La pire conséquence de mes années de psychanalyse réside dans la façon dont elle a sapé mes instincts. Le doute de soi, qui est cousin de la haine de soi, devint mon compagnon de chaque instant. Si j’ai maintenant aussi peu de convictions et me perçois comme une anthologie d’opinions interchangeables et également valables, c’est à la psychanalyse que je dois cette incertitude. [p.24]
J’ai remarqué que plus les adolescents deviennent beaux, plus leurs parents en sont réduits à de continuelles colères bafouilleuses contre eux. Il suffit qu’un jeune gars aux hanches étroites et aux larges épaules bondisse sur un trottoir en skate-board avec un frémissement de son épaisse chevelure noire et deux roses rouges sombre sur ses joues blanches, et son père voûté, dégarni, gémit de vitupération haineuse. J’imagine que la haine est la seule façon de détourner le désir criminel ou un aveu tout aussi désagréable de jalousie et de mépris. [p.56]
Je pense parfois que je ne suis qu’un sexomane, totalement corrompu par une vie dévergondée, faite d’habitudes vicieuses. Mais à d’autres moments je me dis qu’il n’y a que le plaisir, les instants de plaisir, pour racheter la souffrance, ou pis, l’insipidité de cette vie. [p.312]
Lorsqu’en 1968 les étudiants gauchistes s’emparèrent du théâtre de l’Odéon à Paris, Genet leur reprocha d’installer les meneurs sur la scène et de laisser la piétaille dans la salle. Il leur fit remarquer qu’ils singeaient déjà la hiérarchie conventionnelle, même s’ils avaient remplacé le personnel, ils avaient donc déjà perdu la bataille. De même, lorsque Castro l’invita à Cuba, Genet répondit qu’il viendrait si Castro se débarrassait du drapeau national et de toutes les chansons de marche ; il savait que les oripeaux du pouvoir ne font que perpétuer celui-ci . [p.335]
Mes vrais amis partagent mon sentiment d’être un touriste sur la terre, un visiteur ne faisant que passer dans la vie, alors que les gens vulgaires se servent de blagues cochonnes pour faire croire qu’ils vivent dans l’intimité, voire dans le mépris des grands mystères. Ce doit être un objectif : avoir l’expérience du monde sans être blasé, être innocent sans être naïf, tout savoir sans que rien aille de soi, connaître la valeur de tout et le prix de rien. [p.359]
Etre prévisible est la seule faute impardonnable chez un ami. [p.364]