mathématiques, à travers des démos souvent interactives, et quelques objets emblématiques et spectaculaires, comme un double pendule, générant un mouvement chaotique, des volumes complexes, et quelques exemples historiques de machines à calculer. Dans une amphi reconstitué des années 50, vu un film qui regroupe les témoignages d’une dizaine de mathématiciens de différentes spécialités. On est frappé par la modestie, qui ne semble pas feinte, avec laquelle ils tentent d’expliquer de manière simple leur travail de recherche, ainsi que les doutes et les joies qu’ils en éprouvent. L’une des plus âgées d’entre eux confie qu’elle apprécie beaucoup d’être toujours en position d’apprendre, ce qui fait d’elle une éternelle étudiante.
Ce matin, visite-découverte du musée des mathématiques, la Maison Poincaré, située dans le campus de l’Institut Curie. Nouvellement créé, ce lieu entend explorer, de manière abordable pour tous, les domaines d’études et les applications des mathématiques, à travers des démos souvent interactives, et quelques objets emblématiques et spectaculaires, comme un double pendule, générant un mouvement chaotique, des volumes complexes, et quelques exemples historiques de machines à calculer. Dans une amphi reconstitué des années 50, vu un film qui regroupe les témoignages d’une dizaine de mathématiciens de différentes spécialités. On est frappé par la modestie, qui ne semble pas feinte, avec laquelle ils tentent d’expliquer de manière simple leur travail de recherche, ainsi que les doutes et les joies qu’ils en éprouvent. L’une des plus âgées d’entre eux confie qu’elle apprécie beaucoup d’être toujours en position d’apprendre, ce qui fait d’elle une éternelle étudiante.
26 juin 2024
Retour sur le film que nous avons regardé avant-hier, Rose, d’Aurélie Saada (ex Brigitte), avec Françoise Fabian, magnifique dans le rôle d’une femme âgée dont le mari meurt. Après une longue période de désarroi, elle reprend goût à la vie, au grand dam de sa famille. Le thème est très semblable à celui de La vieille femme indigne, à la différence que la famille est juive, mais tout aussi dysfonctionnelle.
Nouvelle visite à Michèle, pour compléter la réinstallation de Windows sur son ordi. Elle joue à se faire peur en affectant de ne pas être sûre de la victoire du FN , et elle s’indigne que les enseignants envisagent de manifester (« ils ont le vote pour s’exprimer… »).
Nouvelle visite à Michèle, pour compléter la réinstallation de Windows sur son ordi. Elle joue à se faire peur en affectant de ne pas être sûre de la victoire du FN , et elle s’indigne que les enseignants envisagent de manifester (« ils ont le vote pour s’exprimer… »).
24 juin 2024
De bonnes nouvelles de Bruno, qui vient de voir son phlébologue : il ne court pas de risque de phlébite. Hier, il avait annulé le déjeuner où il nous avait confié avec Patrick, après avoir passé la journée de samedi aux urgences de St Antoine, où, il n’y a pas d’équipement pour les échographies-doppler des jambes !
Hier, nous avons donc déjeuné avec Patrick au Pho 13, et pris le café (avec un gâteau crémeux) à la terrasse de la pâtisserie japonaise de l’avenue de Choisy.
Bref retour sur notre escapade à Roscoff, dont nous sommes revenus samedi dans un TGV atlantique à l’ancienne (sièges cassés, places non contigües jusqu’à Rennes). Le séjour a été de bout en bout idyllique : La meilleure chambre de l’Ibis (immense, au RDC, deux grandes fenêtres sur la mer, comme sur un bateau sans le roulis…). Météo la meilleure possible : soleil légèrement voilé, pas de vent et pas de grosse chaleur. Idéal pour nos marches : La presqu’île de Perharidy l’après-midi de notre arrivée, Saint-Pol de Léon et retour le lendemain, et Morlaix en bus le vendredi. Trois dîners sur la terrasse-véranda du restaurant des Arcades, où nous avons retrouvé les artichauts. C’était le dernier petit voyage avant Villard.
Sur le front électoral, la déferlante fasciste se confirme : Macron prépare sa cohabitation-collaboration en faisant de la surenchère sur la sécurité, promettant « plus de fermeté »dans la lutte contre la délinquance. Les média (service public compris, hélas) continuent leur travail de sape en installant la légende d’une gauche antisémite, et du RN meilleur protecteur des juifs ( !)
Visite du lundi à Michèle B., qui s’indigne des « attaques » dont est victime Bardella, dont les adversaires, dit-elle, nourrissent contre lui « des a-priori, sans même vouloir l’écouter ».
Hier, nous avons donc déjeuné avec Patrick au Pho 13, et pris le café (avec un gâteau crémeux) à la terrasse de la pâtisserie japonaise de l’avenue de Choisy.
Bref retour sur notre escapade à Roscoff, dont nous sommes revenus samedi dans un TGV atlantique à l’ancienne (sièges cassés, places non contigües jusqu’à Rennes). Le séjour a été de bout en bout idyllique : La meilleure chambre de l’Ibis (immense, au RDC, deux grandes fenêtres sur la mer, comme sur un bateau sans le roulis…). Météo la meilleure possible : soleil légèrement voilé, pas de vent et pas de grosse chaleur. Idéal pour nos marches : La presqu’île de Perharidy l’après-midi de notre arrivée, Saint-Pol de Léon et retour le lendemain, et Morlaix en bus le vendredi. Trois dîners sur la terrasse-véranda du restaurant des Arcades, où nous avons retrouvé les artichauts. C’était le dernier petit voyage avant Villard.
Sur le front électoral, la déferlante fasciste se confirme : Macron prépare sa cohabitation-collaboration en faisant de la surenchère sur la sécurité, promettant « plus de fermeté »dans la lutte contre la délinquance. Les média (service public compris, hélas) continuent leur travail de sape en installant la légende d’une gauche antisémite, et du RN meilleur protecteur des juifs ( !)
Visite du lundi à Michèle B., qui s’indigne des « attaques » dont est victime Bardella, dont les adversaires, dit-elle, nourrissent contre lui « des a-priori, sans même vouloir l’écouter ».
18 juin 2024
Longue itw de Guy Drut dans Le Monde. Il est membre du CIO Il ne « voit aucune raison que les Jeux de Paris se passent mal avec un gouvernement RN », et rappelle que « les attentats de Munich en 1972 n’ont pas empêché les jeux de se dérouler ». il soutient explicitement l’alliance Ciotti –Bardella.
17 juin 2024
Muni de mes nouvelles lunettes, récupérées ce matin chez « Droit de regard », visite chez Michèle B . qui affecte de s’inquiéter du faux suspense des élections en vue. Sans le dire explicitement, elle jubile visiblement à l’idée de voir bientôt le FN accéder au pouvoir, et joue à se faire peur en évoquant le « risque » pris par Macron de voir les « extrémistes » de LFI remporter l’élection.
16 juin 2024
Patrick nous emmène en voiture déjeuner chez Pierre-Yves et Malika. La maison est restée telle que nous l’avions découverte en il y a trois ans. La pluie nous dispense de déjeuner dans le jardin. Accueil toujours chaleureux, apéritif et repas très copieux et très bons. Sans surprise, la conversation roule beaucoup sur la politique et la menace toute proche, sur quoi tout le monde s’accorde. Patrick dit ne pas avoir aperçu jusqu’ici que Michel Vial était à ce point partisan du FN. On nous présente (furtivement car elle est très timide) la nouvelle enfant de la famille, Maurice, une petite chatte de huit mois, au poil long, tigré de noir et beige, qui semble déjà dicter sa loi à toute la maisonnée…
15 juin 2024
Déjeuner à la crêperie et promenade sur les quais.
Le soir, regardé « mortelle randonnée de Claude Miller (1983). Comme nous ne l’avons pas vu alors, il est difficile de décider si le film a mal vieilli (sauf physiquement, car il est magnifiquement restauré) ou s’il paraissait vieillot dès l’origine. Je penche pour la deuxième hypothèse, à cause du scénario et des dialogues de Michel Audiard, qui reste fidèle à son style de cinéma , celui des années 5O : tape-à-l’œil , bavard (au point que Michel Serrault, aussi brillant soit-il, semble rassasié du texte qu’on lui fait dire), et finalement mortellement ennuyeux. La distribution est pourtant extraordinaire : autour de Serrault et Adjani (dans la splendeur de ses débuts), elle réunit une pléiade de stars (Brialy, Samy Frey, Bouchitey, Stéphane Audran, Macha Méril, Guy Marchand, Geneviève Page) qui ne font que passer en coup de vent dans une histoire (cousue de fil blanc) à laquelle on n’adhère pas une seconde.
Le soir, regardé « mortelle randonnée de Claude Miller (1983). Comme nous ne l’avons pas vu alors, il est difficile de décider si le film a mal vieilli (sauf physiquement, car il est magnifiquement restauré) ou s’il paraissait vieillot dès l’origine. Je penche pour la deuxième hypothèse, à cause du scénario et des dialogues de Michel Audiard, qui reste fidèle à son style de cinéma , celui des années 5O : tape-à-l’œil , bavard (au point que Michel Serrault, aussi brillant soit-il, semble rassasié du texte qu’on lui fait dire), et finalement mortellement ennuyeux. La distribution est pourtant extraordinaire : autour de Serrault et Adjani (dans la splendeur de ses débuts), elle réunit une pléiade de stars (Brialy, Samy Frey, Bouchitey, Stéphane Audran, Macha Méril, Guy Marchand, Geneviève Page) qui ne font que passer en coup de vent dans une histoire (cousue de fil blanc) à laquelle on n’adhère pas une seconde.
14 juin 2024
Visite de contrôle à l’hôpital, un mois et demi après l’opération de la vésicule. Le (jeune et beau) chirurgien qui m’a opéré me rassure à propos du calcul révélé sur le scanner que je lui ai apporté. Il m’explique sur un schéma pourquoi ce calcul a pu lui échapper, et m’assure qu’il y a peu de risque qu’il pose problème, étant donné sa localisation. Il me rassure aussi, comme l’avait fait le radiologue, sur mon pancréas, qui apparait tout–à-fait normal.
12 juin 2024
A 5h30, le journal de France 5 annonce la mort de Françoise Hardy. Deux jours plus tôt, nous avions réécouté plusieurs de ses plus belles chansons (Puisque vous partez en voyage, L a pluie sans parapluie…) sur la nouvelle plateforme de diffusion. Malaise à entendre les circonlocutions employées pour évoquer sans le dire la probable euthanasie dont elle a bénéficié (on peut en tout cas l’espérer). Nous serons bientôt l’un des seuls pays d’Europe à ne pas accepter le droit à choisir sa mort. Faute de pouvoir dire plus, on rappelle avec insistance le combat qu’elle a mené pour que la loi reconnaisse ce droit fondamental. L’obscurantisme et la cruauté aveugle des religieux imposent une fois de plus leur diktat.
Déjeuner au Coche avec Bruno et Patrick, avec qui nous évoquons évidemment le séisme politique déclenché par Macron en dissolvant l’Assemblée Nationale. Visiblement, Bruno a totalement abandonné le soutien qu’il lui accordait, sans pour autant revenir à gauche. L’un comme l’autre (Patrick, fidèle à son tropisme de centriste raisonnable) redoutent l’avènement d’un gouvernement Bardella, mais semblent accepter peu ou prou l’idée que cette expérience pourrait dessiller les yeux des Français et les ramener à la raison (mais laquelle ?). En revanche, ils semblent peu sensibles au risque de voir l’extrême-droite, une fois arrivée aux affaires, s’y installer de manière définitive et liberticide.
Sur le trajet du retour, Patrick confie à Minbl que Moussa a perdu des papiers d’identité importants, ce qui ne lui permet plus de voyager, y-compris au Sénégal, et pourrait compromettre ses démarches pour régulariser sa situation.
Acheté chez Boulanger un nouveau smartphone, moins grand et plus léger que le précédent. Le transfert des données et des applications a été très long (6 heures environ), mais le résultat est parfait. La liaison avec l’ordinateur est très sensiblement améliorée, car on peut désormais accéder sur l’ordi à toutes les applications du smartphone, et les utiliser.
Déjeuner au Coche avec Bruno et Patrick, avec qui nous évoquons évidemment le séisme politique déclenché par Macron en dissolvant l’Assemblée Nationale. Visiblement, Bruno a totalement abandonné le soutien qu’il lui accordait, sans pour autant revenir à gauche. L’un comme l’autre (Patrick, fidèle à son tropisme de centriste raisonnable) redoutent l’avènement d’un gouvernement Bardella, mais semblent accepter peu ou prou l’idée que cette expérience pourrait dessiller les yeux des Français et les ramener à la raison (mais laquelle ?). En revanche, ils semblent peu sensibles au risque de voir l’extrême-droite, une fois arrivée aux affaires, s’y installer de manière définitive et liberticide.
Sur le trajet du retour, Patrick confie à Minbl que Moussa a perdu des papiers d’identité importants, ce qui ne lui permet plus de voyager, y-compris au Sénégal, et pourrait compromettre ses démarches pour régulariser sa situation.
Acheté chez Boulanger un nouveau smartphone, moins grand et plus léger que le précédent. Le transfert des données et des applications a été très long (6 heures environ), mais le résultat est parfait. La liaison avec l’ordinateur est très sensiblement améliorée, car on peut désormais accéder sur l’ordi à toutes les applications du smartphone, et les utiliser.
10 juin 2024
Visité l’expo consacrée par le Musée de Montmartre à Auguste Herbin. Très heureuse surprise : Dans ce quartier vendu au tourisme de masse, où la culture se résume généralement aux faux-peintres de la place du Tertre et aux boutiques de babioles, ce petit Musée qui ne paie pas de mine (sauf par ses magnifiques jardins) fait le choix de la qualité et de l’exigence en consacrant une exposition à ce peintre majeur du XXe siècle très injustement oublié. L’expo, installée sur deux niveaux, est magnifiquement conçue et réalisée. Les œuvres rassemblées, dont beaucoup proviennent de collections privées, illustrent parfaitement toutes les étapes de l’évolution de l’artiste (impressionnisme, fauvisme, cubisme, abstrait géométrique), présentées de manière chronologique, et assorties de commentaires judicieux. Toutes les œuvres sont en parfait état (ou restaurées ?), et correctement éclairées. La seule réserve que l’on pourrait avancer tient à l’exigüité des lieux, qui ne permettent pas de prendre beaucoup de recul, et qui deviennent vite saturés quand les visiteurs sont nombreux. Heureusement, les œuvres les plus récentes sont présentées à l’étage supérieur, moins fréquenté. (Nous avons souvent constaté ce phénomène étrange dans la plupart des musées : la densité des visiteurs décroît avec l’élévation dans les étages…)
Acheté le catalogue de l’expo, qui est aussi un modèle du genre, pour la qualité du contenu et le soin de la réalisation. Toutes les œuvres y sont reproduites.
Acheté le catalogue de l’expo, qui est aussi un modèle du genre, pour la qualité du contenu et le soin de la réalisation. Toutes les œuvres y sont reproduites.
2 juin 2024
Cette nouvelle tentative de journal n’est peut-être pas une bonne idée, puisque toutes les précédentes (innombrables, depuis mon plus jeune âge…) n’ont jamais duré bien longtemps, mais aujourd’hui une raison nouvelle m’y pousse : De manière manifeste, ma mémoire se dégrade. Pas (encore ?) de manière catastrophique, mais indéniable : Je cherche souvent longuement des mots très courants, des noms propres en particulier, et je dois m’astreindre, pour certains, qui s’obstinent à se dérober, à des exercices mnémotechniques répétés : ainsi pour retenir les noms des rues environnantes : La rue Baudricourt, par exemple, qui ne me revenait jamais, est convoquée par l’adjectif « beau », et le cyclamen par le vélo…
Peut-être puis-je donc attendre de ce journal, au mieux qu’il m’aide à entraver cette dégradation mémorielle, en renforçant l’imprégnation des souvenirs par le fait même de les énoncer, au pire qu’il illustre et mesure au fil des mois l’évolution du mal !
J’ose à peine en espérer un autre effet, qui pourrait combattre une autre mal édiction qui m’empoisonne depuis toujours : l’autocensure. Peut-être cet exercice d’écriture quotidien, si je peux m’y tenir, me permettra-t-il peu à peu de vaincre cette extrême réserve qui corsette aussi bien mes écrits que ma conversation. L’effort quotidien d’exprimer des pensées, des émotions, m’aidera peut-être à briser cette timidité d’expression, cette inclination spontanée à la bienséance, qui sont en totale contradiction avec la violence, la révolte le goût du blasphème, de la médisance et de la provocation dont je suis sans cesse habité ? A cet effet, je m’efforcerai de consigner les récits de mes rêves, aussi souvent que possible.
J’aperçois enfin une dernière motivation possible à ce besoin ressenti de fixer autant que je peux le fil du temps. Elle tient aux temps que nous traversons, à cette atmosphère d’avant-guerre qui s’installe chaque jour davantage. La perspective des bouleversements qui s’annoncent (climatiques, politiques, géostratégiques) m’invite à en tenir chronique, et à consigner les réflexions qu’ils m’inspirent, ainsi que mes réactions à l’évolution des modes de vie liés à la révolution des réseaux sociaux. J’aimerais ainsi garder une trace des probables futures évolutions de mon analyse sur toutes ces questions.
Pour résumer en quelques traits ce qui me préoccupe le plus en ce moment, je commencerai par l’obsession guerrière qui imprègne le discours public. On semble se réjouir de voir croître partout les budgets d’armement, et les guerres en cours à nos portes, en Europe centrale comme au Proche-Orient, sont moins vues comme des catastrophes et des menaces auxquelles il faudrait d’urgence trouver des solutions négociées, que comme des fléaux inévitables légitimés par la nécessité de se défendre.
Ainsi le parti-pris général pour le soutien à l’Ukraine, et l’escalade de l’engagement occidental pour affronter la Russie sont donnés comme allant de soi, sans jamais évoquer le risque suicidaire qu’ils représentent.
Je remarque aussi que les symboles guerriers (drapeaux, hymnes …) sont toujours représentés comme de simples signes de ralliement allant de soi, jamais comme des signes agressifs de nationalisme d’esprit de corps ou de clocher (exception faite des drapeaux algériens dans les stades ou palestiniens au parlement, considérés comme des provocations insupportables). Les Jeux Olympiques sont l’illustration la plus pure du goût affirmé pour ces fanfaronnades guerrières, avec le grotesque rituel de flamme voyageuse, dont on se garde de rappeler qu’il a été inventé par les nazis lors de jeux de Berlin en 1936.
Cette ambiance de va-t-en-guerre est à rapprocher de l’usage croissant de la censure, dont l’exemple le plus manifeste est le renvoi par France-Inter de Guillaume Maurice pour sa jolie formule de « nazi sans prépuce » désignant Nétanyahu. L’esprit militaire et l’humour ne font pas bon ménage. Il est fort probable, pourtant, que les centaines de milliers d’Israéliens défilant quotidiennement pour le désavouer souscrivent à cette définition. Là encore, le discours médiatique assimile de manière obsessive l’opposition à Nétanyau à l’antisémitisme. Sur ce chapitre, la gauche française serait bien inspirée aussi de clarifier son discours à propos du Hamas, dont il apparaît clairement qu’il traite la population de Gaza avec la même compassion que les troupes de Tsahal…
Peut-être puis-je donc attendre de ce journal, au mieux qu’il m’aide à entraver cette dégradation mémorielle, en renforçant l’imprégnation des souvenirs par le fait même de les énoncer, au pire qu’il illustre et mesure au fil des mois l’évolution du mal !
J’ose à peine en espérer un autre effet, qui pourrait combattre une autre mal édiction qui m’empoisonne depuis toujours : l’autocensure. Peut-être cet exercice d’écriture quotidien, si je peux m’y tenir, me permettra-t-il peu à peu de vaincre cette extrême réserve qui corsette aussi bien mes écrits que ma conversation. L’effort quotidien d’exprimer des pensées, des émotions, m’aidera peut-être à briser cette timidité d’expression, cette inclination spontanée à la bienséance, qui sont en totale contradiction avec la violence, la révolte le goût du blasphème, de la médisance et de la provocation dont je suis sans cesse habité ? A cet effet, je m’efforcerai de consigner les récits de mes rêves, aussi souvent que possible.
J’aperçois enfin une dernière motivation possible à ce besoin ressenti de fixer autant que je peux le fil du temps. Elle tient aux temps que nous traversons, à cette atmosphère d’avant-guerre qui s’installe chaque jour davantage. La perspective des bouleversements qui s’annoncent (climatiques, politiques, géostratégiques) m’invite à en tenir chronique, et à consigner les réflexions qu’ils m’inspirent, ainsi que mes réactions à l’évolution des modes de vie liés à la révolution des réseaux sociaux. J’aimerais ainsi garder une trace des probables futures évolutions de mon analyse sur toutes ces questions.
Pour résumer en quelques traits ce qui me préoccupe le plus en ce moment, je commencerai par l’obsession guerrière qui imprègne le discours public. On semble se réjouir de voir croître partout les budgets d’armement, et les guerres en cours à nos portes, en Europe centrale comme au Proche-Orient, sont moins vues comme des catastrophes et des menaces auxquelles il faudrait d’urgence trouver des solutions négociées, que comme des fléaux inévitables légitimés par la nécessité de se défendre.
Ainsi le parti-pris général pour le soutien à l’Ukraine, et l’escalade de l’engagement occidental pour affronter la Russie sont donnés comme allant de soi, sans jamais évoquer le risque suicidaire qu’ils représentent.
Je remarque aussi que les symboles guerriers (drapeaux, hymnes …) sont toujours représentés comme de simples signes de ralliement allant de soi, jamais comme des signes agressifs de nationalisme d’esprit de corps ou de clocher (exception faite des drapeaux algériens dans les stades ou palestiniens au parlement, considérés comme des provocations insupportables). Les Jeux Olympiques sont l’illustration la plus pure du goût affirmé pour ces fanfaronnades guerrières, avec le grotesque rituel de flamme voyageuse, dont on se garde de rappeler qu’il a été inventé par les nazis lors de jeux de Berlin en 1936.
Cette ambiance de va-t-en-guerre est à rapprocher de l’usage croissant de la censure, dont l’exemple le plus manifeste est le renvoi par France-Inter de Guillaume Maurice pour sa jolie formule de « nazi sans prépuce » désignant Nétanyahu. L’esprit militaire et l’humour ne font pas bon ménage. Il est fort probable, pourtant, que les centaines de milliers d’Israéliens défilant quotidiennement pour le désavouer souscrivent à cette définition. Là encore, le discours médiatique assimile de manière obsessive l’opposition à Nétanyau à l’antisémitisme. Sur ce chapitre, la gauche française serait bien inspirée aussi de clarifier son discours à propos du Hamas, dont il apparaît clairement qu’il traite la population de Gaza avec la même compassion que les troupes de Tsahal…
23 juillet 2023
Le reproche fait à ChatGPT de pouvoir tenir des propos racistes ou de donner des conseils inappropriés peut sembler étrange : Ces comportements ne peuvent constituer un danger que pour le cas où on lui accorderait un statut de conseiller infaillible et digne de confiance. On ne se formaliserait pas des mêmes propos dans la bouche d’un interlocuteur humain, puisqu’ils sont communément formulés.. Toute la question consiste donc à décider du niveau de confiance que l’on accordera à l’IA
1er juillet 2022
Il y a quelques semaines, un clip pour la campagne électorale du « mouvement pour la ruralité » nous avait laissés perplexes et vaguement inquiets : au-delà d’un style outrageusement kitsch, nous nous interrogions sur l’écho que pouvait rencontrer cette célébration passéiste des traditions paysannes, qui montrait la population rurale comme un groupe d’arriérés vosciforants, aux antipodes de la propagande habituelle, ou des agriculteurs souriants, modernes et experts en technologies surveillent leurs cultures par satellite. Quelle part la réalité emprunte-elle à ces deux clichés ? Un épisode assez désagréable de notre voyage pour Villard est venu compléter notre réflexion sur la question.
Tout juste descendus du TGV à Dole, et cherchant en vain le TER pour Saint-Claude qui d’ordinaire est alors déjà à quai, nous découvrons qu’il est attendu par une horde bruyante d’une centaine de personnes. Un groupe de promeneurs sans valises, en balade pour la journée sous la conduite d’un animateur aux cheveux blancs, tous résidents des environs, comme le trahit l’accent franc-comtois. L’arrivée du train confirme ce que nous redoutions : Il ne comprend qu’une seule voiture, alors que généralement, il y en a deux, pour une poignée de passagers. Comme prévu, le train est pris d’assaut dès l’ouverture des portes, au point que l’équipage doit protester bruyamment pour se frayer un passage. Nous nous précipitons aussi vers l’avant de la voiture, précédés par les deux seuls autres voyageurs « normaux » : une femme munie d’un lourd sac à dos et un garçon d’une vingtaine d’années qui s’installent face à nous dans un bloc de quatre sièges. A peine sommes-nous assis que le chef du groupe surgit furieux pour tenter de nous déloger, puisque cette partie du train, dit-il, est réservée pour son groupe, « comme devaient l’indiquer des étiquettes qui auraient dû être disposées sur les sièges ». Comme nous ne bougeons pas, et que notre compagne randonneuse confirme d’une voix tranquille que rien ne nous fera partir, il interpelle la contrôleuse, laquelle l’invite au calme et au respect des voyageurs. Il bat en retraite en prenant les siens à témoin de notre incivilité. Deux minutes plus tard, alors que le train va partir, on entend crachoter une sono portative, puis sa voix saturée égrenant une longue série de « un deux, un deux trois, un deux, test, test, un deux trois ».
Alors que le train s’ébranle, son préambule nous révèle qu’il conduit un groupe réuni par l’office de tourisme local, dont il est l’un des responsables - bénévole, souligne t-t-il – et que nous aurons la chance de bénéficier tout au long du voyage de son commentaire sur les paysages traversés. Aussitôt nos deux compagnons augmentent le volume des écouteurs déjà enfoncés dans leurs oreilles. Faute d’une telle protection, nous échangeons un regard accablé, tandis que notre conférencier entame un exposé sur la géographie de la zone, l’histoire de la ligne de chemin de fer, et les ressources (« incomparables ») de la contrée.
Tout y est magnifique : les forêts les plus vastes, les vaches les plus généreuses, les fromages et les vins extraordinaires, connus et célébrés dans le monde entier. La région abrite même le plus vieux cerf d’Europe, vieux d’une quinzaine d’années, soigneusement épargné par « nos amis les chasseurs » (dont chacun sait l’amour qu’ils portent aux animaux).
Dans ce catalogue des richesses locales, les ressources culturelles ne sont pas en reste : Il rend hommage à un écrivain régional nonagénaire, auteur entre autres chefs-d’œuvres, d’une passionnante biographie de sa grand-mère, une femme remarquable qui de toute sa vie n’a jamais quitté la maison forestière où elle est née, vers 1850.
C’est à peu près là qu’est situé l’âge d’or pour notre conférencier, très réservé sur les avantages du monde moderne : Ah, le bon temps des locomotives à vapeur, des chevaux pour déblayer la neige, et des colporteurs parcourant les villages !
Et les villages, Il les connaît tous, jusqu’au moindre hameau, et les distances qui les séparent. Il a dû jadis apprendre à l’école la liste des départements et de leurs chefs-lieux (plus que les vraies, ces sciences inutiles impressionnent les foules). On désignera par son nom chaque village, chaque lieu-dit, chaque colline, chaque rivière. Autant de lieux « magnifiques” et tous théâtres d’épisodes historiques mémorables. Lui tournant le dos, nous ne pouvons pas le voir, mais au ton de sa voix on sent bien qu’il récite sans notes ce déluge de détails futiles qui lui font préciser au décimètre près l’altitude de chaque gare traversée.
Son récit n’est interrompu que par les annonces de la contrôleuse aux arrivée en gares et de temps à autre par une réflexion salace et vaguement grivoise d’un membre de l’auditoire, saluée aussitôt par une cascade de rires gras.
Arrivés à la hauteur des forges de Siam, notre conteur devient lyrique pour célébrer la qualité « exceptionnelle » des aciers qu’on y fabriquait jadis, qualité consacrée par Napoléon qui ne jurait que par Siam pour forger les sabres de ses armées. L’empereur dont il confie au passage l’admiration éperdue qu’il lui porte, avant d’enchaîner sur la villa palladienne et son constructeur, un maître des forges « remarquablement cultivé » qui s’inspira pour faire bâtir sa demeure « d’un architecte italien très connu dans son pays », monsieur Palladio ».
Le lieu a du reste reçu plus récemment un autre brevet de prestige, sous la forme d’un reportage dans « Télématin », dont notre conférencier a assisté au tournage, ce qui nous vaut le récit d’une anecdote désopilante sur la journaliste parisienne (double raison de s’en méfier), qui demandait où elle pourrait filmer des vaches dans un pré, alors qu’on était au mois de janvier ! L’auditoire est tordu de rire.
Quand, enfin parvenus à notre destination, il nous faut à regret quitter le train en saluant notre voisine randonneuse qui, toujours protégée par ses écouteurs, essaye de se concentrer sur la lecture d’un roman de Kundera, nous ressentons un bref malaise, comme si nous revenions brusquement au présent et à la réalité après une heure passée dans un univers parallèle, sans lien ni dialogue avec le nôtre. Ils poursuivent leur voyage dans leur passé idéalisé, leur contrée fantasmée, leur Cocagne quils défendront contre les éoliennes et les parisiens.
Deux univers. Aucun n’est meilleur que l’autre, mais entre ruralité radotée et urbanité arrogante, un gouffre. "Prenez garde à l’espace en descendant du train..."
Tout juste descendus du TGV à Dole, et cherchant en vain le TER pour Saint-Claude qui d’ordinaire est alors déjà à quai, nous découvrons qu’il est attendu par une horde bruyante d’une centaine de personnes. Un groupe de promeneurs sans valises, en balade pour la journée sous la conduite d’un animateur aux cheveux blancs, tous résidents des environs, comme le trahit l’accent franc-comtois. L’arrivée du train confirme ce que nous redoutions : Il ne comprend qu’une seule voiture, alors que généralement, il y en a deux, pour une poignée de passagers. Comme prévu, le train est pris d’assaut dès l’ouverture des portes, au point que l’équipage doit protester bruyamment pour se frayer un passage. Nous nous précipitons aussi vers l’avant de la voiture, précédés par les deux seuls autres voyageurs « normaux » : une femme munie d’un lourd sac à dos et un garçon d’une vingtaine d’années qui s’installent face à nous dans un bloc de quatre sièges. A peine sommes-nous assis que le chef du groupe surgit furieux pour tenter de nous déloger, puisque cette partie du train, dit-il, est réservée pour son groupe, « comme devaient l’indiquer des étiquettes qui auraient dû être disposées sur les sièges ». Comme nous ne bougeons pas, et que notre compagne randonneuse confirme d’une voix tranquille que rien ne nous fera partir, il interpelle la contrôleuse, laquelle l’invite au calme et au respect des voyageurs. Il bat en retraite en prenant les siens à témoin de notre incivilité. Deux minutes plus tard, alors que le train va partir, on entend crachoter une sono portative, puis sa voix saturée égrenant une longue série de « un deux, un deux trois, un deux, test, test, un deux trois ».
Alors que le train s’ébranle, son préambule nous révèle qu’il conduit un groupe réuni par l’office de tourisme local, dont il est l’un des responsables - bénévole, souligne t-t-il – et que nous aurons la chance de bénéficier tout au long du voyage de son commentaire sur les paysages traversés. Aussitôt nos deux compagnons augmentent le volume des écouteurs déjà enfoncés dans leurs oreilles. Faute d’une telle protection, nous échangeons un regard accablé, tandis que notre conférencier entame un exposé sur la géographie de la zone, l’histoire de la ligne de chemin de fer, et les ressources (« incomparables ») de la contrée.
Tout y est magnifique : les forêts les plus vastes, les vaches les plus généreuses, les fromages et les vins extraordinaires, connus et célébrés dans le monde entier. La région abrite même le plus vieux cerf d’Europe, vieux d’une quinzaine d’années, soigneusement épargné par « nos amis les chasseurs » (dont chacun sait l’amour qu’ils portent aux animaux).
Dans ce catalogue des richesses locales, les ressources culturelles ne sont pas en reste : Il rend hommage à un écrivain régional nonagénaire, auteur entre autres chefs-d’œuvres, d’une passionnante biographie de sa grand-mère, une femme remarquable qui de toute sa vie n’a jamais quitté la maison forestière où elle est née, vers 1850.
C’est à peu près là qu’est situé l’âge d’or pour notre conférencier, très réservé sur les avantages du monde moderne : Ah, le bon temps des locomotives à vapeur, des chevaux pour déblayer la neige, et des colporteurs parcourant les villages !
Et les villages, Il les connaît tous, jusqu’au moindre hameau, et les distances qui les séparent. Il a dû jadis apprendre à l’école la liste des départements et de leurs chefs-lieux (plus que les vraies, ces sciences inutiles impressionnent les foules). On désignera par son nom chaque village, chaque lieu-dit, chaque colline, chaque rivière. Autant de lieux « magnifiques” et tous théâtres d’épisodes historiques mémorables. Lui tournant le dos, nous ne pouvons pas le voir, mais au ton de sa voix on sent bien qu’il récite sans notes ce déluge de détails futiles qui lui font préciser au décimètre près l’altitude de chaque gare traversée.
Son récit n’est interrompu que par les annonces de la contrôleuse aux arrivée en gares et de temps à autre par une réflexion salace et vaguement grivoise d’un membre de l’auditoire, saluée aussitôt par une cascade de rires gras.
Arrivés à la hauteur des forges de Siam, notre conteur devient lyrique pour célébrer la qualité « exceptionnelle » des aciers qu’on y fabriquait jadis, qualité consacrée par Napoléon qui ne jurait que par Siam pour forger les sabres de ses armées. L’empereur dont il confie au passage l’admiration éperdue qu’il lui porte, avant d’enchaîner sur la villa palladienne et son constructeur, un maître des forges « remarquablement cultivé » qui s’inspira pour faire bâtir sa demeure « d’un architecte italien très connu dans son pays », monsieur Palladio ».
Le lieu a du reste reçu plus récemment un autre brevet de prestige, sous la forme d’un reportage dans « Télématin », dont notre conférencier a assisté au tournage, ce qui nous vaut le récit d’une anecdote désopilante sur la journaliste parisienne (double raison de s’en méfier), qui demandait où elle pourrait filmer des vaches dans un pré, alors qu’on était au mois de janvier ! L’auditoire est tordu de rire.
Quand, enfin parvenus à notre destination, il nous faut à regret quitter le train en saluant notre voisine randonneuse qui, toujours protégée par ses écouteurs, essaye de se concentrer sur la lecture d’un roman de Kundera, nous ressentons un bref malaise, comme si nous revenions brusquement au présent et à la réalité après une heure passée dans un univers parallèle, sans lien ni dialogue avec le nôtre. Ils poursuivent leur voyage dans leur passé idéalisé, leur contrée fantasmée, leur Cocagne quils défendront contre les éoliennes et les parisiens.
Deux univers. Aucun n’est meilleur que l’autre, mais entre ruralité radotée et urbanité arrogante, un gouffre. "Prenez garde à l’espace en descendant du train..."
24 juin 2022
La lecture de "Lieux" de Georges Perec (lecture très partielle car l’intérêt du document est bien mince...) me confirme - s’il le fallait- la nécessité de concevoir un projet à long terme qui occuperait une part de mes journées. Cette idée qui m’obsède depuis longtemps s’est traduite par quelques tentatives avortées : Le blog et les extraits de films sont pourtant sans doute deux pistes intéressantes, auxquelles je devrais sans doute me remettre : Le blog pour garder en particulier une trace des émussions / films / spectacles que nous voyons, les extraits de films pour parvenir un jour à un "best of" absolu...
7 septembre 2021
La lecture de cet article, qui vilipende une campagne gouvernementale sur la laïcité, dont, contrairement à l’auteur, le fond comme la forme me semblent particulièrement bienvenus, m’inspire une réflexion plus globale sur les prisons mentales dont il me semble légitime et souhaitable pour chacun de nous de vouloir s’évader : la famille, la religion, les traditions, et sans doute jusqu’à toute forme d’appartenance non consentie ou implicite (une région, un accent) ou imposée (un groupe, une équipe, une entreprise).
17 décembre 2020
Désobéissant.e.s, documentaire de Adèle Flaux et Alizée Chiappini, diffusé par Arte en Octobre 2020, sur les mouvements sociaux en France, de 2018 à 2020.
Le film raconte les mouvements sociaux qui ont agité la France pendant deux ans, entre la fin du sommet de Paris sur le climat et le début de la pandémie. On y suit le parcours de cinq jeunes activistes, la manière dont ils organisent leur lutte et leurs actions, et les liens qu’ils tissent avec les Gilets Jaunes en France, Extinction-Rébellion en Angleterre, et les mouvements écolos allemands.
Le premier mérite de ce film est de restituer des épisodes des luttes sociales que les médias mainstream ont peu ou mal évoqués.
(documentaire disponible dans Syno3/video/emissions-docs
Le film raconte les mouvements sociaux qui ont agité la France pendant deux ans, entre la fin du sommet de Paris sur le climat et le début de la pandémie. On y suit le parcours de cinq jeunes activistes, la manière dont ils organisent leur lutte et leurs actions, et les liens qu’ils tissent avec les Gilets Jaunes en France, Extinction-Rébellion en Angleterre, et les mouvements écolos allemands.
Le premier mérite de ce film est de restituer des épisodes des luttes sociales que les médias mainstream ont peu ou mal évoqués.
(documentaire disponible dans Syno3/video/emissions-docs
1er novembre 2019
"Les Crevettes Pailletées" est un film de Maxime Govare et Cédric Le Gallo, sorti en salles au printemps 2019. Il a reçu le Prix spécial du jury au Festival international du film de comédie de l’Alpe d’Huez. Maxime Govare avait déja reçu le Grand Prix de ce même festival en 2015, pour "Toute première fois", avec Pio Marmaï et Gad Elmaleh (Le film relatait l’histoire d’un homosexuel trentenaire qui, sur le point de se marier avec son boyfriend, tombe amoureux d’une femme). Cédric Le Gallo, reporter documentariste, signe ici sa première fiction, inspirée de sa propre expérience au sein d’une équipe de water-polo gay qui parcourt le monde depuis 2012, et a concouru aux derniers Gay Games.
"Les Crevettes pailletées" est directement inspiré de deux films célèbres : "Priscilla, folle du désert" de Stephan Elliott (1995), et "La Parade" de Srdjan Dragojevic (2012), qui racontait comment un gangster serbe macho est conduit à organiser le service d’ordre de la première Gay Pride de Serbie.
Au premier, il emprunte le road-trip en autobus par une troupe de folles gloussantes et pailletées, et au second l’idée du balourd homophobe contraint de sympathiser avec l’ennemi. Mais il ne s’inspire hélas ni de la fantaisie joyeuse de Priscilla, ni du subtil second degré de la Parade. On reste confiné dans le registre balourd du pire comique à la française, à base de situations et de rôles caricaturaux, pimenté de plaisanteries grivoises. Le couple homo dont l’homme au foyer joue les matronnes abusives semble être un sketch commandé à De Funès par la Manif pour tous.
Au mieux maladroit, au pire ambigu, et à l’évidence lourdaud et sans grâce, ce film a rencontré (signe des temps ?) un relatif succès public, cumulant près de 500 000 entrées.
"Les Crevettes pailletées" est directement inspiré de deux films célèbres : "Priscilla, folle du désert" de Stephan Elliott (1995), et "La Parade" de Srdjan Dragojevic (2012), qui racontait comment un gangster serbe macho est conduit à organiser le service d’ordre de la première Gay Pride de Serbie.
Au premier, il emprunte le road-trip en autobus par une troupe de folles gloussantes et pailletées, et au second l’idée du balourd homophobe contraint de sympathiser avec l’ennemi. Mais il ne s’inspire hélas ni de la fantaisie joyeuse de Priscilla, ni du subtil second degré de la Parade. On reste confiné dans le registre balourd du pire comique à la française, à base de situations et de rôles caricaturaux, pimenté de plaisanteries grivoises. Le couple homo dont l’homme au foyer joue les matronnes abusives semble être un sketch commandé à De Funès par la Manif pour tous.
Au mieux maladroit, au pire ambigu, et à l’évidence lourdaud et sans grâce, ce film a rencontré (signe des temps ?) un relatif succès public, cumulant près de 500 000 entrées.
31 août 2018
« 12 jours », réalisé en 2017 par Raymond Depardon est un documentaire tourné à l’hôpital Vinatier, à Lyon, consacré aux patients internés en psychiatrie sous le régime de la contrainte. Depuis 2013, la loi impose qu’un juge des libertés statue sur la prolongation ou l’arrêt de leur internement dans un délai de 12 jours après leur arrivée. Cette procédure est ensuite répétée tous les six mois. Depardon a obtenu les autorisations nécessaires pour filmer (sans floutage) les audiences qui se tiennent dans une salle de l’hôpital, réunissant le juge et le patient assisté de son avocat. Le film en présente dix, sur les 72 qui ont été filmées.
Le film s’ouvre sur une séquence de travelling d’une longueur et d’une lenteur insupportables dans les couloirs déserts et verdâtres d’un service hospitalier. Ce plan-séquence interminable, qui se termine sur une banale porte vitrée soulève d’emblée chez le spectateur une interrogation : sommes-nous vraiment dans un documentaire, ou bien s’agit-il d’un artifice manipulatoire du réalisateur (M. Hanneke l’a quelquefois utilisé), qui prolonge délibérément un plan sans intérêt, dans le seul but de dérouter, voire d’irriter le spectateur ? La question reste sans réponse, bien que dans le bonus, R. Depardon, qui évoque brièvement cette séquence, semble lui prêter un intérêt informatif, alors que pour nous, au-delà de l’exaspération qu’elle provoque, elle représente surtout le cliché visuel le plus rebattu des pires reportages télé hospitaliers.
Cette esthétique bas-de-gamme semble être un choix assumé, puisque tout le film est construit en alternant paresseusement les séquences d’audiences et des interludes d’images d’hôpital sur une musique d’Alexandre Desplats, engagé comme caution artistique dans cette malheureuse aventure.
Mais l’essentiel est bien sûr ailleurs -dans les dialogues entre les juges et les malades- et c’est alors qu’on découvre que le contenu, le projet même du film, est encore plus glauque que sa mise en scène, et la gêne esthétique ressentie dès les premières images se transforme pour le spectateur en malaise moral bien plus profond, puisqu’ en lui présentant des séquences qui n’auraient jamais dû être filmées, ou au moins rendues publiques, on le rend complice d’un voyeurisme dont on découvre qu’il est sans doute l’unique motivation (sinon la fierté ?) du réalisateur.
Car la question centrale, essentielle que pose sans cesse ce document est celle du consentement des malades. Il est montré de manière très claire que tous ou presque ne consentent en rien au sort qui leur est fait, et c’est du reste la définition même de l’internement sous contrainte. Mais la notion même de consentement est évidemment rendue caduque par la maladie, par la capacité de jugement qu’on sait ou suppose altérée chez le malade. Cette incertitude conduit d’ailleurs à s’interroger sur le sens de cette procédure d’intervention des juges (et certains d’entre eux semblent s’interroger eux-mêmes), car leur décision –toujours celle de prolonger l’internement- est dictée par les avis des médecins, et la demande faite au patient d’y consentir est bien sûr purement formelle, puisque consentir ou non ne changera rien à son sort.
D’où la question : Au nom de quel principe peut-on filmer et montrer sans flouter leur visage des personnes privées de liberté (alors que cela reste impossible pour des prisonniers) ? La réponse, scandaleuse, est donnée dans le bonus par l’assistante de Depardon : Juridiquement, les personnes internées sous contrainte ne sont pas pour autant privées de leurs droits civiques, et de ce fait leur consentement à être filmées est recevable. Or il paraît évident quand on entend la plupart d’entre eux que leur jugement est altéré, autant sans doute par leur maladie que par les effets des traitements et leurs conditions de détention (on voit que plusieurs d’entre eux ont été attachés à leur lit). Les consentements écrits qu’on a dû leur extorquer pour que ce film existe ressemblent dès lors à autant d’abus de faiblesse supplémentaires, destinés seulement à satisfaire le voyeurisme supposé du spectateur.
On peut s’interroger légitimement sur les raisons qui ont conduit les autorités de justice et de santé à accepter de collaborer à la réalisation d’un tel projet, et on est troublé par le déluge de louanges qui a salué la sortie d’un film formellement aussi pauvre et moralement plus que suspect.
Le film s’ouvre sur une séquence de travelling d’une longueur et d’une lenteur insupportables dans les couloirs déserts et verdâtres d’un service hospitalier. Ce plan-séquence interminable, qui se termine sur une banale porte vitrée soulève d’emblée chez le spectateur une interrogation : sommes-nous vraiment dans un documentaire, ou bien s’agit-il d’un artifice manipulatoire du réalisateur (M. Hanneke l’a quelquefois utilisé), qui prolonge délibérément un plan sans intérêt, dans le seul but de dérouter, voire d’irriter le spectateur ? La question reste sans réponse, bien que dans le bonus, R. Depardon, qui évoque brièvement cette séquence, semble lui prêter un intérêt informatif, alors que pour nous, au-delà de l’exaspération qu’elle provoque, elle représente surtout le cliché visuel le plus rebattu des pires reportages télé hospitaliers.
Cette esthétique bas-de-gamme semble être un choix assumé, puisque tout le film est construit en alternant paresseusement les séquences d’audiences et des interludes d’images d’hôpital sur une musique d’Alexandre Desplats, engagé comme caution artistique dans cette malheureuse aventure.
Mais l’essentiel est bien sûr ailleurs -dans les dialogues entre les juges et les malades- et c’est alors qu’on découvre que le contenu, le projet même du film, est encore plus glauque que sa mise en scène, et la gêne esthétique ressentie dès les premières images se transforme pour le spectateur en malaise moral bien plus profond, puisqu’ en lui présentant des séquences qui n’auraient jamais dû être filmées, ou au moins rendues publiques, on le rend complice d’un voyeurisme dont on découvre qu’il est sans doute l’unique motivation (sinon la fierté ?) du réalisateur.
Car la question centrale, essentielle que pose sans cesse ce document est celle du consentement des malades. Il est montré de manière très claire que tous ou presque ne consentent en rien au sort qui leur est fait, et c’est du reste la définition même de l’internement sous contrainte. Mais la notion même de consentement est évidemment rendue caduque par la maladie, par la capacité de jugement qu’on sait ou suppose altérée chez le malade. Cette incertitude conduit d’ailleurs à s’interroger sur le sens de cette procédure d’intervention des juges (et certains d’entre eux semblent s’interroger eux-mêmes), car leur décision –toujours celle de prolonger l’internement- est dictée par les avis des médecins, et la demande faite au patient d’y consentir est bien sûr purement formelle, puisque consentir ou non ne changera rien à son sort.
D’où la question : Au nom de quel principe peut-on filmer et montrer sans flouter leur visage des personnes privées de liberté (alors que cela reste impossible pour des prisonniers) ? La réponse, scandaleuse, est donnée dans le bonus par l’assistante de Depardon : Juridiquement, les personnes internées sous contrainte ne sont pas pour autant privées de leurs droits civiques, et de ce fait leur consentement à être filmées est recevable. Or il paraît évident quand on entend la plupart d’entre eux que leur jugement est altéré, autant sans doute par leur maladie que par les effets des traitements et leurs conditions de détention (on voit que plusieurs d’entre eux ont été attachés à leur lit). Les consentements écrits qu’on a dû leur extorquer pour que ce film existe ressemblent dès lors à autant d’abus de faiblesse supplémentaires, destinés seulement à satisfaire le voyeurisme supposé du spectateur.
On peut s’interroger légitimement sur les raisons qui ont conduit les autorités de justice et de santé à accepter de collaborer à la réalisation d’un tel projet, et on est troublé par le déluge de louanges qui a salué la sortie d’un film formellement aussi pauvre et moralement plus que suspect.
8 août 2018
Quand on ne peut pas voir les films en avant-première, Il y a beaucoup d’avantages à ne les découvrir que bien après leur sortie, une fois oubliée la campagne de lancement, qui souvent gâche le plaisir. C’était particulièrement indispensable pour« 120 battements par minute » de Robin Campillo, car sa sortie au Festival de Cannes 2017 a donné lieu à un emballement médiatique d’une telle unanimité qu’on pouvait craindre qu’il ne soit pas justifié. On se souvient que le film, favori de l’ensemble de la critique pour la Palme d’Or, ne recevra finalement que le Grand Prix, le Jury présidé par Pedro Almodovar lui préférant « The Square » du Suédois Ruben Östlund. Avec le recul de plus d’une année, on voit clairement que, bien que très réussi, le film du Suédois s’estompera rapidement de nos mémoires quand celui de Campillo (auteur de « Eastern boys » en 2013) les marquera sans doute durablement par la puissance de son propos, le vertige qu’il provoque et l’énergie qu’il insuffle.
3 août 2018
Vu successivement deux films de sensibilité queer sortis en 2017 : « Seule la terre », film anglais de Francis Lee, et « Dream boat », documentaire allemand (coproduction ZDF/Arte) de Tristan Ferland Milewski. Le contraste entre les deux est immense et les univers qu’ils décrivent sont aux antipodes, mais finalement, et de manière très inattendue, leurs propos peuvent paraître se rejoindre dans une réflexion sur la nature de l’homosexualité.
« Seule la Terre » (« God’s own contry ») est d’abord un hymne très réussi au magnifique paysage du Yorkshire dont la solitude glacée installe le continuum lyrique de l’histoire. Mais c’est aussi, de manière plus clandestine, une célébration quasi mystique de la nature vue comme matrice universelle. Le titre français évoque clairement la référence à l’idéologie néo-rurale de Pétain (la terre qui ne ment pas) et la présence de Dieu dans le titre original confirme cette impression. Pour autant, la nature est évoquée avec exactitude et sans complaisance, et l’accent mis sans cesse sur la cruauté et la souffrance qui en seraient le cœur même. En témoignent de nombreuses scènes tournées avec des animaux (le coup de grâce au veau mort-né, l’agnelage, la découpe de l’agneau mort-né, la capture du lapin…) Peu fréquentes au le cinéma, y-compris dans les documentaires animaliers (qui s’intéressent peu aux animaux d’élevage), ces séquences semblent destinées à provoquer le malaise du spectateur urbain, en lui montrant qu’à la campagne la rudesse des conditions de vie fait partager aux hommes et aux animaux le même combat permanent pour la survie.
Ce combat cruel et silencieux est aussi celui du héros Johnny au sein de sa famille accablée par le destin : le père hémiplégique devenu improductif, et la grand’mère qui désespère de la survie de la ferme. Le tragique de leur situation est d’autant plus sensible qu’il n’est jamais exprimé , car nous sommes à la campagne, où tout le monde se tait, souffre et se déchire en silence, hommes comme bêtes. Quand le film commence, Johnny est au bord de l’abîme , esclave d’un mode de vie et d’une famille dont il ne voit aucun moyen de s’évader, si ce n’est dans la saoulerie quotidienne et le sexe avec des hommes, en mode bestial et toujours mutique .
A ce stade, le parallèle avec « Brokeback Mountain » , qu’on a reproché à beaucoup de critiques , est parfaitement justifié : Le désir homosexuel, au centre des deux films, surgit au sein d’une nature âpre et violente, non comme un élément de rupture, mais comme un comportement anodin. Les deux œuvres sont imprégnées de la même conviction naturaliste, même si l’histoire qu’elles développent et surtout l’issue qu’elles lui donnent divergent rapidement.
L’irruption du langage en la personne du second héros, Gheorghe, est une grande réussite du scénario. Car si Gheorghe partage tout de l’univers rural de Johnny, y-compris son savoir et sa rudesse, son statut d’exilé de Roumanie et sa mère prof d’anglais l’ont au surplus doté de la parole. C’est ce qui lui permet de maîtriser son destin, quand Johnny le subit. Et comme il sait faciliter la mise bas des brebis, il apprend aussi à accoucher la passion amoureuse de Johnny et à le délivrer de ses préjugés et de son mutisme. C’est pour ce dernier l’irruption soudaine de la lumière dans l’ univers sombre et hostile.
La dernière partie du film est moins convaincante, car le désir bien légitime de trouver une fin heureuse conduit le scénario a des invraisemblances : Le père et la grand’mère qui martyrisaient Johnny jusqu’à quasiment le détruire sont soudain touchés par la grâce. Plus qu’une facilité d’écriture, on peut y voir une célébration de la famille, qui comme la terre et la nature, a toujours raison. C’est tout le paradoxe de ce film de célébrer à la fois la une magnifique histoire de libération tout en restant prisonnier d’une vision du monde rural profondément conservatrice.
Avec « Dream Boat », on accède à un univers à l’évidence très différent, puisque ce documentaire relate une croisière en méditerranée où embarquent chaque année trois mille gays pour une semaine de fête. On suit plus particulièrement l’itinéraire et les impressions de cinq d’entre eux.
Le point commun avec « Seule la terre » est qu’il s’agit encore d’une histoire de famille, mais de toute autre nature et dimension. L’un des protagonistes l’explique clairement : Le monde homosexuel, la nation gay, constituent sa vraie famille, le seul contexte de groupe où il se sente accepté tel qu’il est, et en sécurité. Où qu’il se trouve dans le monde, dit-il, il sait qu’elle l’accueillera. Tous sont en effet à des degrés divers en rupture avec leur famille biologique, voire avec leur pays : Rupture complète, rejet, ou rupture de communication (tel autre relate pourquoi il n’avouera jamais à sa mère qu’il est gay). Là encore, la question centrale est celle de la singularité du désir homosexuel, de son inadéquation profonde avec toutes les structures sociales existantes.
Et au fil des interviews (sur la famille, la fidélité, le culte du corps…), ce qui au début du documentaire pouvait sembler n’être qu’un immense cliché sur la croisière ultra kitsch d’une bande de privilégiés futiles et jouisseurs prend peu à peu la dimension d’une utopie. Au-delà des paillettes et du mascara, on distingue le rêve collectif qu’ils sont venus vivre sur ce bateau : une parenthèse enchantée pour trouver ensemble un sens à leur vie.
On pressent à la fin qu’au soir du septième jour, le retour à terre sera sans doute décevant. Mais, provisoirement au moins, l’esprit de légèreté a pris le pas sur la violence du réel, et il en restera toujours quelque chose.
En définitive, ce documentaire remplit le rôle qu’aurait dû remplir la fiction : il nous conduit sur le chemin du rêve et de la liberté, alors que la fiction de « Seule la terre », parce qu’on ne peut pas y croire, nous rappelle violemment à la cruauté du réel. A vouloir trop bien faire….
« Seule la Terre » (« God’s own contry ») est d’abord un hymne très réussi au magnifique paysage du Yorkshire dont la solitude glacée installe le continuum lyrique de l’histoire. Mais c’est aussi, de manière plus clandestine, une célébration quasi mystique de la nature vue comme matrice universelle. Le titre français évoque clairement la référence à l’idéologie néo-rurale de Pétain (la terre qui ne ment pas) et la présence de Dieu dans le titre original confirme cette impression. Pour autant, la nature est évoquée avec exactitude et sans complaisance, et l’accent mis sans cesse sur la cruauté et la souffrance qui en seraient le cœur même. En témoignent de nombreuses scènes tournées avec des animaux (le coup de grâce au veau mort-né, l’agnelage, la découpe de l’agneau mort-né, la capture du lapin…) Peu fréquentes au le cinéma, y-compris dans les documentaires animaliers (qui s’intéressent peu aux animaux d’élevage), ces séquences semblent destinées à provoquer le malaise du spectateur urbain, en lui montrant qu’à la campagne la rudesse des conditions de vie fait partager aux hommes et aux animaux le même combat permanent pour la survie.
Ce combat cruel et silencieux est aussi celui du héros Johnny au sein de sa famille accablée par le destin : le père hémiplégique devenu improductif, et la grand’mère qui désespère de la survie de la ferme. Le tragique de leur situation est d’autant plus sensible qu’il n’est jamais exprimé , car nous sommes à la campagne, où tout le monde se tait, souffre et se déchire en silence, hommes comme bêtes. Quand le film commence, Johnny est au bord de l’abîme , esclave d’un mode de vie et d’une famille dont il ne voit aucun moyen de s’évader, si ce n’est dans la saoulerie quotidienne et le sexe avec des hommes, en mode bestial et toujours mutique .
A ce stade, le parallèle avec « Brokeback Mountain » , qu’on a reproché à beaucoup de critiques , est parfaitement justifié : Le désir homosexuel, au centre des deux films, surgit au sein d’une nature âpre et violente, non comme un élément de rupture, mais comme un comportement anodin. Les deux œuvres sont imprégnées de la même conviction naturaliste, même si l’histoire qu’elles développent et surtout l’issue qu’elles lui donnent divergent rapidement.
L’irruption du langage en la personne du second héros, Gheorghe, est une grande réussite du scénario. Car si Gheorghe partage tout de l’univers rural de Johnny, y-compris son savoir et sa rudesse, son statut d’exilé de Roumanie et sa mère prof d’anglais l’ont au surplus doté de la parole. C’est ce qui lui permet de maîtriser son destin, quand Johnny le subit. Et comme il sait faciliter la mise bas des brebis, il apprend aussi à accoucher la passion amoureuse de Johnny et à le délivrer de ses préjugés et de son mutisme. C’est pour ce dernier l’irruption soudaine de la lumière dans l’ univers sombre et hostile.
La dernière partie du film est moins convaincante, car le désir bien légitime de trouver une fin heureuse conduit le scénario a des invraisemblances : Le père et la grand’mère qui martyrisaient Johnny jusqu’à quasiment le détruire sont soudain touchés par la grâce. Plus qu’une facilité d’écriture, on peut y voir une célébration de la famille, qui comme la terre et la nature, a toujours raison. C’est tout le paradoxe de ce film de célébrer à la fois la une magnifique histoire de libération tout en restant prisonnier d’une vision du monde rural profondément conservatrice.
Avec « Dream Boat », on accède à un univers à l’évidence très différent, puisque ce documentaire relate une croisière en méditerranée où embarquent chaque année trois mille gays pour une semaine de fête. On suit plus particulièrement l’itinéraire et les impressions de cinq d’entre eux.
Le point commun avec « Seule la terre » est qu’il s’agit encore d’une histoire de famille, mais de toute autre nature et dimension. L’un des protagonistes l’explique clairement : Le monde homosexuel, la nation gay, constituent sa vraie famille, le seul contexte de groupe où il se sente accepté tel qu’il est, et en sécurité. Où qu’il se trouve dans le monde, dit-il, il sait qu’elle l’accueillera. Tous sont en effet à des degrés divers en rupture avec leur famille biologique, voire avec leur pays : Rupture complète, rejet, ou rupture de communication (tel autre relate pourquoi il n’avouera jamais à sa mère qu’il est gay). Là encore, la question centrale est celle de la singularité du désir homosexuel, de son inadéquation profonde avec toutes les structures sociales existantes.
Et au fil des interviews (sur la famille, la fidélité, le culte du corps…), ce qui au début du documentaire pouvait sembler n’être qu’un immense cliché sur la croisière ultra kitsch d’une bande de privilégiés futiles et jouisseurs prend peu à peu la dimension d’une utopie. Au-delà des paillettes et du mascara, on distingue le rêve collectif qu’ils sont venus vivre sur ce bateau : une parenthèse enchantée pour trouver ensemble un sens à leur vie.
On pressent à la fin qu’au soir du septième jour, le retour à terre sera sans doute décevant. Mais, provisoirement au moins, l’esprit de légèreté a pris le pas sur la violence du réel, et il en restera toujours quelque chose.
En définitive, ce documentaire remplit le rôle qu’aurait dû remplir la fiction : il nous conduit sur le chemin du rêve et de la liberté, alors que la fiction de « Seule la terre », parce qu’on ne peut pas y croire, nous rappelle violemment à la cruauté du réel. A vouloir trop bien faire….
8 mars 2018
Rêve, pendant un bref endormissement après lecture dans le Journal de Cocteau :
Je suis dans un village méridional ou se tient une sorte de festival de théâtre. Je suis dans la distribution d’une pièce, ce dont j’ai du être prévenu in extremis. La pièce se joue dans un jardin en pente ardue. J’ai pour partenaire une jeune fille que je semble bien connaître. Le rôle est sans texte et consiste à faire l’ amour avec elle. Ça se passe dans un jardin en pente abrupte et dans la pénombre. Le public doit être en bas de cette colline. Nous nous enlaçons dans une sorte de grenier. Elle se met sur moi et m’embrasse avec la langue. Je suis très embêté et le demande si je vais devoir la baiser, car bien dur je ne bande pas. Elle l’entraîne plus loin pour la suite du spectacle et je lui demande si mon rôle continue d’être muet. Elle me dit qu’il y a un peu de texte, mais facile à apprendre. Elle cherche le livret de la pièce dans son sac à dos. Elle m’annonce aussi que nous sommes attendus en fin de soirée à une grande cérémonie ou nous devons prononcer des discours. Je suis inquiet car je sais que je n’ai pas de tenue adaptée. Je pourrai mettre un jean et une chemise blanche, déjà mise mais sans doute pas très froissée....
Je suis dans un village méridional ou se tient une sorte de festival de théâtre. Je suis dans la distribution d’une pièce, ce dont j’ai du être prévenu in extremis. La pièce se joue dans un jardin en pente ardue. J’ai pour partenaire une jeune fille que je semble bien connaître. Le rôle est sans texte et consiste à faire l’ amour avec elle. Ça se passe dans un jardin en pente abrupte et dans la pénombre. Le public doit être en bas de cette colline. Nous nous enlaçons dans une sorte de grenier. Elle se met sur moi et m’embrasse avec la langue. Je suis très embêté et le demande si je vais devoir la baiser, car bien dur je ne bande pas. Elle l’entraîne plus loin pour la suite du spectacle et je lui demande si mon rôle continue d’être muet. Elle me dit qu’il y a un peu de texte, mais facile à apprendre. Elle cherche le livret de la pièce dans son sac à dos. Elle m’annonce aussi que nous sommes attendus en fin de soirée à une grande cérémonie ou nous devons prononcer des discours. Je suis inquiet car je sais que je n’ai pas de tenue adaptée. Je pourrai mettre un jean et une chemise blanche, déjà mise mais sans doute pas très froissée....
27 février 2018
Une comédie musicale sur l’euthanasie : si je pouvais consacrer quotidiennement de l’énergie à nourrir ce projet, peut-être pourrait-il voir le jour ? Voici quelques arguments pour justifier l’entreprise, qui peuvent aussi servir de thème à des chansons :
Pourquoi ça doit mal finir ?
Vivre vite et mourir jeune
Pourquoi ça doit mal finir ?
Vivre vite et mourir jeune
11 janvier 2018
Lu chez le coiffeur, dans psychologie magazine, un article recommandant le « diarisme », comme un exercice de recentrage , et d’aide à la concentration. Évidemment cela m’a aussitôt assombri, mais pas pour autant dissuadé de persister dans ce projet d’écriture quotidienne.
Si je devais faire un récit autobiographique, j’aimerais assez qu’il commence par une formule du genre : « Dès le début, j’ ai compris que rien de tout ça n’allait me plaire »
De la lecture de "libérez votre cerveau", d’ Idriss Aberkane, nait un sentiment partagé : beaucoup de ses remarques et références expérimentales dans le domaine des neurosciences semblent utiles à la compréhension des phénomènes de conscience. Mais son discours est desservi par d’évidents parti-pris idéologiques et politiques. Par exemple, son exposé sur les méfaits de l’école "à la française" tourne souvent au réglements de compte avec des institution universitaires dont il garde visiblement un mauvais souvenir, et sa fascination pour l’esprit de la Silicon Valley le conduit à voir en Steve Jobs un phare de l’humanité...
Si je devais faire un récit autobiographique, j’aimerais assez qu’il commence par une formule du genre : « Dès le début, j’ ai compris que rien de tout ça n’allait me plaire »
De la lecture de "libérez votre cerveau", d’ Idriss Aberkane, nait un sentiment partagé : beaucoup de ses remarques et références expérimentales dans le domaine des neurosciences semblent utiles à la compréhension des phénomènes de conscience. Mais son discours est desservi par d’évidents parti-pris idéologiques et politiques. Par exemple, son exposé sur les méfaits de l’école "à la française" tourne souvent au réglements de compte avec des institution universitaires dont il garde visiblement un mauvais souvenir, et sa fascination pour l’esprit de la Silicon Valley le conduit à voir en Steve Jobs un phare de l’humanité...
5 janvier 2018
Je devrais m’astreindre désormais à un séance quotidienne d’écriture, au même titre que les exercices physiques du matin. De même que ces derniers assurent le nécessaire entretien du tonus et de la coordination physique, la séance d’écriture, qui pourrait prendre place chaque après-midi, luttera contre l’entropie de la pensée dont je crains parfois qu’elle m’envahisse.
Il reste à savoir comment l’organiser, mais cette réflexion ne doit pas prendre une place exagérée, l’essentiel étant d’assurer l’exercice lui même. Les idées sur l’organisation pourront venir en cours de route.
De même, pas de plan ni de propos général. Dans un premier temps au moins, il me semble plus important (urgent ?) de coucher dans l’écriture des bribes de pensées sur des sujets divers, dont l’accumulation me permettra sans doute plus tard d’y puiser la matière d’un discours organisé.
Laissons divaguer la pensée, avec le seul souci, dans ce premier temps, d’énoncer de manière compréhensible une multitude de miettes de discours qui m’obsèdent.
par exemple :
Pourquoi la plupart des gens sont ils désireux de laisser une trace après leur mort, pourquoi souhaitent-ils qu’un souvenir leur survive et le construire à leur avantage ? Cette quête de postérité m’a toujours parue étrange... et absurde, puisque - par définition - ils n’en seront pas témoins. Pourtant, je crois partager une de leur craintes supposées : Il m’est en effet désagréable d’imaginer que lorsque je ne serai plus, on puisse tenir sur moi quelque discours qu’il soit ( favorable ou stigmatisant, juste ou mensonger...) sans que je puisse y participer, pour y répondre ou le nuancer... De même, j’ai une grande répugnance à imaginer que des inconnus (même supposés bienveillants) accèdent à des documents privés (j’entends par là non explicitement par moi rendus publics), pour la même raison que je ne serais alors pas en mesure d’en prévenir une interprétation ou un usage erronés. D’où mon souci permanent de ne pas laisser de trace...
Il reste à savoir comment l’organiser, mais cette réflexion ne doit pas prendre une place exagérée, l’essentiel étant d’assurer l’exercice lui même. Les idées sur l’organisation pourront venir en cours de route.
De même, pas de plan ni de propos général. Dans un premier temps au moins, il me semble plus important (urgent ?) de coucher dans l’écriture des bribes de pensées sur des sujets divers, dont l’accumulation me permettra sans doute plus tard d’y puiser la matière d’un discours organisé.
Laissons divaguer la pensée, avec le seul souci, dans ce premier temps, d’énoncer de manière compréhensible une multitude de miettes de discours qui m’obsèdent.
par exemple :
Pourquoi la plupart des gens sont ils désireux de laisser une trace après leur mort, pourquoi souhaitent-ils qu’un souvenir leur survive et le construire à leur avantage ? Cette quête de postérité m’a toujours parue étrange... et absurde, puisque - par définition - ils n’en seront pas témoins. Pourtant, je crois partager une de leur craintes supposées : Il m’est en effet désagréable d’imaginer que lorsque je ne serai plus, on puisse tenir sur moi quelque discours qu’il soit ( favorable ou stigmatisant, juste ou mensonger...) sans que je puisse y participer, pour y répondre ou le nuancer... De même, j’ai une grande répugnance à imaginer que des inconnus (même supposés bienveillants) accèdent à des documents privés (j’entends par là non explicitement par moi rendus publics), pour la même raison que je ne serais alors pas en mesure d’en prévenir une interprétation ou un usage erronés. D’où mon souci permanent de ne pas laisser de trace...
19 décembre 2016
Rêve : Nous sommes dans la circulation, sur une sorte de boulevard périphérique, dont le paysage familier devient soudain inconnu, et la découverte en est enthousiasmante : C’est un tronçon du périph qui jusqu’ici nous était inconnu. On longe sur la droite un immense terrain vague, totalement désert, tout juste parsemé de quelques blocs de pierre et quelques ruines ou fragments de béton armé.A gauche, on longe des bâtiments extravagants, immenses et totalement déserts, sans doute construits dans les années 70, et visiblement abandonnés depuis longtemps. Leur taille est gigantesque, et certains reproduisent des motifs architecturaux célèbres : les pyramides, le temple de Pétra, des motifs en étoile rayonnante des gratte-ciels immenses. Tous ces bâtiments sont déserts, et leur base est couverte de graffiti. Je suis très étonné de ne jamais les avoir remarqués auparavant. Comme si l’existence même de cet immense quartier m’avait été cachée on ne sait comment. Le boulevard lui même semble très long, anormalement long. Les bords en sont herbus et caillouteux, comme ceux d’une route de campagne. Je suis en compagnie de Bruno et Patrick, qui semblent aussi étonnés que moi, mais ne manifestent pas davantage leur surprise. Je les prends à témoin pour leur faire remarquer que cette découverte va laisser sceptiques ceux à qui nous la relaterons, et qu’il nous faut témoigner tous les trois que nous ne sommes pas en train de rêver, mais bien dans la vie réelle. Cette découverte est si étrange qu’elle ressemble à un rêve, et nous savons d’expérience que les rêves nous abusent souvent par leur forte impression de réalité. Mais je jubile en me disant que cette fois, nous serons trois à pouvoir témoigner, à affirmer qu’il ne s’agissait pas d’un rêve, et que notre récit ne pourra pas être mis en doute...
20 mai 2016
Rêve : Je visite un appartement (celui de Mamie, mais elle n’est as présente dans le rêve). L’immeuble est situé dans une ville aux rues très en pente, comme Saint-Claude. Sa façade avent est à hauteur du deuxième ou troisième étage, sur rue, et la façade arrière doit être enterrée. L’appartement est grand, nombreuses pièces, grandes, et on me fait visiter ne chambre, que je ne connaissais pas encore, qui donne sur le coté de l’immeuble, en rez-de chaussée sur une rue en pente. C’est la chambre du propriétaire de l’appartement. Je remarque qu’elle ne me plairait pas car il y a beaucoup de lumière, la pièce est ensoleillé et surtout on doit en voir l’intérieure à partir de la rue. Le lit est vaste et recouvert d’une couette blanche très moelleuse. Je suis couché dans un lit (dans une autre pièce) et je sens qu’on me suce les orteils. Je regarde au pied du lit, et je découvre deux ou trois jeunes garçons, en contrebas. De jeunes adolescents aux visage étroits et aux lèvres charnues. Je les embrasse l’un après l’autre.Leurs bites sont très jeunes, et d’allure pas très propre. Je les saisis d’une main. Je vais vers la tête du lit ou un autre ado m’embrasse et me suce. Je suis un peu ennuyé que Mamie puisse découvrir cette scène, mais sans me sentir coupable...
12 mars 2015
Tant que les partis politiques serviront la social- démocratie on ne pourra rien en attendre. La social-démocratie ne sait que trahir. Elle se met toujours au service de réformes au profit du capitalisme et rien d’autre. Le capitalisme ne se réforme pas. Le capitalisme s’ élimine ou ne s’ élimine pas.Mais tant qu’on ne l’aura pas éliminé il sera toujours en expansion. On ne peut pas composer avec lui car il ne compose avec personne. Pourquoi avoir alors la courtoisie de lui faire la cour ? Le capitalisme c’est la chose inhumaine. Et la chose inhumaine n’ a rien a dire. (itw de Jean-Marie Straub dans les Inrocks)
22 janvier 2015
Les meilleurs ne croient plus en rien, les pires se gonflent de l’ardeur des passions mauvaises. (W.B. Yates)
1er décembre 2013
Le jugement d’Irina, hier, sur le film de Guillaume Gallienne (et le reproche qu’elle m’a fait d’avoir cru qu’il pouvait lui plaire, comme si j’avais abusé de sa confiance en l’envoyant voir un porno) confirme le malaise qui s’est installé dans notre relation avec elle. J’avais éprouvé la même impression une première fois il y a quelques mois, quand elle nous avait rendu indignée le DVD de « The history boys » en disant qu’elle avait failli vomir, et nous regardant de travers pour avoir pris plaisir à une œuvre aussi malsaine. Hier, le jugement était du même ordre, et Gallienne à ses yeux est un malade. Elle s’est même avancée jusqu’à supposer que Didier, qui n’a pas encore vu le film, partagera son avis, et elle me consigne seul dans le rôle du pervers. Si Didier ne m’avait pas maîtrisé, j’aurais vraiment rompu les ponts séance tenante. Il a eu raison, bien sûr, surtout par égard pour Marie-Claire, qui perçoit parfaitement le problème et doit être douloureusement partagée. Mais il faut bien admettre que notre relation avec Irina a changé du tout au tout. Je n’ai désormais pour ma part plus la moindre spontanéité en sa présence, je n’imagine plus lui faire la moindre confidence, et pour tout dire je n’ai plus de plaisir à la voir, tant je redoute sans cesse un esclandre. J’ai perdu une amie.
La fracture a commencé d’apparaître de façon manifeste à propos du mariage pour tous, quand elle a tâté le terrain pour savoir si nous approuvions vraiment la loi, et à travers une anecdote qu’elle nous a alors relatée : Celle d’une mère découvrant l’homosexualité de son fils qui vient de mourir du sida en rencontrant pour la première fois son compagnon lors de l’enterrement. Sa compassion allait bien sûr à la mère, tellement proche de son fils qu’elle ignorait tout de sa vie...
La fracture a commencé d’apparaître de façon manifeste à propos du mariage pour tous, quand elle a tâté le terrain pour savoir si nous approuvions vraiment la loi, et à travers une anecdote qu’elle nous a alors relatée : Celle d’une mère découvrant l’homosexualité de son fils qui vient de mourir du sida en rencontrant pour la première fois son compagnon lors de l’enterrement. Sa compassion allait bien sûr à la mère, tellement proche de son fils qu’elle ignorait tout de sa vie...
21 avril 2013
En plus de sa qualité heuristique, la théorie du gène égoïste suggère une morale pratique : Elle dévoile que tout ce dispositif (nous-mêmes, nos instincts, nos pulsions, nos consciences, nos relations, nos souvenirs, bref tout ce que nous sommes) n’a d’autre fin (ou plus exactement d’autre rôle constaté) que d’assurer la survie de nos gènes. Partant, notre seule véritable manière de donner un sens à notre existence, de manifester l’autonomie de notre conscience, est de ne pas remplir le rôle attendu, c’est-à-dire ne pas se reproduire, et de répandre une propagande anti-nataliste. A moins que l’on puisse imaginer que les non-reproducteurs puissent aussi tenir un rôle programmé dans le dispositif ?
Comme si cela ne suffisait pas d’être en vie, il faut encore qu’on la célèbre : nous sommes sommés de la trouver belle, même - et peut-être surtout - si elle nous accable. Cette obligation de célébrer la vie a tout d’une incantation : Il s’agit de convaincre, (et visiblement, pour celui qui la profère, de se convaincre) d’une évidence qui ne va pas de soi. L’évidence serait même plutôt à l’inverse, comme lorsqu’on célèbre avec conviction la "beauté" d’une femme enceinte...
Ce qu’on désigne par instinct de reproduction est plus qu’une compulsion à se reproduire. Elle cherche à reproduire la douleur première de la naissance. Compulsion à infliger la vie à un nouvel être, qui sera soumis à notre volonté, pour lui communiquer à son tour la douleur d’exister.
Un enfant ne peut jamais dire a ses parents que ce qu’ils attendent qu’il leur dise.
La propension d’un adulte à régenter la vie de ses parents séniles est la réponse à leur ancienne prétention de régenter la sienne.
La famille, nœud premier de la névrose.
"Personne à qui se confier, pas d’épaule où pleurer. (...) Des trésors de larmes qui coulent, muettes et inconnues de tous jusqu’au tombeau" (extrait d’un forum de Rue89)
a propos de la magie de la technologie : il faut en connaitre la complexité de fonctionnement pour en apprécier la beauté
Faute de pouvoir changer le monde et nous-même, nous ne pouvons qu’espérer changer la perception que nous en avons : Le salut par les psychotropes.
La question n’est pas de savoir si l’Islam est bon ou mauvais. Le danger qui nous guette tient au statut de la religion dans les affaires publiques, sans rapport avec le dogme. C’est le retour à la théocratie qui nous menace, quand nous ne lui avons échappé que depuis deux siècles. La prière à l’école et la place faite aux discours créationnistes sont des signes qui doivent nous alerter.
Comme si cela ne suffisait pas d’être en vie, il faut encore qu’on la célèbre : nous sommes sommés de la trouver belle, même - et peut-être surtout - si elle nous accable. Cette obligation de célébrer la vie a tout d’une incantation : Il s’agit de convaincre, (et visiblement, pour celui qui la profère, de se convaincre) d’une évidence qui ne va pas de soi. L’évidence serait même plutôt à l’inverse, comme lorsqu’on célèbre avec conviction la "beauté" d’une femme enceinte...
Ce qu’on désigne par instinct de reproduction est plus qu’une compulsion à se reproduire. Elle cherche à reproduire la douleur première de la naissance. Compulsion à infliger la vie à un nouvel être, qui sera soumis à notre volonté, pour lui communiquer à son tour la douleur d’exister.
Un enfant ne peut jamais dire a ses parents que ce qu’ils attendent qu’il leur dise.
La propension d’un adulte à régenter la vie de ses parents séniles est la réponse à leur ancienne prétention de régenter la sienne.
La famille, nœud premier de la névrose.
"Personne à qui se confier, pas d’épaule où pleurer. (...) Des trésors de larmes qui coulent, muettes et inconnues de tous jusqu’au tombeau" (extrait d’un forum de Rue89)
a propos de la magie de la technologie : il faut en connaitre la complexité de fonctionnement pour en apprécier la beauté
Faute de pouvoir changer le monde et nous-même, nous ne pouvons qu’espérer changer la perception que nous en avons : Le salut par les psychotropes.
La question n’est pas de savoir si l’Islam est bon ou mauvais. Le danger qui nous guette tient au statut de la religion dans les affaires publiques, sans rapport avec le dogme. C’est le retour à la théocratie qui nous menace, quand nous ne lui avons échappé que depuis deux siècles. La prière à l’école et la place faite aux discours créationnistes sont des signes qui doivent nous alerter.
20 mai 2006
Tout se passe comme si une panne du politique, une incapacité à se projeter dans l’avenir, nous ramenait vers un ressassement morbide du passé. [...] La figure de la victime a pris une telle importance que sont apparues des associations de fils et filles de victimes, déportés juifs, déportés africains, comme sice statut se transmettait de génération en génération. On n’est plus victime de quelque chose (une persécution ou une épidémie) mais victime par hérédité. Il ne s’agit plus d’une réalité vécue, mais d’une construction imaginaire, avec pour enjeu la reconnaissance sociale. Celà pousse certains à ne considérer leur existence qu’à l’ombre des atrocités subies par leurs ancêtres, réels ou supposés.
Rony Brauman Dans Libération du 21 06 2006
Rony Brauman Dans Libération du 21 06 2006
19 mai 2006
Lers gens, souvent, mangent ce qu’on leur dit de manger, vont voir ce qu’on leur dit de voir, lisent ce qu’on leur dit de lire. [...] La médiatisation dirige le toupeau. La distibution le canalise. [...] Le spactateur est un otage. Je me dis que le lecteur n’en est pas un. Il peut encore au gré de sa folie, de sa singularité, de son désir, accéder à tous les livres. L’argent ne mène pas toute la danse de la lecture. [...] On peut écrire, le dimanche, sous un arbre, avec une feuille de papier et un crayon de bois. Rien n’est plus simple et moins coûteux que commencer à écrire un livre. Je crois qu’il faut s’en émerveiller. L’argent absent crée de la liberté, celle de ne pas lire, de lire, de ne pas acheter, de tout vendre, de conseiller comme de se taire.
Alice Ferney in "Livres Hebdo N°646 du 19 mai 2006 [p49]
Alice Ferney in "Livres Hebdo N°646 du 19 mai 2006 [p49]
10 décembre 2002
L’Internet détient ce potentiel extaordinairement subversif et créateur d’instaurer un règne généralisé de l’intelligence distribuée.
D’autres forces sont à l’oeuvre qui visent à réduire l’Internet à l’état de média relativement traditionnel, qui permettrait à une minorité de pousser, voire imposer ses vues à l’ensemble de la population.
Un tel Internet n’est que l’ombre dévoyée du potentiel social, culturel et humain que recèle cette technique si nous savons nous l’approprier pour notre épanouissement et pas seulement pour faciliter la quête de profits de quelques entrepreneurs ou financiers.
[JC Guédon in Transfert] A consulter :
Peer-to-peer de Andy Oram, (O’Relly ed) www.april.org
voir aussi Christian Scherrer (Adminet), Bruno Oudet et Jean-Noël Tronc
L’Internet est un instrument d’intelligence collective
Pas d’opposition entre le Web marchand et non-marchand, comme voisinent dans une ville, petits et grands commerces, bibliothèques et musées
La déterritorialisation va entraîner (accélérer) la mise à l’ordre du jour d’une gouvernance mondiale. L’Internet favorise le dialogue interculturel.
L’expression directe du citoyen qui peut devenir aussi médiatiuque qu’un Etat ou une multinationale fait peur. D’où diverses tentatives pour encadrer cette expresssion
L’Internet donne la possibilité pour la première fois à quiconque de s’exprimer, créer, communiquer à grande échelle et sans intermédiaire. C’est ce qui fait peur à nos dirigeants.
[extraits d’itws dans un numéro spécial de Transfert]
A consulter :
Peer-to-peer de Andy Oram, (O’Relly ed) www.april.org
voir aussi Christian Scherrer (Adminet), Bruno Oudet et Jean-Noël Tronc
D’autres forces sont à l’oeuvre qui visent à réduire l’Internet à l’état de média relativement traditionnel, qui permettrait à une minorité de pousser, voire imposer ses vues à l’ensemble de la population.
Un tel Internet n’est que l’ombre dévoyée du potentiel social, culturel et humain que recèle cette technique si nous savons nous l’approprier pour notre épanouissement et pas seulement pour faciliter la quête de profits de quelques entrepreneurs ou financiers.
[JC Guédon in Transfert] A consulter :
Peer-to-peer de Andy Oram, (O’Relly ed) www.april.org
voir aussi Christian Scherrer (Adminet), Bruno Oudet et Jean-Noël Tronc
L’Internet est un instrument d’intelligence collective
Pas d’opposition entre le Web marchand et non-marchand, comme voisinent dans une ville, petits et grands commerces, bibliothèques et musées
La déterritorialisation va entraîner (accélérer) la mise à l’ordre du jour d’une gouvernance mondiale. L’Internet favorise le dialogue interculturel.
L’expression directe du citoyen qui peut devenir aussi médiatiuque qu’un Etat ou une multinationale fait peur. D’où diverses tentatives pour encadrer cette expresssion
L’Internet donne la possibilité pour la première fois à quiconque de s’exprimer, créer, communiquer à grande échelle et sans intermédiaire. C’est ce qui fait peur à nos dirigeants.
[extraits d’itws dans un numéro spécial de Transfert]
A consulter :
Peer-to-peer de Andy Oram, (O’Relly ed) www.april.org
voir aussi Christian Scherrer (Adminet), Bruno Oudet et Jean-Noël Tronc
10 décembre 2002
à propos des intellectuels français : ’ils sont du bois dont on fait les chaises-longues’
Paul Morand, à propos de la veuve de Claudel : ’Cette femme a dû être très laide.’
Un couple nonagénaire au juge ’Il y a longtemps que nous voulions divorcer, mais nous avons attendu que les enfants soient morts...’
Paul Morand, à propos de la veuve de Claudel : ’Cette femme a dû être très laide.’
Un couple nonagénaire au juge ’Il y a longtemps que nous voulions divorcer, mais nous avons attendu que les enfants soient morts...’
17 septembre 2002
La question n’est pas de savoir si l’Islam est pire ou meilleure que d’autres religions. Elle est plutôt de mesurer les risques que nous courons tous à nous laisser entraîner dans un débat de ce genre. Celui d’attiser de nouvelles guerres. A moins que les dévots eux-mêmes les encouragent en secret...
Même si toutes invoquent la paix, les religions sont objectivement facteurs de guerre. Sikhs contre hindous, hindous contre musulmans, musulmans contre juifs, catholiques contre protestants, la liste est longue des tragédies de la planète où le fait religieux, même s’il n’en est pas la cause unique, joue un rôle capital dans la perpétuation du conflit. Sans parvenir à les éradiquer, les démocraties occidentales ont réussi depuis deux siècles, à limiter l’ampleur des conflits religieux, même s’il demeure quelques échecs tragiques, comme en Irlande. Cette pacification est due pour l’essentiel au statut qu’elles ont su imposer aux pouvoirs religieux, mis à l’écart, au moins formellement, du processus politique. La séparation des pouvoirs temporel et spirituel favorise à la fois le maintien de la paix civile, et le respect des Droits de l’Homme, si souvent bafoués en référence à des commandements religieux .
Or on ne souligne pas assez le retour massif du religieux dans la sphère politique. Explicite et catastrophique comme en Iran, où l’institution d’un régime théocratique abolit l’idée même de démocratie, moins visible mais tout aussi pesante en Egypte et dans tous les pays soumis à la menace islamiste, où le sort des femmes et des minorités sexuelles connaît une dégradation tragique.
Nos démocraties ne sont pas à l’abri de ce retour du religieux et de son cortège de crispations régressives. Il se manifeste de manière plus insidieuse, mais pourrait nous faire courir les mêmes dangers. Les signes les plus visibles en sont apparus d’abord aux Etats-Unis : Les débats sur la prière à l’école, ou sur l’interdiction d’enseigner la théorie de Darwin, font peser des menaces concrètes sur la liberté de conscience. On s’inquiète aussi de l’influence grandissante des mouvements ‘pro-life’, qui ont organisé ou inspiré des meurtres de médecins pratiquant des avortements. L’arrivée au pouvoir de G. W. Bush, ouvertement partisan de ces lobbies, ne peut que favoriser leur expansion.
En France, les mêmes tendances s’expriment désormais au grand jour, comme on l’a vu lors du débat sur le PACS et sur la reconduction de la loi Weil.
Enfin, ce retour du religieux n’épargne pas non plus les organisations internationales, où l’on voit se dessiner un front commun de la bigoterie, rassemblant fondamentalistes chrétiens et musulmans : L’an dernier, lors d’un débat aux Nations-Unies sur le SIDA, le vote conjoint des Etats-Unis et des pays islamiques a conduit à limiter les programmes d’aide aux victimes de la maladie, au motif que ces actions « risquaient d’ encourager la prostitution, l’homosexualité et l’usage de la drogue. »
Même si toutes invoquent la paix, les religions sont objectivement facteurs de guerre. Sikhs contre hindous, hindous contre musulmans, musulmans contre juifs, catholiques contre protestants, la liste est longue des tragédies de la planète où le fait religieux, même s’il n’en est pas la cause unique, joue un rôle capital dans la perpétuation du conflit. Sans parvenir à les éradiquer, les démocraties occidentales ont réussi depuis deux siècles, à limiter l’ampleur des conflits religieux, même s’il demeure quelques échecs tragiques, comme en Irlande. Cette pacification est due pour l’essentiel au statut qu’elles ont su imposer aux pouvoirs religieux, mis à l’écart, au moins formellement, du processus politique. La séparation des pouvoirs temporel et spirituel favorise à la fois le maintien de la paix civile, et le respect des Droits de l’Homme, si souvent bafoués en référence à des commandements religieux .
Or on ne souligne pas assez le retour massif du religieux dans la sphère politique. Explicite et catastrophique comme en Iran, où l’institution d’un régime théocratique abolit l’idée même de démocratie, moins visible mais tout aussi pesante en Egypte et dans tous les pays soumis à la menace islamiste, où le sort des femmes et des minorités sexuelles connaît une dégradation tragique.
Nos démocraties ne sont pas à l’abri de ce retour du religieux et de son cortège de crispations régressives. Il se manifeste de manière plus insidieuse, mais pourrait nous faire courir les mêmes dangers. Les signes les plus visibles en sont apparus d’abord aux Etats-Unis : Les débats sur la prière à l’école, ou sur l’interdiction d’enseigner la théorie de Darwin, font peser des menaces concrètes sur la liberté de conscience. On s’inquiète aussi de l’influence grandissante des mouvements ‘pro-life’, qui ont organisé ou inspiré des meurtres de médecins pratiquant des avortements. L’arrivée au pouvoir de G. W. Bush, ouvertement partisan de ces lobbies, ne peut que favoriser leur expansion.
En France, les mêmes tendances s’expriment désormais au grand jour, comme on l’a vu lors du débat sur le PACS et sur la reconduction de la loi Weil.
Enfin, ce retour du religieux n’épargne pas non plus les organisations internationales, où l’on voit se dessiner un front commun de la bigoterie, rassemblant fondamentalistes chrétiens et musulmans : L’an dernier, lors d’un débat aux Nations-Unies sur le SIDA, le vote conjoint des Etats-Unis et des pays islamiques a conduit à limiter les programmes d’aide aux victimes de la maladie, au motif que ces actions « risquaient d’ encourager la prostitution, l’homosexualité et l’usage de la drogue. »