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dimanche 21 avril 2024
Où en sommes-nous ?
par  Emmanuel Todd
( 13 janvier 2019 )

Le méritocrate, parfois issu du peuple mais plus souvent de la petite ou de ma moyenne bourgeoisie, pense tout devoir à son intelligence et à son travail, à son mérite . Loin d’aspirer à faire vivre l’égalité, au-delà du mot, il considère trop souvent ceux qui ne l’ont pas suivi dans sa trajectoire ascendante comme, selon son tempérament, des gens moins doués stupides ou débiles. Dignes de voter pour Trump ou pour le Front National. En revanche, celui qui a hérité son statut de privilégié, aristocrate ou non, sait bien, au plus profond de lui-même, ce qu’il doit à ses ancêtres. Il exprimera spontanément moins de mépris pour ceux qui n’ont pas réussi dans leurs études. Dans le cas d’une pleine tradition aristocratique, dont l’esprit peut avoir été transmis à des petit-bourgeois et/ou à des ouvriers, s’ajoutera à la modestie la notion d’une noblesse qui oblige, des devoirs qui accompagnent les privilèges. Nous devons ainsi sérieusement envisager la possibilité que la moins bonne réussite des Etats-Unis, et surtout de la France, dans la prise en compte de l’anxiété populaire, soit un effet pervers de l’égalitarisme qui y règne et d’un idéal méritocratique par trop dominant. Symétriquement, l’élégante prise en charge de sa nation par le parti conservateur britannique pourrait résulter d’une tradition aristocratique qui transcende les individus et les classes. Le tri par l’Université, et même par Oxford et Cambridge, ne détermine pas outre-manche la valeur d’un être humain.