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jeudi 18 avril 2024
Plaidoyer pour l’éradication des familles
par Stéphane Legrand
( 3 janvier 2012 )

Il est vrai que la mère est la chose qui te dit (que la personne l’articule en mots ou non) : Tu es celui à qui je manifeste mon amour en t’aimant plus que tu n’aimerais être aimé ; tu es celui à qui je donne mon amour en l’accablant de ne pas m’aimer assez ; tu es celui à qui je demande de ne jamais aimer que moi et de me le prouver en aimant une autre femme par le moyen de laquelle tu attesteras ton amour pour moi en me faisant cadeau des enfants de cette femme ; tu es celui que j’ai choisi d’aimer quoi qu’il advienne de lui et à qui je demande de justifier inlassablement cette confiance infinie, ce don illimité, en réussissant tout ce qu’il entreprend.
[p.34]

Tes parents sont bien les responsables directs de l’horreur d’exister, qu’ils t’ont passée comme on refourgue un fardeau ou comme on transmet une maladie, et dont ces salopards se paient le luxe de te donner à croire qu’il s’agit d’un cadeau merveilleux, (...) t’incitant par là à émuler à ton tour leur aveuglement.

« Comme la plupart des drogués et des maniaques, les parents présentent une tendance naturelle au prosélytisme catégoriel, considérant inconsciemment que leur faute sera à moitié lavée lorsque vos l’aurez commise à votre tour. » (E. Celmare, Triste après l’amour)
[p.38]

Etienne est persuadé qu’il est possible, moyennant une énorme discipline et un entraînement assidu, d’agencer soigneusement le contenu de ses heures de veille, de manière à sélectionner les éléments (techniquement, en jargon Crétin : les « restes diurnes ») qui formeront le contenu nécessaire de ses productions oniriques, leur ordre et leur agencement, qu’il se propose de contrôler ensuite depuis l’état de songe, au moyen de divers exercices empruntés à la mythologie yoguique. Puisqu’il n’y a aucune différence assignable entre une sensation ou une perception rêvée et une perception ou une sensation à l’état de veille, il a décidé de progressivement établir ses quartiers dans le sommeil et de vivre sa vie dans ses rêves, où enfin ils sera seul, disposant de tout pouvoir, sans plus de déhiscence entre l’ordre de ses désirs et celui de l’univers. Ce n’est d’ailleurs pas si con, et à l’ en croire il a bien avancé.

[p.82]

Au fil du premier XIXe siècle, dans ton pays ainsi que dans la plupart des autres qui l’environnent, la psychiatrie s’est trouvée requise d’intervenir dans le fonctionnement du pouvoir d’assassiner et meurtrir légalement que tu nommes « droit pénal ». Précisément en évaluant le degré de dangerosité des individus suspects d’un crime dont l’examen était soumis à sa sagacité . Il lui fallait donner un fondement médico- théorique à cette virtualité de nuisance qu’on lui demandait inlassablement de détecter chez les voleurs de bicyclettes et plus généralement tous les coupables d’illégitime défense contre la voracité capitaliste.
[p,85]