"Docteur, je crois que quelqu’un mélange à mes aliments un produit destiné à me rendre paranoïaque".
[p.208]
Vivant, comme certains grands malades, dans la familiarité lucide de son mal, il faisait désormais une très nette distinction entre :
1- écrire que les organisations comme X-Kalay* couvrent en réalité des labos de drogue clandestins ou que Nixon est un communiste ;
2- le croire ;
3- croire ce que c’est vrai.
Il estimait possible de l’écrire, dans la mesure où il était auteur de science-fiction et où ce métier consiste à envisager de telles hypothèses, mais condamnable de le croire. Surtout il avait compris qu’il pouvait croire une chose sans qu’elle soit vraie pour autant, parce qu’il n’était pas seulement auteur de science-fiction mais paranoïaque confirmé, et tendait à confondre le monde réel avec celui de ses livres. Il était fier de cette lucidité, résolu à s’y tenir, mais cela ne l’empêchait pas, comme tous les rescapés d’un vice, de trouver la vie morne sans lui.
[p.285]
* X-Kalay est un centre de désintoxication.
(Le compte des trois souhaits) :
Premier souhait : Je veux connaître la vérité, je veux remonter le fleuve de l’oubli, je veux qu’on me montre le fond du sac. Accordé.
Deuxième souhait : Je veux l’oublier, ne plus jamais penser à ce que j’ai vu, oublier cette histoire des trois souhaits, oublier que j’ai droit à un troisième souhait. Je veux tout oublier. Accordé.
Yu gardes ton droit au troisième souhait, mais, c’est promis, tu ne le sauras jamais. C’est oublié. Dors, à présent
[p.360]