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jeudi 7 mars 2024
George Orwell, de la guerre civile espagnole à 1984
par George Orwell
( 13 janvier 2013 )

(Par Louis Gill)
A l’occasion d’un hommage international rendu à Nin en 1954, Albert Camus caractérisait ainsi sa fin tragique dans une lettre adressée à l’ancien dirigeant du POUM, Wilebaldo Solano : « La mort d’Andres Nin marque un virage dans la tragédie du XXe siècle, qui est le siècle de la révolution trahie » [p. 107]

Je me rappelle avoir dit un jour à Arthur Koestler : « l’histoire s’est arrêtée en 1936 », ce à quoi il a
immédiatement acquiescé d’un hochement de tête. Nous pensions tous les deux au totalitarisme en général, mais plus particulièrement à la guerre civile espagnole. Tôt dans ma vie, j’ai remarqué qu’aucun événement n’est jamais relaté avec exactitude dans les journaux, mais en Espagne, pour la première fois, j’ai vu des articles de journaux qui n’avaient aucun rapport avec les faits, ni même l’allure d’un mensonge ordinaire. J’ai lu des articles qui faisaient état de grandes batailles alors qu’il n’y avait eu aucun combat, et des silences complets lorsque des centaines d’hommes avaient été tués. J’ai vu des soldats qui avaient bravement combattu être dénoncés comme des lâches et de traîtres, et d’autres, qui n’avaient jamais tiré un coup de fusil, proclamés comme les héros de victoires imaginaires (...)J’ai vu, en fait, l’histoire rédigée non pas conformément à ce qui s’était réellement passé, mais à ce qui était censé s’être passé selon les diverses « lignes de parti » (...)Ce genre de chose me terrifie, parce qu’il me donne l’impression que la notion même de vérité objective est en train de disparaître de ce monde (...)A toutes fins utiles, le mensonge sera devenu vérité (...)L’aboutissement implicite de ce mode de pensée est un monde cauchemardesque dans lequel le Chef, ou quelque clique dirigeante, contrôle non seulement l’avenir, mais le passé. Si le Chef dit de tel événement qu’il ne s’est jamais produit, alors il ne s’est jamais produit. S’il dit que deux et deux font cinq, alors deux et deux font cinq. Cette perspective m’effraie beaucoup plus que les bombes - et après nos expériences de quelques années, il ne s’agit pas d’une conjecture frivole. (Orwell, cité par l’auteur) [p.129]