La question n’est pas de savoir si l’Islam est pire ou meilleure que d’autres religions. Elle est plutôt de mesurer les risques que nous courons tous à nous laisser entraîner dans un débat de ce genre. Celui d’attiser de nouvelles guerres. A moins que les dévots eux-mêmes les encouragent en secret...
Même si toutes invoquent la paix, les religions sont objectivement facteurs de guerre. Sikhs contre hindous, hindous contre musulmans, musulmans contre juifs, catholiques contre protestants, la liste est longue des tragédies de la planète où le fait religieux, même s’il n’en est pas la cause unique, joue un rôle capital dans la perpétuation du conflit. Sans parvenir à les éradiquer, les démocraties occidentales ont réussi depuis deux siècles, à limiter l’ampleur des conflits religieux, même s’il demeure quelques échecs tragiques, comme en Irlande. Cette pacification est due pour l’essentiel au statut qu’elles ont su imposer aux pouvoirs religieux, mis à l’écart, au moins formellement, du processus politique. La séparation des pouvoirs temporel et spirituel favorise à la fois le maintien de la paix civile, et le respect des Droits de l’Homme, si souvent bafoués en référence à des commandements religieux .
Or on ne souligne pas assez le retour massif du religieux dans la sphère politique. Explicite et catastrophique comme en Iran, où l’institution d’un régime théocratique abolit l’idée même de démocratie, moins visible mais tout aussi pesante en Egypte et dans tous les pays soumis à la menace islamiste, où le sort des femmes et des minorités sexuelles connaît une dégradation tragique.
Nos démocraties ne sont pas à l’abri de ce retour du religieux et de son cortège de crispations régressives. Il se manifeste de manière plus insidieuse, mais pourrait nous faire courir les mêmes dangers. Les signes les plus visibles en sont apparus d’abord aux Etats-Unis : Les débats sur la prière à l’école, ou sur l’interdiction d’enseigner la théorie de Darwin, font peser des menaces concrètes sur la liberté de conscience. On s’inquiète aussi de l’influence grandissante des mouvements ‘pro-life’, qui ont organisé ou inspiré des meurtres de médecins pratiquant des avortements. L’arrivée au pouvoir de G. W. Bush, ouvertement partisan de ces lobbies, ne peut que favoriser leur expansion.
En France, les mêmes tendances s’expriment désormais au grand jour, comme on l’a vu lors du débat sur le PACS et sur la reconduction de la loi Weil.
Enfin, ce retour du religieux n’épargne pas non plus les organisations internationales, où l’on voit se dessiner un front commun de la bigoterie, rassemblant fondamentalistes chrétiens et musulmans : L’an dernier, lors d’un débat aux Nations-Unies sur le SIDA, le vote conjoint des Etats-Unis et des pays islamiques a conduit à limiter les programmes d’aide aux victimes de la maladie, au motif que ces actions « risquaient d’ encourager la prostitution, l’homosexualité et l’usage de la drogue. »