[...]avoir réellement connu des gens destinés à la célébrité [dévoile] un autre aspect plus étonnant. C’est que, jadis, ils ont été jeunes, incertains, qu’ils avaient des bourrelets à la taille, une narine plus grosse que l’autre, un regard fuyant qui devenait entendu. Ils ont existé dans le présent, avec toutes ses contingences, pas dans la sécurité du passé. Ils ont été des animaux qui respiraient et digéraient, aussi vulnérables aux blessures que n’importe quelle créature, susceptible à chaque instant de se faire écraser ou de tomber malade. Leurs carrières, qui rétrospectivement paraissent si triomphantes et inévitables, auraient tout aussi bien pu avorter. [p 100]
L’édition new-yorkaise (...) était pleine d’héritières. Elles aussi devaient travailler, et par bonheur, la fortune familiale leur permettait de prendre des situations intéressantes à défaut d’être bien payées. Quand j’étais à Time-Life, ma documentaliste partait à dix heures du soir, après s’être échinée à respecter les délais, et au bord du trottoir trouvait le chauffeur dans la vieille Lincoln Town Car. Les salaires misérables de l’édition ne pouvaient suffire qu’aux gens ayant une grande fortune et des rentes. Les éditeurs s’étaient rendus compte que les héritières avaient une bonne éducation coûteuse, de faibles ambitions, et une telle culpabilité à propos de leur fortune qu’elles travailleraient plus dur que n’importe qui. [p.179]
[...] les gays ne sont pas des compétiteurs à la manière des hétéros ; ce n’est pas un hasard si les gays pratiquent exclusivement des sports individuels. Pas plus qu’ils ne sont impressionnés par leur père et à moitié amoureux de lui. La plupart des gays que je connais ont rejeté leur père et le méprisent. [...] Nous autres gays, nous ne voulons pas faire partie du groupe, nous ne voulons pas jouer au ballon - nous ne sommes pas des joueurs d’équipe. Comment alors pourrions-nous faire des courbettes à quelqu’un qui nous juge ? Nous préférons perdre, quitter le terrain - abandonner. Comment notre père ou une autre figure d’autorité pourrait-il nous intimider si nous ne sommes que trop prêts à crier grâce ? Ce genre d’échappatoire est notre façon de gagner. [p.214]