Le livre de Sandrine Rousseau dont je viens de terminer la lecture ne souffre pas des défauts propres au genre généralement rasoir qu’est l’essai politique. Pas de liste des mesures à mettre en oeuvre, pas de règlements de comptes avec les adversaires ou les concurrents, pas d’emphase sur des lendemains meilleurs, pas d’appel pathétique à se mobiliser. En revanche, deux développements assez longs m’ont parus très bienvenus de la part d’une écologiste, car propres à susciter un peu d’espoir dans une époque qui n’en inspire guère.
Le premier est une analyse historique sur la période des "trente glorieuses ", et les ressorts d’une prospérité économique qui fut accompagnée de réels progrès sociaux. Elle décrit bien en particulier la bascule radicale opérée au début des années 80, la révolution conservatrice incarnée par Reagan et Thatcher, qui conduit a une économie mondialisée qui ruine les états et détruit la planète au profit des actionnaires . Le récit est d’autant plus convainquant qu’elle le croise avec son itinéraire familial, à la manière d’Annie Ernaux. On est conduit assez naturellement à réaliser que les catastrophes environnementales et politiques qui nous menacent ne peuvent être conjurés que par un mouvement inverse vers une redistribution des richesses et une révision profonde de nos modes de vie et de consommation.
Le second passage important recense des études sociologiques et des témoignages qui battent en brèche l’idée selon laquelle la France aurait, comme beaucoup de ses voisins, irrémédiablement basculé dans les bras de la droite et du fascisme. Une analyse des votes et des enquêtes d’opinion révélerait plutôt une permanence de l’extrême droite, sans que son audience s’elargisse réellement (ce que F.Ruffin traduit dans son expression imagée de fâchés pas fachos.Elle souligne aussi le recul constant des pratiques religieuses ( environ 75 % d’athées ou d’agnostiques) qui bat en brèche les idées reçues sur une guerre des civilisations. Elle dénonce enfin le rôle incendiaire de la médiasphère, largement soumise à l’idéologie trumpiste de ses propriétaires, qui voudraient imposer la légende que leur triomphe est déjà accompli, alors que les urnes ont à l’évidence démontré le contraire.
Bref, on trouve là avec soulagement quelques raisons de ne pas totalement désespérer, même si on ne distingue guère de stratégies pour renverser la vapeur. Peut-être en trouverai-je dans le livre de F. Ruffin ?