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vendredi 19 avril 2024
Hannah Arendt
par Wolfgang Heuer
( 8 octobre 2014 )

(...)La confiance entre les hommes était devenue son plus grand souci. L’amitié et non pas la vérité était pour elle la base de l’humanité, oui, la fidélité devint pour elle le « signe de la vérité ». « A la fin de notre vie, nous savons que seul était vrai ce qui nous fit rester fidèle jusqu’au bout ». Car elle avait appris que « l’humanité spécifique juive sous le signe de la perte du monde était quelque chose de très beau… mais que cette humanité ne survit pas au jour de la libération, ne survit pas cinq minutes à la liberté ». [p.60]

Quand elle arriva à Jérusalem, elle nageait en plein doute. « ma première impression : en haut les juges, les meilleurs des juifs allemands. En dessous, les procureurs, des Galiciens mais toujours des européens. Le tout organisé par une police qui me paraît inquiétante si ce n’est que ses membres parlent hébreux et ressemblent à des Arabes, beaucoup de visages de brutes parmi eux. Qui obéissent à tous les ordres. Et devant les portes la populace orientale, comme si l’on se trouvait à Istanbul ou dans n’importe quel autre pays du Moyen-Orient. Parmi eux, très prédominants à Jérusalem, les Juifs en caftan qui rendent ici la vie impossible à tous les gens raisonnables. Mais surtout une très grande pauvreté ». [p.87]

« Je n’ai jamais mis en question l’absence de résistance des gens ni ne leur en ai fait le reproche. En réalité, ils ont agi comme n’importe quel groupe ou n’importe quel homme confronté à la terreur. Certains aujourd’hui croient pouvoir blâmer cette conduite – d’aller à l’abattoir comme des moutons – en invoquant une soi-disant mentalité de ghetto du peuple juif. Je ne crois pas que ce soit juste.
Mais la conduite des fonctionnaires juifs est une tout auitre question. C’est, en effet, l’affaire qui ne doit pas nous laisser en paix. D’eux non plus, je n’aurais pas exigé « le courage de résister », car c’est une revendication en effet impossible. J’ai seulement posé la question de ce qui se serait passé si les membres des conseils juifs n’avaient rien fait, avaient refusé « l’honneur » d’être des chefs et s’étaient contentés d’être des juifs ordinaires…
Ils ont une véritable excuse : la collaboration avance pas à) pas et il était en effet difficile de comprendre qu’était venu le moment où sont franchies les bornes qui n’auraient jamais dû être franchies ». [p.92]

« Je n’ai jamais aimé de mpa vie un peuple, ou une collectivité, qu’il s’agisse du peuple allemand, français, américain, des prolétaires ou de quoi que ce soit. Je n’aime en fait que mes amis et je suis absolument incapable de tout autre amour. Ensuite, étant donné que je suis juive,, cet amour pour les Juifs serait suspect. Je ne m’aime pas moi-même ni ce que je sais faire partie de notre substance… Je ne peux vous concéder qu’une chose : les injustices commises par mon propre peuple me fâchent certes davantage que les injustices que peuvent commettre les autres peuples ». [p.93]